- Auteur : Lisa Gardner
- Editeur : Albin Michel
Bonne nouvelle, c’est le premier tome d’une série !
Frankie Elkin n’est pas policière, ni détective privée, elle n’a ni compétence ni formation particulière, néanmoins, sa vie consiste à retrouver des personnes disparues. En particulier celles qui appartiennent à des minorités – des autochtones, des immigrants, etc. – et n’intéressent pas les médias qui pourraient pousser les autorités à continuer d’enquêter. Pourtant, Frankie est blanche, et quand elle débarque quelque part et commence à poser des questions, on la regarde de travers.
« (…) des mois d’enquête acharnée dans une réserve indienne où ma présence n’était ni regardée d’un bon œil par la population ni souhaitée par la police tribale. »
Frankie est aussi alcoolique, une alcoolique abstinente depuis des années, et bizarrement ça l’aide à s’intégrer, du moins à rencontrer des gens qui peuvent lui donner un coup de pouce, ou en tout cas la renseigner. Dès qu’une enquête est finie, elle passe à une autre. Au début de L’Été d’avant, elle arrive à Boston – plus précisément dans le quartier de Mattapan dont la grande majorité des habitants sont des Noirs et où la couleur de sa peau lui vaut des regards méfiants – pour se mettre à la recherche d’Angelique Badeau, une adolescente haïtienne disparue depuis près d’un an. Frankie trouve rapidement un emploi et une chambre – et des réunions aux Alcooliques anonymes. Ses investigations vont pouvoir commencer.
« Quand la police a baissé les bras, que les médias ne s’y sont jamais intéressés, que tout le monde a oublié, c’est là que j’interviens. »
Il m’était arrivé, ces dernières années, de me dire que les personnages des romans de Lisa Gardner étaient décidément tous bien blancs. Peu, voire pas du tout, de colored people parmi les flics ou détectives, les victimes ou les coupables. C’est tout l’inverse dans ce roman où les gens sont principalement noirs ou métis. À l’exception notable de Frankie Elkin qui doit faire ses preuves avant qu’on lui fasse confiance. Cela permet à l’autrice de visiter des lieux qu’elle n’avait pas encore explorés, de mettre en scène des communautés diverses avec leurs tensions raciales, mais aussi d’affirmer son antiracisme – quoique le mot « racisme » ne soit jamais utilisé – et sa tolérance, celle-ci s’exprimant en particulier par le biais de l’alcoolisme. Ce choix n’est pas gratuit, il lui permet de développer une intrigue indissociable des personnages : la grand-mère et le petit frère d’Angélique, Livia et sa famille, tellement dysfonctionnelle, Lotham et Ricardo, les flics qui cauchemardent depuis des mois sur cette affaire, et puis Stoney, le patron du bar qui embauche Frankie et lui loue une chambre, Charlie, un membre des Alcooliques anonymes, sans oublier les employées du Dunkin’ Donuts.
« (…) je me serais attendue à voir des gangs et des dealeurs traîner à tous les coins de rue. Au lieu de ça, je découvre des gens ordinaires qui vaquent à leurs occupations quotidiennes et qui, pour la plupart, observent avec curiosité cette Blanche qui se promène toute seule. »
Ce n’est pas seulement par la peinture des habitants de Mattapan, que L’Été d’avant diffère des précédents ouvrages de Lisa Gardner. Habituellement, dans ses thrillers, on éprouve des craintes pour la personne disparue. Ici, on s’inquiète surtout pour l’enquêtrice dont la vie et les malheurs, passés et présents, sont racontés avec pudeur. Jusqu’au moment où on se fait rattraper par l’intrigue policière, tout autant passionnante qu’émouvante.
Bonne nouvelle, L’Été d’avant est le premier tome d’une nouvelle série. Deux autres ont déjà été publiés aux États-Unis et devraient être en cours de traduction. Vivement leur parution !
Lucie Chenu
L’Été d’avant, Lisa Gardner
Traduit de l’anglais (USA) par Cécile Deniard