- Acteurs : Laura Linney, Jason Bateman, Sofia Hublitz, Skylar Gaertner
Sous son apparent classicisme, cette série made in Netflix mêlant tragédie, thriller et polar, fourmille de bonnes idées. Mieux : ses rebondissements la rendent jubilatoire. Voici 5 raisons d’y succomber.
Il y a du Hitchcock dans l’air. Non, on ne vous parle pas ici du suspense à la « Psychose » avec ses twists et ses jump scare mais du Hitchcock caustique prenant un malin plaisir à déconstruire la famille américaine. Si suspense et personnages calculateurs il y a dans Ozark, la création de Bill Dubuque et Mark Williams joue donc surtout la carte des faux semblants. Car aussi propre sur elle soit-elle, avec ses parents nantis, flegmatiques, et ses enfants modèles, la famille Byrde dissimule de lourds secrets derrière les apparences : adultère, blanchiment d’argent pour le compte d’un des plus gros cartels du Mexique… la question consiste à savoir comment se poursuit la vie de famille malgré les mensonges et le point zéro de la moralité. Tout un programme.
Ceci n’est pas un ersatz de « Breaking Bad ». Si quelque chose tourne définitivement autour de la descente aux enfers d’un homme et de sa famille, le ton funeste n‘est résolument pas celui acidulé de la série de Vince Gilligan. D’abord, la distance humoristique et disons, cool, de la trajectoire de Walter White, est inexistante ici. D’entrée de jeu, le drame apparaît abyssal et les dangers innombrables. La mort rode au détour de chaque plan et la topographie de la région des grands lacs de Lake Ozark, banlieue de Chicago où échoue la famille Byrde, ne laisse aucune échappatoire. Pire : la chromatique-même de la série, avec ses gris, verts foncés et marrons – par opposition aux jaunes et ocres solaires de « Breaking Bad » – traduit cette différence avec une facilité désopilante. Indépendante, Ozark réussit ainsi à se démarquer et à briller par elle-même.
Parce que Shakespeare et ses jeux de pouvoir. Vous avez apprécié Game of Thrones pour ses joutes shakespeariennes entre Macbeth et Othello où chaque dialogue remettait en jeu l’ascendant et l’autorité de tous les personnages. Eh bien nul doute qu’Ozark, avec ses nombreuses Ladies Macbeth et ses Iago omnipotents, devraient vous ravir d’angoisse.
Parce que son décor à lui seul en dit long sur l’imbrication de son intrigue, sur sa complexité. On reconnaît les bons scénarios à la nature du panorama qui se dessine à l’arrière plan. Et de panorama ici, en dehors des bords de lacs, des maisons familiales et des bois, difficile d’en trouver un qui se détache réellement. C’est que tout est bouché. Or, c’est là toute la subtilité d’Ozark : inscrire son récit au sein même d’un territoire insondable et labyrinthique. À l’image de l’avenir incertain de Marty Byrde et des siens, le décor se pose comme impénétrable, impossible à circonscrire d’un seul tenant. Comme dans « Délivrance » (pierre angulaire du survival signé John Boorman, 1972), la nature, fut-elle idyllique et accueillante, sécrète une tension latente à laquelle on ne se soustrait pas. Inquiétude redoublée par tous ces personnages secondaires que l’on prend au départ pour de simples péquenauds mais qui se révèlent des limiers infaillibles.
Parce que les hiérarchies sociales disparaissent ou presque, dans Ozark. Et résultat : les seconds rôles déchirent. Si la série ne dézingue pas totalement les grandes lignes de la sociologie moderne, avec ses gagnants et ses perdants, une chose est sure ici : on ne reconnaît pas les protagonistes les plus puissants et créatifs dans Ozark à leur apparence ou à leur statut social. Ruth et Wyatt Langmore, d’une part, et le couple formé par Jacob et Darlene Snell, d’autre part, illustrent bien ce phénomène où les hiérarchies classiques s’inversent, ou du moins se dérèglent.
Parce que Wendy Byrde. Peu exploitée dans la première saison, l’épouse de Marty se révèle peu à peu l’un des ingrédients primordiaux de Ozark (avec Ruth Langmore et Darlene Snell – girl power), tout en montée en puissance. Génie de stratège à la fois dingue parce que totalement accro au danger et diplomate comme personne, elle justifie à elle seule de regarder la série.
Parce que Marty Byrde. On a fini par apprécier ce père de famille en perdition dans la première saison qui, comme Walter White, en vient lui aussi petit à petit à basculer du côté obscur. Quoi qu’il en soit, ce conseiller financier est le prof d’économie dont tout le monde a toujours rêvé, au même titre que Walter est un peu le meilleur prof de physique-chimie ever. Le premier vulgarise le blanchiment d’argent, le second apprend à fabriquer de la méthamphétamine. What else ?