- Réalisateur : Lluis Danès
- Acteurs : Bruna Cusí, Nora Navas, Roger Casamajor
- Distributeur : Destiny Films
- Genre : Thriller, Policier
- Nationalité : Espagnol
- Date de sortie : 28 septembre 2022
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans :des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Durée : 1h46min
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Résumé :
Barcelone, au début du XXe siècle, voit cohabiter deux villes. L’une, bourgeoise et moderniste ; l’autre, crasseuse et sordide. La disparition de la petite Teresa Guitart, fille d’une famille riche, envoie une onde de choc dans tout le pays. La police a bientôt une suspecte : Enriqueta Martí. De son côté, le journaliste Sebastià Comas va mener une véritable enquête et découvrir la sombre vérité…
C’est l’un des plus beaux films de ces derniers mois, qui confirme la bonne santé du thriller espagnol. Les Mystères de Barcelone nous immerge dans les quartiers pauvres de la ville catalane, au cœur des années 1910. Des enfants disparaissent, la population s’affole, la police minimise l’affaire. Un journaliste enquête, tandis qu’une étrange guérisseuse est bientôt mise en cause. Thriller vintage et expressionniste, l’œuvre de Lluis Danès parvient à créer une ambiance à l’esthétique cauchemardesque, tout en maintenant le cap d’un récit rythmé.
Notre trois bonnes raisons d’aller voir le long métrage :
1- un hommage appuyé au cinéma expressionniste : Les Mystères de Barcelone marche sur les traces du cinéma expressionniste, privilégiant de forts contrastes entre ombres et lumières dans un noir et blanc tout à fait idoine. La trame du film, construite autour de la disparition d’enfants, rappelle bien sûr M le Maudit de Fritz Lang. Mais le long métrage parvient aussi à saisir d’une manière saisissante les bas-fonds du Barcelone des années 10, où la pauvreté côtoie la corruption. La façon dont la caméra documente cette misère du quotidien, sur laquelle prospèrent toutes les formes d’exploitation, ne laisse pas d’évoquer Elephant Man, l’inoubliable long métrage de David Lynch. A d’autres moments, les trucages de l’image cinématographique se réfèrent à l’art de Georges Méliès.
2- la relecture personnelle d’une histoire traumatisante : le parcours d’Enriqueta Martí i Ripollés, accusée d’avoir enlevé, prostitué et tué des enfants, avait, comme beaucoup de faits divers sordides, déjà généré plusieurs œuvres, parmi lesquelles le beau roman graphique de Miguel Ángel Parra, Ivan Ledesma et Jandro González, sorti en 2019. Le film de Lluis Danès parvient à exploiter la dimension archétypale de cette terrible affaire, en abordant des thèmes éternels comme les abus de pouvoir, la duplicité mensongère, la culpabilité destructrice, le phénomène du bouc émissaire, tout en choisissant un point de vue qui lui donne une visée contemporaine : en effet, le regard d’un journaliste en quête de vérité face à des notables corrompus et une police complice réactualise un fait passé pour le configurer en une sorte de fable sur la post-vérité. Les protagonistes les plus puissants étant aussi les plus immoraux, ils feront tout pour que la réalité épouvantable de leurs actes ne soit pas divulguée au plus grand nombre et s’en prendront à celui qui dit le vrai.
3- la performance des actrices et des acteurs : pivot de cette histoire, le journaliste Sebastià Comas est une pure création fictionnelle, qui enquête de manière acharnée, tout en conservant le souvenir d’un deuil familial. Roger Casamajor l’incarne avec une vraie densité, de façon suffisamment expressive pour qu’on déchiffre dans la moindre de ses expressions la complexité d’un personnage profondément déchiré. Face à lui, Nora Navas est une Enriqueta Martí duelle et imprévisible, comme si sa propre personnalité résumait les nœuds d’un fait divers complexe, où s’imbriquent la réalité ignoble et la légende fantasmée. Dans le rôle d’un vil et veule commissaire, Sergi López est également très convaincant.