- Auteur : Franck Bouysse
Franck Bouysse est un des auteurs de polar qui a littéralement explosé ces dernières années.
Il a récolté succès en librairie, éloges des critiques et de nombreux prix littéraires. Chez Bepolar, on est assez séduit. Et on vous dit pourquoi il faut lire Franck Bouysse...
1. Pour son « style », tout en « calme puissance ».
On parle souvent du « style » comme d’un mot galvaudé, qu’on utilise pour exprimer, au sujet d’un écrivain, qu’il joue une petite musique particulière, voire tout simplement qu’il écrit bien, de manière claire et reconnaissable. Ces termes sont effectivement applicables à Franck Bouysse, mais ne sauraient suffire à le définir pleinement.
Comment dire sinon qu’on sort modifié, amélioré de la lecture de la plupart de ses romans ? Que sa description des lieux et des personnages semble à la fois précise et lumineuse, quand bien même les propos sont graves ? Bouysse a su polir et épurer son talent au fur et à mesure du temps et des œuvres et avoir atteint une sorte de plénitude stylistique, une façon de trouver des mots justes au service d’un propos, d’une façon de voir le monde et de raconter des histoires.
C’est peut-être tout simplement qu’il a réussi à trouver SA petite musique singulière, dans ces romans qui s’éloignent de plus en plus du polar classique pour aller vers le roman noir, genre pourtant réputé en déshérence.
Si le talent et le goût des mots et de leur agencement au service de l’histoire a toujours été là, dès les premiers écrits, Bouysse s’est constamment amélioré (une qualité rare) dans l’épure, la vérité nue qui va si bien au roman noir. C’est bien avec Grossir le ciel qu’il se révèle au grand public, lauréat de nombreux prix de confiance (prix Polar Michel Lebrun, prix Polar Pourpres, prix SNCF du polar), mais le maestro n’a pas changé de partition pour écrire Plateau et plus encore Glaise. Ces trois romans sont ceux d’une France rurale, laborieuse, souvent taiseuse mais où les sentiments et la sombre beauté d’une vie, qui broie comme elle peut sublimer les existences, ne sont pas moins puissants qu’ailleurs.
Né d’aucune femme lui fait encore passer un cap, celui de l’universalisme, puisqu’il parvient à émouvoir un large éventail de lecteurs, touchés par le destin de Rose, comme en témoignent des récompenses aussi diverses que le Grand Prix des Lectrices de ELLE (souvent des amateures exigeantes), le Prix des libraires (des pros du livre), le prix Psychologies du roman inspirant (le titre est éloquent) et le prix Babelio (donc un large public de lecteurs).
Bien sûr les deux écrivains sont uniques, mais si on devait se risquer au jeu des comparaisons, on oserait écrire que la France tient là son Ron Rash. Et ce n’est pas un compliment sans valeur pour ceux qui connaissent et apprécient le romancier américain. Comme lui, tout dans l’écriture n’est que calme puissance…
2. Pour ses personnages qui nous hantent.
Il est quasiment inutile de vouloir vous décrire les personnages surgis de son imagination car nul mieux que Bouysse peut vous en faire entendre la musique intime, connectée à leur environnement. Lisez donc Grossir le ciel et laissez-vous emporter vous aussi par la destinée du solitaire Gus ; contemplez Joseph Landry, Valette, et l’arrivée d’Hélène et Anna dans Glaise, qui va bouleverser l’ordre immuable dans la vie dans les montagnes ; suivez le destin tragique de Rose dans Né d’aucune femme ; découvrez la formidable fratrie des Buveurs de vent, soudés par des liens indéfectibles.
Lisez donc et parlez-en autour de vous. Ou laissez-les simplement occuper vos pensées bien après la fermeture des dernières pages, gage d’une belle réussite narrative. Assez rare quand on y songe, non ?
3. Pour son talent à nous raconter « cinquante nuances de noir ».
Bien sûr, il y a des éléments communs dans l’œuvre de Bouysse : la ruralité, le tranquille quotidien à l’écart du grand monde, les souffrances comme les joies qui peuvent toucher tout un chacun, les aspirations viles comme les plus élevées, qui font la comédie humaine, les farouches destinées qui ne semblent obéir à aucun plan préconçu. Mais on ne peut se satisfaire des étiquettes de « nouveau roman noir » ou de « polar rural » voire de « nature writing » qui sont souvent attachées à Bouysse comme à d’autres. Il est ceci et bien plus à la fois.
S’il est indéniablement dans le registre du noir, Bouysse éclaire et n’a de cesse d’arpenter les différents sillons de ce « chant littéraire », par définition aussi vaste que peuvent l’être les destinées.
Ce qui semble l’intéresser, c’est la singularité des fortunes qu’il décrit, des situations qui n’ont de commun que l’apparence d’un environnement vaguement semblable : Bouysse ne définit précisément pas les lieux qu’il décrit et ses personnages, hommes et femmes, expriment de multiples nuances du désespoir humain mis à nu, une condition tragique où interviennent bien évidemment les logiques sociales, mais où chacun aboutit par le fruit de ses propres choix, même contraints, à l’inéluctable destination.
Au-delà des illusions, Bouysse nous entraîne à découvrir d’autres vies que les nôtres, puissamment singulières, et explore les différentes couleurs d’une palette où sont présentes les plus sincères émotions que peut offrir la vie. En cela, il offre des « souffrances au monde » que peu d’écrivains peuvent se permettre d’offrir à leurs lecteurs. Avec d’autres, il élargit considérablement le champ du possible pour le polar, abolissant les conventions de genre, mettant l’homme au centre des attentions.