Ils s’appelaient "La Meute", ils venaient de Séville, ils avaient entre 27 et 29 ans et, comme des loups, ils se sont jetés sur leur victime, une étudiante espagnole de dix-huit ans, profitant de l’ambiance festive de la San Firmin, à Pampelune, en juillet 2016. Cette terrible affaire a marqué un tournant dans l’histoire de la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles, en Espagne, comme ailleurs. Mais le combat a été long et le documentaire "Ensemble face à la meute", revient précisément sur les étapes de ce chemin jonché d’obstacles, qui a mobilisé des policiers, des associations féministes, des avocats, une procureure acharnée et une opinion publique exaspérée par une longue litanie de femmes victimes, dont les noms émergent des images d’archives et des décennies d’inertie.

S’il évoque dans un premier temps la difficulté de retrouver les coupables au milieu d’une foule à la fois immense et semblablement vêtue, le film prend ensuite la distance nécessaire pour documenter de manière édifiante les difficultés auxquelles se heurtent les femmes maltraitées. Car il s’agit bien pour elles de nier toute forme de consentement, en étant même sommées de le prouver, les accusés de Pampelune s’enfermant bien sûr dans une défense qui consiste à affirmer le contraire, tout comme leurs avocats, prompts à brandir des arguments spectaculaires, jusqu’à faire dire à une vidéo abjecte tournée par les violeurs ce qu’elle ne montre pas.

Contemporain du mouvement #MeToo, le procès de "La Meute" est celui de cinq amis récidivistes -leur agression de Pampelune n’était pas leur première exaction- qui ont prémédité leurs actes, l’analyse de leurs téléphones portables dévoilant leur funeste de commettre un crime sexuel, au cours de la San Firmin. Et une décision de justice, d’abord aveugle à la réalité des faits, a finalement permis de les requalifier en viols, après une importante mobilisation de la collectivité et de multiples témoignages de femmes, via le hashtag #Cuentalo ("raconte-le") sur Twitter.

Pour mesurer la longue route qu’il reste à parcourir dans la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, on se souviendra des propos de l’ancien maire de Pampelune, Joseba Asiron, revenant sur les événements : "Quand mon fils sort, je lui dis "amuse-toi bien et ne t’attire pas d’ennuis", alors que quand ma fille sort, je lui dis "amuse-toi bien et fais attention où tu vas". Ce n’est pas juste".
Précis et glaçant, le documentaire No estás sola constitue un jalon nécessaire dans une prise de conscience collective.