- Auteur : Joseph Ponthus
- Editeur : La Table Ronde
- Date de sortie : 3 janvier 2019
- EAN : 978-2710389668
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Résumé :
C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer. Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de boeufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.
VALERIE FREDERICK 8 mai 2019
A la ligne - Joseph Ponthus
Quand un ancien élève d’hypokhâgne se retrouve ouvrier dans un abattoir à l’extrémité de la Bretagne, par amour, après un passage dans les cités de la banlieue parisienne en tant qu’éducateur, on obtient un écrit dont plume déménage !
« A l’agence d’intérim, on me demande quand je peux commencer
Je sors ma vanne habituelle littéraire et convenue
"Eh bien demain dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne"
Pris au mot j’embauche le lendemain à six heures du matin »
Ce premier roman n’est pas commun. Par sa forme : l’auteur écrit comme il pense, sans ajustement syntaxique ni ponctuation. Il revient à la ligne à chaque proposition… Cela me semblait déstabilisant au départ, mais non, absolument pas. La lecture coule de source, comme passent les crevettes sur le tapis, les carcasses de vache le long des rails, comme jaillit le jet d’eau sensé laver toute ces cochonneries pré ou post mortem de milliers d’animaux destinés à orner vos assiettes ; Dieu merci, je suis végétarienne, je me contenterais, peut-être, du tofu égoutté ?
Le fond du roman est lui aussi inattendu. Ce récit autobiographique navigue entre les pensées hautement littéraires de notre auteur / narrateur et la réalité du monde du travail contemporain. L’utilité d’avoir une tête bien faite et bien pleine s’annihile devant le besoin instauré par une société capitaliste qui veut avant tout produire et consommer. Et pour assouvir ces deux besoins, il faut de la main d’œuvre, trouvée rapidement et pour pas cher. Faisant fi de son désir de trouver un travail à la mesure de ses compétences intellectuelles, et parce qu’il « faut des sous », Joseph Ponthus se résigne, pousse la porte d’une agence d’intérim et se retrouve dès le lendemain à trier les crevettes et les bulots.
La découverte de ce métier physique d’ouvrier va lui permettre d’aller de découvertes en déconvenues, de réfléchir aux auteurs lus et étudiés naguère, de tracer une ligne de démarcation entre théorie, pratique et idéalisme et d’en ressortir, sur divers points, plus fort : « L’usine m’a apaisé comme un divan ».
Missbook Missbook 7 mai 2019
A la ligne - Joseph Ponthus
Je remercie les éditions de la Table Ronde pour l’envoi de ce roman. Et quelle découverte ! Alors que j’écris ces premières lignes, un message apparaît sur mon écran de téléphone : Le Grand Prix RTL-Lire 2019 est donc attribué cette année au premier roman de Joseph Ponthus « À la ligne » publié à La Table Ronde, en cette rentrée littéraire 2019. Une récompense hautement méritée. Ce roman est une déflagration littéraire !
» C’est fantastique tout ce qu’on peut supporter « disait un certain… Apollinaire ! Il ne croyait pas si bien dire. Lorsque Joseph Ponthus lâche son emploi d’éducateur en région parisienne pour rejoindre sa belle aimée en terre bretonne, rien ne le prédestinait à pousser les portes des agences d’interim, en quête d’un emploi. Mais le temps passe et les sous manquent. Alors pas le choix. Il faut se résigner à taper aux portes pour trouver un emploi. N’importe lequel. Il faut bien que les sous rentrent.
p. 12 : » À l’agence d’interim on me demande quand je peux commencer
Je sors ma vanne habituelle littéraire et convenue
» Eh bien demain dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne «
Pris au mot j’embauche le lendemain à six heures du matin «
Ancien élève d’hypokhâgne, le voilà affublé d’une charlotte et de bottes, au pied de la pointeuse, prêt à en découdre avec les sardines et les bulots, dans un atelier où la température frôle avec le négatif. Et oui, c’est ça, le monde de l’agro-alimentaire. Il faut le voir pour le croire. Non… il faut le vivre pour le croire ! Que se passe-t-il dans la tête de ce jeune presque quadragénaire au parcours intellectuel éloquent à ce moment précis ? C’est toute l’histoire de ce livre, dont le sous titre « Feuillets d’usine » sont autant de notes prises quotidiennement, à l’arrachée d’un corps à l’épuisement. Pour témoigner. Ne pas oublier.
C’est la découverte d’un nouveau monde. De nouveaux mots. De nouveaux collègues. De nouveaux rythmes.
p. 18 : » La débauche
Quel joli mot
Qu’on n’utilise plus trop sinon au sens figuré
Mais comprendre
Dans son corps
Viscéralement
Ce qu’est la débauche «
Le chef d’équipe l’accueil. Le carnet a remplacé le livret d’ouvrier. Une autre époque, une autre appellation, mais un même symbole, celui du capitalisme enraciné.
C’est dans la douleur physique, surtout que se joue une journée d’intérimaire dans une usine agro, jusqu’à découvrir des muscles dont on ignorait jusque là l’existence. Et l’abrutissement des tâches répétées inlassablement.
p. 52 : » J’en chie mais à l’usine on se tait «
Alors on attend la pause avec impatience. Car oui, la pause aussi est chronométrée. Clope café. À la ligne. Les sardines n’attendent pas. La production n’attend pas.
p. 18 : » Ce n’est pas du Zola mais on pourrait y croire «
Les rythmes s’enchaînent, s’entremêlent, au point de ne plus savoir ni quand dormir, ni quand manger, et pourtant il faut s’adapter. Toujours. Prévenu parfois le jour même, les changements de planning sont réguliers. S’adapter. Encore. Parce qu’entre chaque mission, on attend désespérément près du téléphone. » Espérer et attendre « , on flirte avec Godot ! L’interim c’est la précarité d’un lendemain incertain.
p. 41 : » Le rythme de mes huit heures de nuit est bien étrange à assimiler pour et par mon organisme «
Alors, dans cet étrange ballet de crevettes et de tofu, de transpalettes et de machines, il reste l’amour des mots. Et ça, l’usine ne peut lui enlever !
p. 49 : » Je me dis qu’il faut une sacrée foi dans la paie qui finira bien par tomber dans l’amour de l’absurde ou dans la littérature
Pour continuer
Il faut continuer «
Joseph Ponthus s’accroche à ses auteurs de prédilection Apollinaire, Aragon, Pérec, et chantonne, car oui, chanter donne du baume au cœur quand le physique souffre. Trénet, Brel, il sont tous là et l’accompagnent dans ce dur labeur.
p. 191 : » Trenet me sauve le travail et la vie tous les jours que l’usine fait «
Mais finalement, à y comparer, les crevettes et les bulots, c’était pas si désagréable. Mais ça, il ne le découvre qu’en franchissant les portes de l’atelier de l’abattoir, l’antre de l’inimaginable, où le sang et la mort se côtoient au quotidien.
p. 139 : » Mes cauchemars sont à la hauteur de ce que mon corps endure «
Aucune animosité. Aucune rancœur. Ce roman est un acte de non-violence. Un hommage à tous ces travailleurs invisibles ! Brutal, pertinent et sincère, Joseph Ponthus nous ouvre les lourdes portes des usines, et plus particulièrement de la précarité des emplois intérimaires, pourtant indispensables à ses énormes unités de production ! Entre sourires et larmes, ce roman est le souvenir de tous ceux et toutes celles qui ont franchi ces portes, pour un jour ou pour une vie, dont le courage et la ténacité soient aujourd’hui récompensés par ce témoignage poignant !
Alors oui, ce livre est grand ! Oui ce livre est incontournable ! Mais pour cela il faut avoir la curiosité et l’audace d’aller voir ce qui s’y passe. De l’intérieur. Une lecture d’utilité publique, ou plutôt devrais-je me permettre de dire d’utilité politique ! Car messieurs les dirigeants de notre beau pays et messieurs les dirigeants d’entreprises, il est grand temps d’ouvrir les yeux sur les conditions d’exploitation, oups pardon, je voulais dire avec plus de diplomatie, les conditions de travail des ouvriers d’usine ! Un style bien singulier et une absence de ponctuation qui procure un relief puissant à l’écriture, et donne ainsi une cadence de lecture, comme sur les lignes de production. À la ligne.