Tout se marchandise dans un monde où tout se vend et s’achète. Les rencontres n’échappent pas à la règle et engendrent leur lot de stratégies mercantiles. Twin Flames Universe fait partie de ces projets dont le succès paraît insensé : comment un jeune couple au discours aussi rudimentaire et outrancier, fondé sur un syncrétisme de spiritualisme new age et d’injonctions managériales, a-t-il pu parvenir à susciter l’intérêt de milliers d’adeptes, dont une bonne partie aux États-Unis ? On demeure très circonspect sur l’ampleur d’une telle entreprise, mais parce que, vu de France, Twin Flames Universe ne peut être compris hors d’un contexte qui, malheureusement, n’est pas assez exploré par ce documentaire très classique.

Si le virilisme côtoie le libéralisme et l’évangélisme, pour se condenser dans une seule et même religion, celle qu’inventent deux prosélytes opiniâtres, c’est bien parce qu’au pays de l’oncle Sam, une telle alliance est non seulement possible mais susceptible de convaincre, par exemple, une étudiante brillante et a priori cartésienne. Comme elle, qui témoigne avec émotion, d’anciens membres de cette communauté virtuelle ont pendant longtemps convergé dans un même élan et un même désir : rencontrer leur âme sœur. Jeff et Shaleia Divine, les fondateurs de Twin Flames Universe, l’ont bien compris et ils ont prospéré sur cet espoir, en inventant un réseau virtuel dont ils ont modelé la structure, le contenu, pour se mettre en scène comme des experts de la relation, avant de s’incarner en tant que modèles absolus de ce qu’il faut faire, vivre, penser, aimer. Peu avare d’inepties en la matière, le binôme a même quelques opinions bien tranchées sur l’orientation sexuelle qui ne résistent évidemment pas aux études les plus sérieuses.

Quoique les Divine s’en défendent, les dérives sectaires de Twin Flames ont été dénoncées, le FBI enquête et le documentaire enfonce le clou. La plupart des témoignages font froid dans le dos, dénoncent des méthodes de manipulation bien connues, où l’on souffle le chaud et le froid, où la même main qui corrige est aussi la main qui caresse, pour créer une dépendance absolue, pour donner la sensation qu’on ne peut vivre son existence sans passer sous les fourches caudines d’un jugement transcendental. Jeff et Shaieia, eux-mêmes, semblent dans une posture messianique et ont d’ailleurs fondé l’Église de l’Union où bien sûr Jeff est le « Christ Père » et Shaleia est le « Christ Mère ».

Au fur et à mesure que le succès s’accroît, l’emprise de ses deux fondateurs grandit comme une ombre. Mais la virtualité de cette communauté semble fonctionner en protégeant ses fondateurs : si certains de leurs membres basculent dans la case fait divers, rivés sur leur désir de trouver leur "flamme jumelle" à tout prix, aucun lien n’a pu être clairement établi par la justice, de sorte que le couple continue ses activités. Après les trois épisodes de cette série, on a tout de même la conviction que l’affaire Twin Flames Universe n’en restera pas là...