Léonie Vilbert est un mystère... Personne ne l’a jamais vu. Il se murmure qu’un auteur ou une autrice de polar bien connu se cache derrière ce qui pourrait être un pseudonyme... En attendant, son Cosy mystery "Les enquêtes de Renoir et Monet : Nature Morte" est un délice à lire. Interview
Bepolar : Voici un premier roman de cosy mystery très plaisant. Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’écrire et de vous lancer dans ce genre ?
Léonie Vilbert : La nostalgie ! Comme beaucoup de lecteurs, mes premières lectures d’adolescent ont compté Agatha Christie, Maurice Leblanc, Gaston Leroux… Même si ce ne sont pas tous des auteurs de cosy mystery, ils ont en commun une légèreté dans leur rapport au crime, on n’est pas dans le noir sordide. Une spécificité qui me donnait envie depuis longtemps de m’attaquer à ce genre : car le cosy mystery a ceci de paradoxal qu’il faut faire du doux avec de l’horreur ! Je trouve que c’est un défi d’écriture passionnant.
Bepolar : On est en 1862, dans un château avec Claude Monet et Pierre-Auguste Renoir. Pourquoi cette époque et ces deux personnages historiques ? Vous aviez envie d’une connivence avec les lecteurs et lectrices ?
Léonie Vilbert : J’ai choisi ces deux peintres avant tout, ce sont eux qui m’ont imposé l‘époque. D’abord parce que j’avais envie d’une paire d’enquêteurs plutôt que d’un seul, et ensuite parce que la relation de Renoir et Monet m’a toujours intéressé. Ils partagent énormément de points communs, ils sont restés amis toute leur vie mais ils avaient aussi des caractères différents. Ils étaient des personnages de roman nés ! Ensuite, le fait qu’ils aient existé permet effectivement la connivence que vous soulignez. Lecteur et auteur partagent ce secret qu’aucun des personnages ne connait : ces deux étudiants en peinture vont marquer l’histoire de l’art à jamais et de façon spectaculaire.
Bepolar : Est-ce que c’est facile d’ailleurs de les mettre en scène ?
Léonie Vilbert : J’ai fait beaucoup de recherches pour tenter d’être au plus proche de la vérité quant à leurs caractères. Ma chance est qu’ils avaient des personnalités très complémentaires, ce qui est essentiel pour que le duo fonctionne. Pour le reste, il y a un accord tacite avec le lecteur : à partir du moment où nous savons qu’ils n’ont jamais été enquêteurs, je peux aussi m’offrir un peu de liberté, une partie de la vérité historique est mise de côté. La véritable difficulté a été surtout du côté de l’époque. Il faut éviter les anachronismes. J’ai dû par exemple supprimer une scène dans laquelle les deux héros utilisaient un cintre pour récupérer un objet… Le cintre tel qu’on le connaît a été inventé sept ans plus tard, en 1869 !
J’ai pris énormément de plaisir à jouer avec les codes du Whodunit et du huis-clos
Bepolar : Un meurtre est commis, une tempête de neige fait rage et Renoir et Monet savent qu’ils sont les principaux suspects. Ils vont devoir mener l’enquête. Il y a un petit air d’Agatha Christie. Comment avez-vous construit votre intrigue ? Vous avez pris plaisir à jouer avec les codes du polar d’enquête ?
Léonie Vilbert : J’ai pris énormément de plaisir à jouer avec les codes du Whodunit et du huis-clos à la Agatha Christie ! Notamment au début, quand je présente chaque personnage chez lui, se préparant à venir passer noël dans ce château. J’ai d’abord construit les liens entre tous ces personnages, notamment les liens secrets, pour tisser une espèce de toile les unissant tous. Ensuite, la difficulté a été d’ajuster la résolution du crime à la hauteur de deux étudiants en peinture qui ne sont que des enquêteurs amateurs sans talent particulier pour la déduction. Alors qu’il faut malgré tout qu’ils soient meilleurs que les autres protagonistes… C’était passionnant à mettre en place !
Bepolar : Qu’est-ce que vous aimeriez que vos lecteurs et lectrices retiennent une fois la dernière page tournée ?
Léonie Vilbert : Je voudrais surtout que ce soit Renoir et Monet qui restent dans leur esprit, qu’ils les quittent à regret avec l’envie de les suivre dans une nouvelle aventure. Et qu’ils y repensent parfois dans les couloirs d’un musée !
C’est aussi la force du polar, tout ce champ des possibles
Bepolar : Sur le web, on peut lire que "Léonie Vilbert est le pseudonyme d’un auteur de polar français, notamment de trois romans policiers multi-récompensés." Vous qui mettez en scène des personnages, est-ce que c’est facile de se glisser dans la peau d’une autrice, dans un autre style que celui auquel vous nous aviez habitué ? Changer de nom, c’était aller jusqu’au bout du challenge ?
Léonie Vilbert : Ce n’est pas la première fois que j’écris sous pseudonyme, j’ai rédigé de nombreux textes sous des pseudonymes féminins et masculins. C’est un exercice que j’aime beaucoup et qui n’est pas anodin. Le processus d’écriture est vraiment impacté. Je n’ajoute pas un nom au hasard à la fin de la rédaction, je le vis comme une performance théâtrale ! Quand j’écris en me mettant dans la peau d’un auteur américain alcoolique de 25 ans ou d’une retraitée anglaise qui vit avec ses chats, je ne vais pas dans la même direction. Effectivement, cela me procure le sentiment d’avoir respecté le défi jusqu’au bout. Et au final, j’y prends énormément de plaisir !
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Léonie Vilbert : C’est un genre qui comporte une infinité de sous-genres, il y en a pour tous les goûts. La légèreté du cosy mystery ne convient pas à tous de même que la noirceur de Karine Giebel en fera fuir certains… Certains vous diront que sans dimension sociale, ce n’est pas un bon polar, d’autres que tout est dans l’enquêteur… C’est aussi la force du polar, tout ce champ des possibles. Alors pour répondre à cette question difficile, je dirais qu’un bon polar, un bon livre en fait, c’est tout simplement celui qu’on ne veut pas lâcher avant la fin.