- Auteur : Gérard Coquet
- Genre : Polar
- Editeur : Jigal
- Date de sortie : 15 février 2017
- EAN : 979-1092016925
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Résumé :
La Connemara Black est une mouche artificielle permettant au pêcheur de ne jamais rentrer bredouille… C’est également le nom d’un ancien groupe armé de l’IRA, l’Armée Républicaine Irlandaise. Mais c’est aussi le surnom donné aux filles vivant dans cette baie, à l’ouest de l’Irlande. Elles sont souvent très belles mais plus revêches à apprivoiser qu’un poney des tourbières. Ciara McMurphy en est une. Après un mariage raté, elle a fui la région et s’est engagée dans la Garda, la police locale. Mais lorsqu’une série de meurtres balaie la ville de Galway, c’est elle que le commissaire Grady choisit d’envoyer sur ses terres natales afin de surveiller ce qui reste des indépendantistes. Et entre autres le vieux Zack, un chef de clan, un patriarche qui – entre terres désolées, légendes d’un autre temps, cimetières abandonnés et ex-combattants de tous bords – veille dans l’ombre… Mais sur quoi veille-t-il ?
universpolars 27 octobre 2024
Connemara Black - Gérard Coquet
La Guinness et la pluie coulent à flot, le whisky et les invectives brûlent les gosiers, les lacs et les rivières sont remplis de truites et de saumons, on s’arrache les meilleures mouches pour les pêcher - c’est même ici le "sport national" ! - et dans les pubs chauffés à la tourbe, on parle de pêche, des gens et du pays : nous sommes en Irlande.
L’Irlande, dont une partie a été méchamment convoitée d’un côté, puissamment défendue de l’autre, arrachée dans des bains de sang à travers l’Histoire, m’a conquis le temps de cette histoire. L’auteur aborde le pays d’une puissante façon, avec une ambiance pesante et lourde (de sens...). Gérard Coquet a réussi à m’enfouir complètement, coeur et âme, dans ce coin du monde qui m’a paru autant accueillant qu’austère.
Au début, pourtant, c’était difficile pour moi d’entrer complètement dans l’histoire. L’auteur nous dévoile un magnifique paysage typique de l’Irlande, mais entre les McMurphy, McCoy ou encore les O’Brien, qui évoluent dans un pays où les mentalités et les convictions se mélangent entre les partisans de l’IRA, ou RIRA, PIRA, RUC ou encore UVF, unionistes, loyaliste, etc... Je m’y perds.
Je m’y perd un peu et, du coup, je n’accroche pas complètement. Mais ça, c’est uniquement pour le début ! Rapidement, je trouve un point d’encrage qui m’élève vers le centre de cette intrigue qui trace ses méandres dans ce pays - il faut le dire ! - typique et révélant mille symboles. Tout se met en place. Les personnages sont ici à l’image du pays : durs, fiers, vrais et très sensibles aux traditions et à l’histoire de leur nation.
Gérard Coquet met en scène des personnages aussi forts, solides et rustiques que la région : j’adore.
Léger bémol : une petite partie de l’intrigue est liée à l’ésotérisme, la mythologie ou encore la magie noire. Cet aspect-là ne m’a jamais intéressé. Mais, comme je l’ai mentionné, c’est juste un léger bémol qui se noie dans une immensité de grandiose !
Le roman s’ouvre sur un enterrement. Nous sommes au bord de l’océan, sur les côtes ouest de l’Irlande, dans le Connemara. Le vieux Zack McCoy enterre sa fille, morte d’une balle dans la tête.
13 ans plus tard, nous rencontrons Ciara McMurphy, de la police locale, une jolie femme qui a du tempérament. J’irais même jusqu’à dire qu’elle a été élevée à la Guinness et, pour la dureté, façonnée à partir d’une bouteille de whisky. Par rapport à son langage, elle a certainement dû être élevée par une compagnie de charretiers en mal d’éducation ! Vous l’aurez compris, Ciara McMurphy est une vraie. Franchement, je l’aime bien.
Après avoir quitté sa région natale, elle y revient quelque temps après, en traînant derrière elle un mariage qui a tourné au vinaigre. Pas étonnant, j’aurais envie de dire... Dans le patelin de son enfance, paradoxalement, elle ne sera pas vraiment la bienvenue.
Une série de meurtres commis dans la région de Galway sera sa principale préoccupation. Une mission très délicate et sensible, confiée par sa hiérarchie qui désire qu’elle s’en occupe personnellement. C’est sa terre, après tout.
L’une des victimes, assassinée pour une raison que je qualifierais de "banale" - un simple témoin gênant -, va immanquablement faire resurgir un pan très noir de l’Histoire, période que le gouvernement et bien des citoyens irlandais, soit presque tout le pays, tentent d’enterrer depuis des années.
En effet, l’identité de cette victime n’est de loin pas inconnue pour son rôle joué à une certaine époque. Les responsables de cet assassinat vont d’ailleurs user de ce flou et de cet imbroglio pour tenter de faire passer en second plan le vrai motif de leur méfait et ainsi se faire oublier.
Garder un œil sur les indépendantistes qui traînent encore dans le coin sera essentiel pour la flic Ciara McMurphy. Le vieux Zack McCoy, grand ami de son père mort en 1992, est l’un d’entre-eux. Autant dire qu’enquêter dans ce milieu occupé par des noyaux durs va être plutôt délicat. Les morts violentes vont s’enchaîner à une vitesse exponentielle.
L’Irlande, longtemps divisée, malmenée et secouée par divers mouvements armés, a retrouvé aujourd’hui un cessez-le-feu. Les armes ont été déposées. Mais dans le cœur et l’âme des Irlandais, il y aura toujours une sorte de division irrévocable. Un conflit intérieur ? Dans cette histoire, par une sorte de quiproquo, le pays risquera, ou non, de prendre à nouveau feu et totalement s’embraser. Les flammes ne sont pas loin de la poudre qui n’attend qu’à être rallumée ! La plaie semble bien trop grande pour être complètement cautérisée et oubliée à jamais.
Par contre, ce qui est sûr, c’est que nous allons voir se déverser autant de litres de haine et de sang que de litres de whisky et de Guinness. C’est dire dans un pays comme l’Irlande !
Le dénouement sera assez mortel, dans le sens propre comme dans le sens figuré. Un dimanche rempli d’hémoglobine !
"Sunday bloody sunday", comme le chantait Bono. Sauf que là, nous ne sommes pas à Derry, et nous ne sommes pas un dimanche de 1972.
"Connemara black" est le genre de bouquin qui, pour moi, n’a pas besoin de se refermer sur moult rebondissements. L’écriture, les personnages ou encore l’ambiance et l’atmosphère m’ont conquis déjà à mi-parcours et se suffisent à eux-mêmes. Gérard Coquet m’a livré une histoire qui m’a atteint. En tournant chacune des pages, j’y ai trouvé mon compte, sans exception.
Mais le bonus est tout de même là, à savoir un dénouement bien agressif, brutal mais aussi fort subtil et touchant.
Bonne lecture.