- Auteur : Ophélie Cohen
Ophélie Cohen, autrice du roman Héloïse, se livre pour nous dans une interview à cœur ouvert.
Bepolar : Comment est né ce premier roman Héloïse ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’écriture ?
Ophélie Cohen : J’ai toujours écrit. Petite c’était des lettres d’excuses à mes parents, puis ça a été des poèmes, des lettres d’amour, des lettres à mon fils... J’ai toujours eu plus de facilité à motcaliser, mettre en mots et à l’écrit, (@copyright Ophélie) qu’à verbaliser, à l’oral donc, mes émotions, mes ressentis. Je ne faisais pas forcément lire tout ce que j’écrivais, mais ça a toujours été mon terrain d’expression, mon canal de transmission préféré et ce y compris pour les choses dont je voulais me débarrasser. Qu’il s’agisse de joies, de blessures ou de frustrations, écrire a toujours été une sorte de soupape de sécurité.
Et puis j’ai commencé à faire des retours de lecture sur le réseau social Facebook. J’avais envie de partager mes lectures et de faire connaître des auteurs qui ne bénéficiaient pas de vitrine dans les médias ou les librairies. Des auteurs qui pourtant méritaient d’avoir plus de visibilité de par la qualité de leur plume et/ou des histoires qu’ils avaient créées pour les lecteurs. J’ai ensuite intégré un blog participatif, Le Collectif Polar, puis j’ai créé mon propre blog. En même temps j’ai commencé plusieurs bouts d’histoires sans jamais aller au bout, handicapée par un gros manque de confiance en moi. J’ai participé à de nombreux salons en tant que lectrice, j’y ai fait de belles rencontres et y ai noué de belles amitiés. C’est grâce à l’une d’entre elles qu’Héloïse est née.
Un ami auteur m’a demandé si j’avais déjà pensé à écrire un roman, je lui ai envoyé le début d’Héloïse et il m’a dit de ne pas arrêter. Il m’a coachée, chapitre après chapitre. Il m’a remotivée quand je voulais laisser tomber. S’il n’avait pas cru en moi, Héloïse n’aurait jamais vu le jour. Je lui dois beaucoup. Parce que même si ce roman n’avait jamais été publié, il m’a convaincue de ne plus m’arrêter d’écrire et de vivre mes rêves.
Bepolar : Il se concentre surtout sur le personnage d’Héloïse. Sans trop en dire, comment s’est-il imposé à vous ce personnage ? Quels liens avez-vous avec elle ?
Ophélie Cohen : Au départ, l’histoire d’Héloïse devait être différente, je voulais créer un personnage féminin fort mais paradoxal. Une jeune femme qui chercherait son père et qui, en parallèle, tuerait les hommes qui voudraient la quitter. Si l’abandon était déjà une des composantes de cet embryon d’histoire, c’est finalement Héloïse qui a pris les rênes de sa destinée et j’ai eu du mal à la contrôler. Plus j’écrivais et plus je m’éloignais de l’idée de base du roman. Au travers d’elle, ce sont les enfants que j’avais croisés en brigade des mineurs qui se sont mis à s’exprimer. La difficile construction d’un enfant sans racines. Le mur que représente la capacité à faire confiance quand les adultes qui prenaient soin de vous, vous ont trahis. Et puis se sont imposés des choix exclusivement féminins et la peur de l’abandon qui, cette fois, sont plus en lien avec moi. Je n’ai heureusement pas eu son enfance, bien au contraire. J’ai eu une enfance de rêve avec des parents aimants et deux sœurs dont je suis toujours très proche. Mais ces thématiques qui me sont chères se sont naturellement imposées en cours d’écriture.
Bepolar : Vous lui tissez un destin assez dur, abandonnée à la naissance par son père, sa mère étant morte dans l’accouchement. Puis ballottée entre orphelinats et familles d’accueils... Vous aviez envie d’un personnage cabossé pour qu’on s’attache encore plus à elle ?
Ophélie Cohen : Non, ce n’était pas un choix et encore moins pour générer de l’empathie à son endroit. Héloïse est un personnage clivant. Certaines personnes m’ont fait remarquer qu’on ne pouvait pas vivre autant de choses difficiles en une vie, et pourtant... Des "Héloïse", en tant que policier, on en croise beaucoup. Des enfants brisés, incapables de se reconstruire, qui feront toujours les mauvais choix. Mais si on ne travaille pas dans le domaine de l’aide à l’enfance, du social, de la justice ou encore de la police, on ne voit ces enfants que dans les téléfilms et les romans. Pourtant ils existent et sont partout pour peu que l’on regarde dans leur direction. J’exerce un métier dans lequel on côtoie ce qu’il y a de pire dans notre société. On entre dans l’intimité des gens. On regarde l’horreur des violences et leurs conséquences... Mais je digresse. Je n’avais pas cette volonté de créer un personnage cabossé pour que l’on s’y attache, mais je voulais un personnage qui puisse devenir réel dans le regard du lecteur, et donc générer des émotions.
Bepolar : En même temps, on sent aussi une forme de dénonciation des maltraitances, notamment de l’enfance non....
Ophélie Cohen : Oui, mais une fois encore, cette dénonciation s’est imposée en cours d’écriture. Je suis de ceux qui pensent que notre subconscient a beaucoup d’influence sur nous. Je suppose que l’écriture de ce roman a agit comme une catharsis. Que ce que j’ai vu à l’époque, ainsi que d’autres choses avaient besoin d’être mis en mots pour m’en libérer. Mais de cela, je ne m’en rend compte qu’aujourd’hui. Voir la lie de notre société lorsqu’on entre à peine dans l’âge adulte a forcément un impact. Je déteste toutes les formes de violences et de maltraitances. Je ne cesserai jamais de les dénoncer.
Bepolar : Vous êtes policière et blogueuse. Ces deux activités vous ont-elles impacté pour l’écriture ?
Ophélie Cohen : Mon métier oui, c’est forcément une source d’inspiration. Comme je le dis plus haut, nous sommes témoins de tellement de choses... Je pense que tous mes collègues qui se sont mis à l’écriture ont puisé, au moins une fois, dans leur vécu de policier. Mon activité de blogueuse m’a permis de faire les rencontres qui ont contribué à la naissance Héloïse oui, aussi.
Bepolar : Est-ce que ces deux activités vous ont mis une pression supplémentaire ?
Ophélie Cohen : Pas pour ce qui est de mon métier, en revanche, le blog oui. Parce que je savais que je serais attendue au tournant... La littérature n’est pas un monde aussi lumineux qu’il peut sembler l’être parfois. C’est aussi un univers de requins. Les sorties littéraires sont nombreuses, certains percent vite, d’autres moins. Certains vous ouvrent les bras et sont sincèrement gentils quand d’autres sont plus froids et plus hautains. Alors oui, j’ai ressenti une certaine pression. Et puis il y a celle que je m’inflige aussi. Je me remets beaucoup en question. Mais j’aime écrire alors pression ou non, je vais continuer.
Bepolar : Je parcourais les avis. Ils sont assez unanimes pour saluer votre roman. Beaucoup de lecteurs et de lectrices disent avoir été frappés par la noirceur de l’ensemble. Qu’est-ce que vous aimeriez qu’ils gardent de votre histoire en fermant ce roman ?
Ophélie Cohen : Difficile question. Je pense que j’aimerais qu’ils gardent Héloïse près d’eux, un petit peu. Qu’ils gardent en tête que les adultes que nous sommes sont le fruit des enfants que nous avons été et de ce que nous avons vécu en tant que tels.
Bepolar : Et maintenant quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Ophélie Cohen : Un second roman voit le jour, doucement et à mon rythme. Si je me mets la pression sur ce qu’il racontera ou encore sa forme, je ne veux pas m’en mettre sur le temps.
Je participe également à un projet collectif qui verra le jour à l’automne 2022 et enfin, une dizaine de rencontres avec les lecteurs sont prévues au cours de cette année.
Bepolar : Un grand merci !
Ophélie Cohen : Merci à vous 😊