- Acteurs : Michael Douglas, Sharon Stone
On continue à explorer les sérial-killers les plus célèbres du petit et grand écran. Aujourd’hui, la plus sulfureuse de toutes...
Faites la rencontre de Catherine Tramell, brillante écrivaine le jour, serial-killer la nuit. Ou comment faire rimer l’exigence du documentaire et le son du pic à glace transperçant la chair.
Au cinéma, les personnages de serial-killers féminins forment un groupe pour le moins réduit. Il convient même de se pencher sur les films plus anonymes ou oubliés pour dénicher des exemples indiscutables. L’on croise notamment Baby Firefly dans The Devil’s Rejects (Rob Zombie, 2005), Asami dans Audition (Takashi Miike, 1999), Annie Wilkes dans Misery (Rob Reiner, 1990), Béatrice Dalle dans À l’intérieur (Julien Maury, 2007) ou encore Carrie dans Carrie (De Palma, 1976). À cela s’ajoutent quelques seconds couteaux comme Tiffany, la femme de Chucky dans La Fiancée de Chucky (Ronny Yu, 1998), Aileen Wuomos dans Monster (Patty Jenkins, 2003), Evelyn Draper dans Un frisson dans la nuit (Eastwood, 1971) ou Mme Voorhees dans Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980). Il arrive enfin que le serial-killer féminin fasse l’objet d’un fantasme sexiste, comme avec Sil dans La Mutante (Roger Donaldson, 1995). Il n’empêche qu’à quelques exceptions près (éventuellement chez Eastwood), la psychologie du personnage n’atteint jamais la profondeur de la tueuse en série Catherine Tramell.
À l’inverse d’un cliché comme Sil dans La Mutante, la serial-killer interprétée par Sharon Stone dans Basic Instinct (Verhoeven, 1992) ne repose pas seulement sur son physique avantageux. Il ne fait à l’évidence aucun doute que ses charmes vénéneux passent pour son arme fétiche. Néanmoins, sa nature de femme fatale et sa propension à multiplier les relations sexuelles ne servent qu’à tromper le regard, à éclipser sa nébulosité. À mi-chemin entre Hannibal Lecter (pour sa personnalité a priori douce mais en réalité tortueuse) et Patrick Bateman (pour son obsession des apparences), Catherine Tramell manie la délicatesse et avance masquée. Elle se distingue toutefois de ses collègues par son addiction au risque. Toujours sur le fil du rasoir, cette héritière d’une fortune de 110 millions de dollars semble entretenir une pulsion irrépressible la tirant vers la mort – probablement connexe au décès brutal de ses parents dans l’explosion d’un bateau.
Aussi, l’on ne peut comprendre son personnage sans mentionner sa vie d’écrivaine. Diplômée en littérature et en psychologie, elle compose des romans mêlant sexe et crime. Or, elle ne peut s’empêcher de faire coller les histoires qu’elle écrit avec la réalité. À tel point que s’arranger avec la réalité devient pour elle une obsession reconfigurant jusqu’à ses rapports avec les autres. Dès lors, le "je n’ai rien à cacher" qu’elle prononce lors de l’interrogatoire avec la police n’est plus seulement un mensonge. D’abord parce qu’elle décroise à cet instant précis ses jambes pour exposer son sexe nu. Ensuite parce qu’elle dévoile par là même la force de ses pulsions – celles qu’elles révèlent au lit au moment de transpercer ses victimes. Reste que les policiers se montrent bien trop stupides et médusés pour l’interpréter.
4 choses à savoir sur Catherine Tramell
1. L’analogie entre le physique de Sharon Stone et celui de Kim Novak dans Sueurs froides (Hitchcock, 1958) n’est pas un hasard. D’autant que les deux personnages vivent à San Francisco et que la musique de Basic Instinct (de Jerry Goldsmith) n’est pas sans rappeler la partition de Bernard Herrmann. Nul doute que Paul Verhoeven a souhaité souligner son accointance avec le film noir d’Hitchcock, sans oublier à la marge le parallèle avec Psychose (la névrose meurtrière du pic à glace renvoyant au couteau de Bates, le rocking-chair de Catherine Tramell faisant échos à celui de la mère défunte).
2. Si l’on ne voit pas Catherine Tramell tuer le détective Nick Curran (Michael Douglas) à la fin de Basic Instinct, il apparaît assez certain qu’elle le fera prochainement. Comme le dit Verhoeven à propos de Nick, « c’est un imbécile et c’est elle qui contrôle. Vous ne pouvez pas battre le diable » (Jean-Marc Bouineau, Paul Verhoeven, Beyond Flesh+Blood, 1994, Éditions Le cinéphage).
3. Dans Basic Instinct, Catherine Tramell porte exclusivement des vêtements dans les tons blancs. Ce symbole d’innocence se veut une sorte de pied de nez aux enquêteurs. Son personnage s’habillera toutefois de noir dans le deuxième volet.
4. Catherine Tramell fait une apparition à l’arrière plan dans Last Action Hero (John McTiernan, 1993) quand Jack Slater (Arnold Schwarzenegger) se rend au commissariat de police.