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Interview Eric Cherrière

Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman ?  
Eric Cherrière : Après Je ne vous aime pas, mon précédent roman, qui bien que traversé d’une enquête, est avant tout un roman noir, il y a la volonté, avec l’Inconnu, de se confronter au thriller. Lente révélation d’un mystère, suspense et action, déchaînement de la violence. A travers le thriller et le plaisir lié à ce genre, mettre en scène une histoire où ce qui oppose les individus, ce qui constitue la dernière frontière entre les humains est la richesse. La possession. Ce roman est né d’une volonté d’exploration de ce sentiment que quoi que nous fassions, nous ne sortirons pas du cycle infernal de la reproduction sociale.

Bepolar : Vous qui êtes romancier mais aussi réalisateur de film, qu’est-ce qui vous a poussé cette fois à choisir le roman ?  
Eric Cherrière : Nous sommes du côté des ultra riches. Si vous voulez filmer l’ultra richesse sans avoir le budget adéquat pour la représenter, on ne peut « montrer » tout ce qu’elle suscite et provoque.
Chaque fois que je travaille sur une histoire, et cela s’accentue, je ne sais jamais si ce sera un film ou bien un roman. C’est en y travaillant, en confrontant ensuite les premières versions de l’histoire avec mon éditrice d’un coté et avec mon producteur de l’autre que les choses s’éclairent. Actuellement, je travaille conjointement sur un film et sur un roman et j’ai fait lire les deux projets à mon éditrice et à mon producteur sans savoir alors sur lesquels ils souhaiteraient me suivre. Il se trouve que cela a été pour chacun sur un projet différent. Mais s’ils avaient choisi la même histoire, j’aurais tout à fait pu décider de développer la même histoire en roman et en film en même temps. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de faire des films comme si c’étaient des romans, et écrire des romans comme si je concevais un film. C’est très fort en moi et cela s’accentue cet échange entre roman et film. Inviter l’un dans l’autre.

Pauvres contre pauvres

Bepolar : Vous mettez en scène la haute société autour d’un double mariage. Qu’aviez vous envie de faire ou de dire ?  
Eric Cherrière : Ce double mariage qui ouvre le roman célèbre les noces du politique, du policier et de de la finance. Des familles de pouvoir s’unissent pour se partager le « gâteau »...enfin la pièce montée ! J’ai le sentiment que c’est un symbole clair et simple de ce à quoi nous assistons.
Il y a dans L’Inconnu, une société fracturée où différentes factions s’affrontent, où l’on ne cesse d’attiser ce qui nous divise. Pauvres contre pauvres. Ce monde là, arrange les puissants. Que les peuples se déchirent entre eux, cela les éloignent de ceux qui possèdent et qui pourraient leur apparaître comme un ennemi commun. Voilà ce que je voulais écrire. Voilà pourquoi ce roman se déroule du coté des ultra-riches. Ce zéro virgule zéro, zéro, zéro je ne sais combien de pourcent de la population qui nous fascinent tout en nous accablant. Que nous voudrions être, tout en les maudissant. Ici, les ultra-riches sont aussi les victimes, à travers ce tueur, du monde qu’ils construisent. L’Inconnu est le constat et son illustration que seule la violence permet, pour un temps, de redistribuer la cartes des richesses.

Bepolar : Votre roman raconte un face à face entre un homme et une petite fille. Comment l’avez-vous construit ?  
Eric Cherrière : L’Inconnu , et tous les travaux sur lesquels je peux avancer ont en commun de mettre en scène la rencontre des extrêmes. Les fameux « inséparables contradictoires » qui, je le pense , nous habitent tous. Une petite fille qui marche main dans la main avec un tortionnaire en est une incarnation. Comment j’ai construit ce face à face ? J’ai considéré que j’étais autant la petite fille que cet homme, cet Inconnu dont je n’excuse aucun acte mais que je ne considère jamais comme un monstre quand je l’écris. Surement pourrais-je penser qu’il en est un en tant que lecteur, mais pas en tant qu’auteur. Je ne pourrais pas faire cela si je racontais un personnage réel qui se serrait livré à des actes de barbarie. Mais avec un personnage de fiction, oui. Disons que j’ai écrit ce face à face en me disant qu’il y a autant de moi dans l’Inconnu que dans la petite fille.

Bepolar : Lors d’une précédente interview, autour de votre film Cruel, vous nous disiez "mon objectif est de pousser au maximum les curseurs de notre propre violence." Est-ce que L’Inconnu relève du même processus ?  
Eric Cherrière : Oui. Tout à fait. Je creuse ce même sillon et les prochains films et romans continueront ce voyage. C’est à mon sens un privilège de la fiction. Les êtres que je façonne n’ont pas existé, ils n’existent pas. Je ne me sens aucune responsabilité envers eux. C’est ainsi que je le conçois. Je me sens quelque par autorisé à tout avec eux. Et à cette étape là, ce qui m’intéresse, c’est de plonger le lecteur, ou le spectateur dans une étrange sensation, un trouble où il va questionner son rapport à la fiction, aux histoires inventées et se poser la question : jusqu’où suis-je prêt à suivre un personnage qui se comporte ainsi ?

Bepolar : Vous y mettiez en scène un quartier à Toulouse en passe d’être rénové. Cette fois votre histoire évoque une certaine lutte des classes. Est-ce que vous êtes quelque part un artiste engagé ?  
Eric Cherrière : Toulouse et l’ancien quartier dans mon premier film, Cruel, c’est pour montrer différentes facettes d’une ville. Toulouse ou une autre. A quelques centaines de mètres d’écart vous avez la grande bourgeoisie et les « bas-fond » peuplés d’humains perdus. Et il y a une mélancolie, quelque chose de poignant dans les quartiers populaires promis à une destruction. Le paysage urbain y est constitué de matières qui ne sont pas destinées à survivre aux siècles. Des humains ont vécu là. Peut-être ai je envie qu’il en reste une trace. Et que je m’y sens engagé.

Concernant un roman (...) ce que vous redoutez, ce ne sont pas forcément les coups à prendre mais c’est l’indifférence. Qu’il ne soit pas lu.

Bepolar : Votre livre vient de sortir. Est-ce la même attente que pour un film ? Comment vit-on les premières heures publiques de son livre ou de son film ?  
Eric Cherrière :
C’est assez différent dans le sens où, sur un film, vous redoutez les coups qui peuvent vous faire du mal en tant que réalisateur et mettre votre carrière en berne ou carrément y mettre un terme car beaucoup d’argent est en jeu. L’attente concernant un film est très intense en émotion et très resserrée dans le temps. Tout se joue très vite. Concernant un roman, mon attente est, on va dire, plus diluée. Ce que vous redoutez, ce ne sont pas forcément les coups à prendre mais c’est l’indifférence. Qu’il ne soit pas lu.
Ce qui relie les deux attentes, c’est le même sentiment d’explorer ses obsessions et d’espérer qu’elles rencontrent et pourquoi pas bousculent le spectateur ou le lecteur et qu’il laisse en lui une empreinte. Et il y a aussi une dimension très forte dans l’attente et qui est la même coté roman et film, celle de redécouvrir votre travail à travers les yeux des lecteurs ou spectateurs. C’est ainsi que j’ai vécu les sorties de Cruel et de Je ne vous aime pas.

Bepolar : Quels sont vos prochains projets ?  
Eric Cherrière :
Ni Dieux Ni Maîtres , mon deuxième long-métrage sortira cette année en salles, c’est un film médiéval avec Pascal Greggory, Jenna Thiam , Saleh Bakri, Jérome Lebanner, Stéphane Hénon. Et aussi Jean-Claude Drouot ( Thierry La fronde ) et Edith Scob ( Les yeux sans visages ). Et un prochain roman (noir) qui sortira début 2020 chez Belfond, actuellement en pleine écriture.

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