- R�alisateur : Ryan Murphy
- Acteur : Sarah Paulson
Présentée comme une sorte de préquel de "Vol au-dessus d’un nid de coucou", "Ratched" est d’abord une série typiquement provocatrice comme Ryan Murphy en a le secret. Voici 3 raisons d’y succomber, entre glamour et chairs saignantes.
"Ratched", série produite par Netflix et réalisée par le trublion stakhanoviste Ryan Murphy (American Horror Story, Hollywood, The Politician…), raconte les débuts en 1947 de Mildred Ratched, l’infirmière en psychiatrie du film "Vol au-dessus d’un nid de coucou" (1975). Plutôt que de passer pour l’ambassadrice de la brutalité et du sadisme comme dans le roman de Ken Kesey ou dans le long-métrage de Forman, elle devient chez Murphy un être cruel mais néanmoins sensible et finalement attachant, aussi prête à tout soit-elle pour trouver sa rédemption. Du reste, par-delà sa mise en scène luxueuse dans la jolie ville côtière de Lucia (Californie), comment s’explique la réussite de la série ?
Grâce à Ryan Murphy, sulfureux, pertinent, mordant… On ne présente plus l’intarissable showrunner (Nip/Tuck, Glee…), dont on reconnaît ici instantanément le style, à la fois macabre, sensuel et outrancier. Dès la première séquence, le réalisateur déploie toute l’irrévérence possible, hautement corrosive, avec notamment un prêtre se masturbant avec de la vaseline avant de finir trucidé dans des circonstances grand-guignolesques. Chez Murphy, le sexe côtoie souvent la mort dans un ballet frénétique. On pourrait finir par se lasser de l’exubérance de l’Américain mais rien n’y fait : même poussive, sa rhétorique licencieuse et sanglante fait toujours mouche, notamment de par ses parti-pris politiques et sociaux, invariablement progressistes.
Grâce à Mildred Ratched, tout droit sorti de « Vol au-dessus d’un nid de coucou ». On troque les yeux bleus de l’actrice Louise Fletcher (chez Forman) contre le regard noir de Sarah Paulson, muse inconditionnelle de Ryan Murphy aussi bien croisée dans "Nip/Tuck" que dans "American Horror Story". En résulte un personnage entièrement raccord avec l’esthétique du créateur : un antihéros marginal, monstrueux sous certains aspects, traumatisé et pourtant glamour, séduisant et empathique. Ou l’art de faire du repoussant quelque chose d’attirant. Glaciale, flegmatique, la nouvelle Mildred Ratched est aussi très mystérieuse. Peu à peu, pourtant, elle lève le voile sur ses intentions, elle qui semble s’intéresser étrangement au jeune tueur récemment incarcéré dans l’asile où elle travaille. Mention spéciale, aussi, pour la relation amoureuse qu’elle entretient avec Gwendolyn Briggs (Cynthia Nixon), juste et touchante.
Parce que c’est sombre, macabre et totalement jouissif. Il y a du film noir dans "Ratched" en cela que la série, après nous avoir placé du côté de l’antihéros, nous met dans la confidence : la trajectoire, déjà gorgée de sang d’entrée de jeu, semble fatalement mener à la mort ou au mieux à la bassesse et à la fausseté. Sur la route de Ratched, se cachent des détectives, une veuve vengeresse, des imposteurs… Et parmi eux personne, dans ce délire meurtrier, ne se trouve à sa place, puisque tout le monde ou presque calcule aux dépens d’autrui, dissimule sa vérité sous un masque. D’une noirceur pailletée – comme souvent chez Murphy –, ce temple de l’excès qu’est "Ratched" offre un divertissement haut en couleurs, teinté en prime d’un humanisme non feint.