- Acteur : Michel Piccoli
Michel Piccoli vient de nous quitter... La carrière à la fois dense et éclectique du grand comédien lui a permis d’explorer les genres du polar et du thriller. On vous propose une petite balade dans sa filmographie polar...
Melville : le révélateur
La curiosité artistique de Michel Piccoli lui a fait explorer tous les genres cinématographiques et il était dès lors naturel que son parcours croisât à la fois le polar et le thriller. D’ailleurs, après une quinzaine d’années de seconds rôles relativement anonymes, la carrière du comédien connaît une inflexion à partir du film policier de Jean-Pierre Melville, Le Doulos (1962), où il est le gangster Nuttheccio, dont la belle prestance et l’attitude inquiétante forment une alliance équivoque qu’exploiteront plus tard bien des réalisateurs : ainsi, Costa-Gavras lui offrira les traits d’un voyageur malsain dans Compartiment tueurs (1965) et Alfred Hitchcock lui permettra d’incarner un parjure flegmatique dans L’Étau (1969). Mais à d’autres moments, l’acteur interprète des personnages plus lisibles : le thriller Danger : Diabolik ! (1968), signé par le maître du giallo Mario Bava, le met en scène en inspecteur de police lancé aux trousses d’un criminel très proche de Fantômas.
Elégant et inquiétant
L’impavidité de Michel Piccoli fera à nouveau merveille durant la décennie suivante : le film de Claude Chabrol, La Décade prodigieuse (1971) lui donne l’occasion d’investir le personnage de Paul Régis, un universitaire qui se fait détective et endosse le rôle dévolu à Ellery Queen, à travers le récit du même nom. L’acteur côtoie une distribution prestigieuse dont font partie Orson Welles et Anthony Perkins. L’année suivante, le premier grand emploi de Piccoli dans le thriller politique lui fait jouer le colonel Kassar, un des protagonistes de l’œuvre d’Yves Boisset, inspirée de l’affaire Ben Barka : L’Attentat (1972). Il collaborera à nouveau avec le metteur en scène pour le film d’espionnage Espion, lève-toi (1981), où il est un maître des requêtes qui travaille en faveur des Soviétiques. Là encore, le comédien porte l’ambiguïté jusqu’à un haut degré de raffinement.
Deux ans plus tard, le même Boisset le "gratifie" d’un personnage abject dans le thriller d’anticipation Le Prix du Danger (1983), qui prophétise d’une manière radicale l’avènement de la télé-réalité : Piccoli se glisse avec aisance dans la peau du présentateur d’un jeu criminel, où le candidat doit échapper à d’autres participants lancés à ses trousses pour l’abattre. Si le long-métrage n’échappe pas à des outrances dommageables, le comédien marque les esprits en animateur visqueux, simplement mû par la nécessité du spectacle, à tout prix.
Ainsi, la grande étendue du registre dramatique de Piccoli lui permet d’être sollicité pour des rôles marquants, dans ces années 70 et 80 où d’autres personnages lui laissent l’opportunité d’habiter d’autres personnages moins immoraux : à cette aune, on retient en particulier l’angoissé docteur Losseray du thriller psychologique Sept morts sur ordonnance (1975), à qui le comédien confère une véritable densité dramatique.
Un dernier grand rôle dans un polar, chez Brisseau
Si la décennie 90 lui offre moins de protagonistes directement connectés au polar, on se souvient que dans L’Ange noir (1994) du singulier Jean-Claude Brisseau, Piccoli s’avérait excellent en notable, époux d’une femme particulièrement inquiétante jouée par Sylvie Vartan.
Les années 2000 et 2010 l’éloigneront du genre : l’acteur, dont le vieillissement a courbé la silhouette, arrondi les traits du visage, n’incarnera plus les héros souvent troubles qui se seront si bien mariés à l’univers des récits policiers ou des thrillers psychologiques.