- Réalisateur : Damiano Damiani
- Acteurs : Ornella Muti , Alessio Praticò, Tano Cimarosa
Seule contre la mafia
De : Damiano Damiani
Avec : Ornella Muti, Alessio Orano, Tano Cimarosa
Genre : mafia, thriller, drame
Année : 1970
Pays : Italie
Ce joyau du cinéma des années 70 n’a pas pris une ride. Mieux : sa modernité ne s’était peut-être jamais imposée jusqu’alors avec une telle évidence. (Re)découvrez d’urgence ce film de mafia doublé d’un virtuose portrait de femme révoltée.
Sur les conseils du grand baron de la pègre fraîchement emprisonné, Vito recherche une jeune fille pauvre et vertueuse afin de l’épouser. Il tombe bientôt amoureux de Francesca, adolescente de 15 ans. Mais celle-ci se révèle indomptable et d’une obstination à toute épreuve, quitte à faire vaciller les odieux principes de la mafia et en creux les conventions traditionnelles de l’Italie…
D’une redoutable maîtrise, "Seule contre la mafia" impressionne par son sens aiguisé du rythme et du découpage. Cette étonnante modernité, ce joyau signé Damiano Damiani ("La mafia fait la loi", "El Chuncho"…) sorti en 1970 la brandit à chaque plan, ou presque. Dans les minutieux mouvements d’appareil, dans l’alternance entre les échelles de plan (avec notamment une attention portée aux gros plans sur les visages - superbes), ou encore dans le soin prodigué jusque dans les scènes tournées caméra à l’épaule, "Seule contre la mafia" se révèle aussi bien véloce que génialement contemplatif. Via ce va-et-vient entre action larvée et psychologie vétilleuse, se déploie peut-être tout le paradoxe du film : d’une part mettre en scène l’affrontement infini entre corruption et justice ; de l’autre portraiturer l’incarnation vengeresse de la vertu et de la probité (Francesca).
En cela, l’essence de "Seule contre la mafia" se veut multiple : film de gangsters, drame sentimental, thriller… À l’instar de Francesca - personnage inspiré par le destin de la célèbre Franca Viola, bien que Damiano Damiani s’en défende en amorce du film - dont il puise l’énergie folle, le long-métrage emprunte presque toujours des chemins de traverse inattendus. La géniale musique d’Ennio Morricone, qui oscille entre avant-garde et guimbarde ironique traditionnelle de l’Italie, traduit à elle seule l’impossible apaisement de l’intrigue et de l’Italie d’alors. La voix de la soprano entendue en écho en dit par ailleurs allégoriquement long sur la solitude indéfectible du personnage de Francesca. Son combat insatiable contre le paternalisme et contre sa condition d’objet sexuel font du reste d’elle une véritable icône de l’émancipation féminine, voire quelque part du féminisme.
Pugnace et indomptable jusque dans son mutisme, cette Francesca interprétée par l’incroyable Ornella Muti (devenue star absolue par la suite) possède quelquefois le flegme intouchable de la Harriett Andersson de "Monika" (Ingmar Bergman, 1953) - les gros plans y sont probablement pour beaucoup. Grâce à sa solide structure, enfin, laquelle forme quelque part un cercle vicieux infernal où le Mal l’emporte implacablement, "Seule contre la mafia" excelle. Ou comment une âme d’une pureté infinie, obstinée et désespérée, parvient (un peu) à déjouer les tromperies d’une organisation mafieuse dégoulinante. Chef d’œuvre, sans nul doute, que ce tableau mythologique du combat entre la pureté et la corruption, magnifiquement interprété, photographié et mis en scène. On comprend aisément du reste, en se plongeant ou replongeant dans le film, l’influence déterminante qu’il a pu exercer et continue d’avoir sur le cinéma et les séries, par exemple sur une mini-série telle que "The Good Mothers".
Récemment diffusé dans le cadre du Cinéma de minuit, "Seule contre la mafia" est disponible en replay jusqu’au 27 janvier.