- R�alisateur : Bruno Dumont
- Acteurs : Alane Delhaye, Lucy Caron, Bernard Pruvost
- Auteur : Philippe Jore
Génie tragicomique comme on en fait peu, cet OVNI déjà culte mélange l’hilarité et la poésie. Un voyage surréaliste dont les gueules de cinéma rappellent le Michel Simon de L’Atalante.
P’tit quinquin, Bruno Dumont
Avec : Alane Delhaye, Lucy Caron, Bernard Pruvost, Philippe Jore
Année : 2014
Géniale mise en tension de polar horrifique (on songe beaucoup à la première saison de True Detective ou à Twin Peaks) et de burlesque méta, P’tit Quinquin y va sa petite révolution. Grand aficionados des comédiens amateurs, son réalisateur Bruno Dumont (La vie de Jésus, Ma Loute…) impose via cette dynamique un style inimitable.
Au gré des vacances pas comme les autres de "P’tit Quinquin", ado habitant du Boulonnais, au fil des déambulations improbables du commandant Van der Weyden et de son assistant Rudy Carpentier, le cinéaste dessine un espace surréaliste et dont l’imaginaire fourmille de poésie et de non-sens. Dans ce paysage péri-urbain peuplé de personnages improbables et aux visages atypiques, rien n’est filmé ou pensé sur un plan réaliste. Beaucoup ont prêté à cette mini-série ou film en quatre épisodes (dont la suite se nomme "Coincoin et les Z’inhumains") des velléités sociologiques larvées, lui reprochant sa caricature du nord de la France et de ses habitants. Pourtant, là n’est pas la question puisque l’optique à la fois fictionnelle et presque fantastique de l’objet désamorce justement toute possibilité de le rapprocher au réel.
C’est un monde fantasmagorique qu’il est préférable de pénétrer comme on pénètre un territoire poétique et peuplé de chimères. Ainsi, l’une des premières choses vues par "P’tit Quinquin" durant cet été de vacances qui s’amorce est une vache extraite par un hélicoptère d’un blockhaus. L’image est on ne peut plus fantastique et remémore tant les cadavres retrouvés par le duo de policiers dans True Detective saison 1 que le final gonflé et en apesanteur de Ma Loute (Bruno Dumont, 2016).
Outre la comédie policière poilante et dopée par les longs silences et incompréhensions des enquêteurs, P’tit Quinquin contient également une chronique sensible de l’enfance et de la pré-adolescence. Il y a du Jacques Tati à travers la cocasserie énigmatique des situations et un profond attachement aux personnages autant qu’aux acteurs – entre les deux, la frontière demeure d’ailleurs justement des plus poreuses.
Mention spéciale pour les innombrables scènes hilarantes : celles de la fanfare, la cérémonie des anciens combattants, le sketch de la voiture de fonction, du briefing au restaurant… Autant de moments délirants qui, sous couvert d’un humour à la Marx Brothers, se permet aussi d’illustrer en creux et en miroir les affres de notre (in)humanité (racisme, exclusion, handicap…). Sublime et inénarrable.