- Acteurs : Michael C. Hall, Taylor Kitsch, Tuppence Middleton, Nina Hoss
Entre polar historique et petit brulot politique, la série "Shadowplay" (Canal +) donne une vision assez percutante du Berlin inextricable de l’après-deuxième Guerre mondiale.
La seconde Guerre mondiale vient de s’achever et Max Laughlin (Taylor Kitsch), détective de Brooklyn, se rend à Berlin-ouest pour aider à la création d’une police spéciale. Mais dans le même temps, ce policier part secrètement sur les traces de son frère Moritz (Logan Marshall-Green) porté disparu depuis peu, un soldat qui se révèle chasseur d’anciens nazis…
Avec en toile de fond un Berlin dévasté – post-deuxième Guerre mondiale oblige – et que se disputent insidieusement quatre nations, la série "Shadowplay" (diffusée par Canal + depuis le 2 septembre) se paie d’office un décor complexe et passionnant. Plus que le contexte paranoïaque et hostile, c’est la face cachée de Berlin qui fascine. En 1946, la ville grise (ici plutôt filmée de manière estivale, une fois n’est pas coutume) s’apparente en effet à une véritable capitale du crime, avec pas moins de 300 000 meurtres enregistrés. Dans ce terrain de jeu épineux, Max suit une double enquête au fil d’une sorte de jeu de piste où les femmes dominent ou presque, elles qui représentent alors 92 % de la population compte tenu des soldats tués ou emprisonnés.
La mise en scène privilégie l’immersion, claquemurant presque exclusivement l’intrigue dans les bas-fonds de la ville. Le rythme de la série est assez lancinant, optant plus pour la stase contemplative et mystérieuse que pour le suspense nerveux. De fait, l’enquête prend son temps pour émerger mais cela laisse le temps au scénario d’épaissir chacun des personnages centraux, que le spectateur a bien du mal à ranger du côté des bons ou des méchants – d’ailleurs, en cela "Shadowplay" se garde de ne jamais céder au manichéisme. Le vice-consul américain Tom Franklin et son épouse badine Claire, incarnés respectivement par Michael C. Hall ("Six Feet Under", "Dexter"…) et Tuppence Middleton ("Sense8", "Downtown Abbey"…), cachent ainsi par exemple par-dessous leur candeur une vraie obsession pour le pouvoir et ses arcanes. Les masques s’avèrent nombreux et inexorables dans "Shadowplay".
Le créateur de la série Måns Mårlind (co-créateur avec Björn Stein entre autres du film "Le Silence des ombres" en 2010) semble avoir pris grand soin de synthétiser toutes les facettes incertaines et duplices des protagonistes à travers ce labyrinthe diabolique qu’est Berlin. Blessés, tourmentés, malades ou encore en quête de vengeance, c’est comme si tous les personnages jouaient un double-jeu. En seulement huit épisodes, la mini-série "Shadowplay" joue aussi bien la carte du thriller classique que celle plus politique consistant à mettre en parallèle la Guerre froide et les contextes géopolitiques contemporains – avec en filigrane la résurgence du spectre de l’extrême droite en Europe. Sans brio absolu mais avec une certaine originalité, la série se révèle on ne peut plus habile à mêler le suspense avec l’histoire et des thématiques plus actuelles.