- Distributeur : Netflix
Netflix sort un nouveau docu-série consacré à un serial-killer, Richard Ramirez, tueur qui sema l’effroi en Californie au milieu des années 80. Montage acéré, suspense savamment dosé… l’objet se révèle assez soigné et proche du thriller.
"Gregory", "Out of Thin Air", "Don’t Fuck With Cats", "Making a Murderer", "The Keepers", "Wild Wild Country", "Strong Island", ou plus récemment l’efficace "Sur la piste de l’éventreur de Yorkshire"… ces dernières années, Netflix multiplie (parfois avec un certain brio) les documentaires criminels, pour le plus grand plaisir des aficionados de faits divers sordides et autres curieux. Cette fois, la plateforme jette un regard sur la Californie de 1985, année au cours de laquelle une série de meurtres et atrocités sans schéma apparent fut perpétrée aux abords de Los Angeles. Le mode opératoire du psychopathe, un certain Richard Ramirez, est à la fois foutraque et métronomique. Il pénètre la nuit au sein du logement de ses proies et sème un désordre tenant du carnage, et ce, sans laisser d’empreinte digitale. Viols sur mineurs et personnes âgées, vols, assassinats… ses crimes n’ont pas vraiment de dénominateur commun, tout comme ses victimes. Si bien qu’il donne du fil à retordre aux experts en criminologie… Pourquoi faut-il regarder "Le Traqueur de la nuit" ?
Pour son immersion réaliste
Sur quatre épisodes, le docu-série entrecroise photos d’archives, comptes-rendus d’enquête d’époque, entretiens avec des enquêteurs, journalistes et victimes rescapées, sans compter des interviews et témoignages plus récents. Immersif en diable, le dispositif s’appuie parfois sur des images de synthèse troublantes de véracité pour reconstituer les scènes de crime, jusqu’à parfois susciter un sentiment d’angoisse. Certes, le montage à sensation, l’omniprésence des effets de découpage et la musique rendent par moment l’atmosphère un peu trop encline au divertissement et à l’agrément, mais c’est aussi pour mieux intensifier et donner de l’épaisseur aux faits décrits. En découle, un peu comme dans "Police Fédérale Los Angeles" (Friedkin, 1985) une vision désenchantée et cauchemardesque de la cité des anges, avec sa face cachée peu reluisante. Ceci étant, L.A. n’aura pas attendu Ramirez pour inquiéter et terroriser. Le romancier James Ellroy, entre autres, le montre bien, notamment avec son livre « Le Dahlia Noir ».
Parce que Frank Salerno et Gil Carrillo
Avec sa dégaine de flics tout droit sortis d’une fiction à la Friedkin ou Fincher, le duo formé par Frank Salerno, éminent détective de la crim, et Gil Carrillo, ex jeune limier prometteur, s’avère détonant. Aussi magnétiques dans les vidéos d’archives que dans des entretiens récents, les deux hommes fascinent et créent une véritable intensité, à condition évidemment de ne pas avoir passé en amont trop de temps sur la page Wikipédia du tueur Richard Ramirez. Un peu comme dans "Zodiac" (Fincher, 2007), ces narrateurs du récit ont vu leur vie personnelle considérablement chamboulée au fil de la traque, tandis que le nombre de victimes ne cessait de croître inexorablement. Mais leur entreprise minutieuse aura porté ses fruits.
Pour le décryptage de la personnalité de Ramirez, être diabolique
Loin du documentaire l’idée de faire de Richard Ramirez une icône, la monstruosité de ses trop nombreux crimes parlant d’elle-même. Point de glorification aucune à l’horizon, bien évidemment. D’ailleurs, le réalisateur du documentaire Tiller Russell a préféré laisser le tueur dans l’ombre (sauf dans le dernier épisode) – à raison. Reste, en filigrane, un portrait glaçant de la personnalité du psychopathe, qui demeure l’un des pires criminels en série de l’histoire des Etats-Unis. Fanatique du diable, le tueur gravait ou dessinait des pentacles sur les lieux de ses massacres, invitant ses victimes à s’en remettre à Satan. Du reste, ce n’est étrangement pas lorsqu’il apparaît dans le champ de la caméra (lors du procès, entre autres) que Ramirez terrifie le plus, mais quand ses victimes rescapées l’évoquent, ou quand sa voix surgit dans divers enregistrements. Sans atteindre la finesse et la sensibilité du docu-série "The Keepers" s’agissant des interviews avec les victimes, "Le Traqueur de la nuit" s’avère un documentaire percutant et suffisamment exhaustif pour captiver.