- Auteur : Ian Manook
Ian Manook est l’auteur des grands froids. Pour sa nouvelle série polar, il s’est inspiré de l’Islande...
Bepolar : Dans la vidéo sur le site de votre éditeur, vous dites baser vos romans sur vos souvenirs de voyage. Qu’est-ce qui vous a plu en Islande au point d’avoir envie d’y écrire une deuxième histoire ?
Ian Manook : Pour l’instant en effet, j’ai la chance de pouvoir écrire sur des pays où j’ai aimé voyager, quelle que soit la période de ma vie pendant laquelle j’ai fait ce voyage. Pour ce qui est de l’Islande, mon attachement à ce pays tient à deux raisons. La première est que ce pays a été le point de départ, en 1973, d’un grand voyage initiatique qui s’est terminé vingt-sept mois plus tard dans le Mato Grosso brésilien. C’est un voyage qui a changé ma vie, mon rapport aux autres et au monde, et par conséquent j’en suis reconnaissant au pays qui m’a mis sur ce chemin.
L’autre raison est que c’est un pays d’une beauté sauvage à couper le souffle. Face aux paysages d’Islande, je ne sais jamais si je suis face à un paysage de premier matin du monde ou face à un paysage de fin du monde. C’est violent, noir, tourmenté, éruptif, glacial, et en même temps lumineux, distendu, vert, fleuri. Quand j’étais sur l’île de Heimaey, pendant l’éruption du Eldfell, Haroun Tazieff était venu nous dire qu’il fallait évacuer de toute urgence cette île qui allait imploser et disparaître dans la mer. C’est toujours la même sensation avec l’Islande. De savoir cette île à cheval sur deux plaques tectoniques laisse toujours cette impression de démesure qui pourrait faire que la nature engloutisse tout ça du jour au lendemain.
Bepolar : On plonge littéralement dans la vie islandaise. Là aussi c’est basé sur vos souvenirs ou vous êtes vous documenté ?
Ian Manook :Je ne me documente jamais avant de commencer l’écriture de mes romans. Je ne me base, dans le premier jet, que sur mes souvenirs de voyage ou de lecture. Par contre je mets des mots en rouge dans mon manuscrit quand j’ai un doute sur l’acuité de mon souvenir, ce qui fait que je vais vérifier a posteriori. Je trouve que la trop grande documentation préalable conduit souvent les meilleurs auteurs, malgré eux, à régurgiter tout ce qu’ils ont ingurgité. Les auteurs oublient souvent que les lecteurs ne connaissent pas toute l’étendue de leur documentation. Il suffit quelques fois de quelques détails pour satisfaire leur curiosité romanesque. Pas la peine d’insérer des pages encyclopédiques dans le mille-feuilles d’un roman.
Bepolar : La première partie est assez enlevée, assez drôle. Vous aviez envie de faire sourire le lecteur avant de mieux l’entraîner dans votre histoire ?
Ian Manook :
Je ne peux pas écrire, tout comme je ne pourrais pas vivre, sans humour. L’humour permet d’apporter cette pointe de dérision et de détachement sans laquelle le roman noir ne serait qu’un récit d’horreur. Bien souvent d’ailleurs les personnages se construisent à travers leur humour plus que par des descriptions physiques. Et puis d’un point de vue technique d’écriture, l’humour est souvent le meilleur moyen de construire un suspense et de surprendre le lecteur.
Bepolar : Comment pourriez-vous nous présenter Kornélius ? Quels liens avez-vous avec vos personnages ?
Ian Manook :J’ai avec Kornelius, comme avec tous mes personnages, un lien très fort dans la mesure où, écrivant sans aucun plan, ce sont eux qui s’imposent à moi. Contrairement aux auteurs qui établissent une fiche complète sur leurs personnages avant même de commencer à écrire, (allant jusqu’à détailler leur couleur préférée, leur fleur, leur plat, leurs lieux de vacances etc.), j’attaque la première page d’un roman sans avoir aucune idée de mes personnages. Souvent même, j’écris les premières pages avec « il », et je ne lui donne un nom qu’après, quand par une alchimie que moi-même j’ai du mal à m’expliquer, son nom s’impose naturellement. Ça a été le cas avec Kornelius. Et ce lien reste fort dans la mesure où, écrivant sans plan, ce qui arrive à mes personnages surgit au fur et à mesure sous ma plus et que je suis aussi surpris qu’eux, ou que le lecteur, de la direction que prend leur vie. En fait je m’attache à eux parce que je les découvre au fur et à mesure de l’histoire qu’ils finissent par inspirer, eux plus que moi. Mon rôle d’écrivain se résume bien souvent à essayer de les suivre…
Bepolar : Vous revenez sur l’Affaire Einarsson qui a marqué la chronique judiciaire en Islande. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette affaire ?
Ian Manook :Deux choses très différentes. D’abord cette faille policière et judiciaire dans ce qu’on a coutume de considérer comme une république exemplaire. Ce gouffre juridique terrible dans lequel on a poussé ces gamins à qui on a fait admettre deux crimes sans cadavre, sans indices matériels, sans témoins, et sans mémoire des accusés de l’avoir commis. Et ensuite cette terrible manipulation de la mémoire qui a permis cette faillite policière et judiciaire. Cette façon d’implanter des faux souvenirs pour pousser des innocents à finir par admettre que oui, peut-être, ils ont dû commettre ces crimes dont ils ne se souviennent pas…
Bepolar : On y lit un amour certain de la nature islandaise. Est-ce qu’on peut lire votre roman aussi comme un plaidoyer pour la préservation de la nature ?
Ian Manook :Je crois malheureusement que la nature n’attend plus rien de nous, et surtout pas des plaidoyers de complaisance. Ce que démontre l’Islande, c’est que quand elle l’aura décidé, la nature reprendra ce qui lui est dû avec une force à laquelle nous ne pourrons pas résister une seule seconde. C’est nous qui disparaîtrons. La nature nous survivra comme elle a survécu à des millénaires de glaciations et d’autres de canicule. Je pense même que la nature se portera beaucoup mieux sans nous. Elle développera d’autres espèces pour survivre aux tristes conditions dans lesquelles nous l’auront laissé. Ça lui laissera quelques millénaires pour se refaire avant qu’une de ces espèces, se croyant dominante, devienne aussi con et suicidaire que la nôtre et recommence nos erreurs…
Bepolar : Est-ce que vous pouvez déjà nous donner quelques indications pour le troisième volume de cette "trilogie" ? Est-ce qu’il y a un autre pays qui vous inspire ?
Ian Manook :Encore une fois, comme j’écris sans plan, je n’ai pas d’histoire très précise en tête. Il me faut toujours, pour commencer un roman, une scène visuellement assez forte pour que je prenne plaisir à l’écrire et qu’elle force des personnages à apparaître. Je viens de trouver cette scène et je viens d’attaquer le premier chapitre. Mais à part le fait que cette scène se déroule plutôt en hiver, je n’ai pour l’instant pas d’autre indication particulière sur ce sera ce troisième et dernier opus de la trilogie Islandaise.
Quant aux autres pays, j’ai une attirance pour la Patagonie et l’Écosses, et j’ai commencé une saga sur la diaspora arménienne.
Bepolar : Quand pourrons-nous vous voir en dédicace ?
Ian Manook :Tout au long de l’année et un peu partout, puisque je participe à environ 40 événements par an à travers toute la France. Il faut suivre ça sur ma page Facebook.