Bepolar : Votre roman, Nos âmes au Diable, s’ouvre sur la disparition d’une petite fille de 10 ans. Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire et de vous confronter à la perte d’un enfant ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : Difficile de se souvenir de la genèse d’une histoire. Des idées, on en a plein la tête. La plupart ne sont que des fantasmes et ne verront jamais le jour. D’autres romans ont déjà été écrits. Et certaines idées ne possèdent pas assez de matière pour devenir un livre. En tout cas, on se pose en permanence la question de la singularité d’une nouvelle histoire. Que pouvons-nous apporter de plus alors que tant de choses ont été écrites ?
La singularité, donc. Et des personnages épais, vivants, cohérents, qui pourraient ouvrir la porte de la cuisine et venir s’installer à table avec nous.
Nos âmes au diable n’est pas vraiment l’histoire d’une disparition. L’idée de départ était tout autre, et c’est le développement de l’intrigue qui permet de le découvrir. Alors nous n’en dirons pas un mot de plus !
Mais pour en revenir à la question : il ne s’agissait pas, initialement, de l’envie à proprement parler de nous confronter à la perte d’un enfant. Nous sommes parents, et cette idée est tout simplement intolérable. C’est le destin de Jeanne, l’héroïne de Nos âmes au diable, qui imposait qu’elle passe par cette tragédie. Et puisqu’en écrivant, nous ressentons pleinement les émotions de nos personnages, nous nous sommes imposé cette épreuve à travers elle. Avec, pour nous, la lumière au bout du tunnel, la voix et le rire de nos enfants une fois le travail achevé.
Et pour elle le vide. Le néant.
Bepolar : Est-ce que c’est facile d’écrire sur ce genre de sujet ? Est-ce que c’est un crime « comme un autre » pour les écrivains que vous êtes ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : En écrivant, on ressent. Mais heureusement, on ne vit pas les événements. Dans le cas contraire, on écrirait des histoires d’amour, des comédies, uniquement des histoires drôles et belles où l’on vivrait heureux et dans la plénitude en même temps que nos personnages.
Écrire sur le deuil, sur l’impossibilité de l’accomplir, est une épreuve. Mais sans doute est-ce une épreuve nécessaire. Nous avons perdu des proches, et nous en perdrons encore. S’emparer de ce sujet permet d’y réfléchir, de se situer d’un point de vue cérébral, et surtout émotionnel, par rapport au deuil, à ce qu’est la vie, à l’idée qu’on se fait de la mort, et à ce qui compte vraiment dans nos existences. Alors, non, ce n’est pas facile d’écrire sur ce sujet. C’est un travail d’humanité pour nous-mêmes. On en ressort avec les idées plus claires. En attendant qu’elles s’embrouillent à nouveau, parce que le foisonnement de la vie nous expédie toujours dans le brouillard.
Y a-t-il une hiérarchie dans les crimes ? Le droit répond à cette question.
Avec Nos âmes au diable, nous avons exploré un sujet presque tabou, touché à l’innocence, creusé le thème des origines du mal, observé la résilience, envisagé la possibilité d’une rédemption, soulevé la question de la culpabilité et de la responsabilité.
Pour nous, aucun crime ne s’évalue seulement en fonction de sa cruauté ou d’après le profil du coupable, mais dans un contexte, qui est plus ou moins facile à appréhender. Il s’évalue aussi différemment selon l’observateur.
Finalement, aucun crime ne peut-être « comme un autre ».
Bepolar : Le roman tourne autour de Sixtine, la petite disparue, mais aussi de la mère, Jeanne, qui est terrifiée, affolée, broyée par ce drame. Qui est-elle au début du roman ? Est-ce que c’est difficile d’incarner ce genre de personnage qui souffre tout en ayant un espoir ténu ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : Au début de l’histoire, Jeanne est une femme en état d’équilibre, une femme qui existe socialement par son travail. Elle vient d’un milieu modeste, s’est mariée avec un homme issu d’un milieu bourgeois. Et elle a toujours senti de la part de sa belle-famille qu’elle n’appartenait pas à leur monde et n’en ferait jamais partie. Pour eux, elle est juste la mère de Sixtine. Ces choses-là ne sont jamais dites, pas tant que tout va bien. Mais comme l’histoire tourne mal très vite, les langues se délient.
Pour Jeanne, sa fille représente tout. Si elle travaille d’arrache-pied, c’est pour elle. C’est du moins la raison qu’elle s’invente pour s’excuser de ne pas être assez présente. Alors quand Sixtine disparaît, Jeanne ne peut que souffrir et culpabiliser. Et cette culpabilité est un poison mortel. Comment continuer à vivre quand on a perdu l’essentiel ? Il ne s’agit pas de savoir si Jeanne connaîtra à nouveau le bonheur, mais si Jeanne trouvera le moyen d’exister seule, par elle-même.
Cette épreuve quasi insurmontable doit la faire grandir. C’est la raison d’être des épreuves, si l’on cherche un sens à la vie. Quant à savoir s’il reste de l’espoir dans une situation pareille… Pour nous tous, personnages de romans, écrivains, lecteurs, humains en général, l’espoir, c’est tout ce qu’on a, non ?
Bepolar : Il y a une atmosphère glaçante dans le roman. Comment avez-vous travaillé le texte pour avoir ce genre d’ambiance ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : Glaçante, dîtes-vous ? Pas uniquement. Il y a aussi des moments lumineux.
Le truc étrange qui se passe entre les auteurs et leurs personnages, c’est qu’on finit par les aimer vraiment. Alors on n’allait pas flanquer des grands coups dans la gueule de Jeanne, notre héroïne, sans lui permettre de connaître des moments de bonheur, de partage, de jouissance, avec d’autres personnages, que nous aimons tout autant.
Ce qui est difficile, c’est de parler de la souffrance en restant pudique. Ça revient à écrire des pages et des pages pour n’en garder que quelques lignes. Parce que, justement, l’émotion naîtra dans l’économie. Nos âmes au diable est ainsi l’un des plus courts romans que nous avons écrits, mais il est probablement celui qui nous a demandé le plus de travail.
Bepolar : D’ailleurs, est-ce que vous faites partie de ces auteurs et autrices qui planifient tout à l’avance ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : Si seulement ! On écrirait un squelette d’histoire, et ensuite on n’aurait plus qu’à rédiger les chapitres. Hélas, mille fois hélas, nous sommes deux à écrire. D’un point de vue pratique, ça implique deux cerveaux, quatre mains, des centaines d’heures de discussion sur l’histoire avant de commencer à écrire, et ensuite en cours d’écriture. Les idées viennent en travaillant. Plus on fouille l’histoire et les personnages, plus le tableau apparaît clairement. C’est comme si on voyait d’abord l’histoire de loin, et puis de plus en plus nettement. Et puisque chacun écrit et réécrit sur le texte commun, on se réserve parfois des surprises. Ce n’est pas un combat, c’est une union dans l’écriture.
Bepolar : Le roman est en librairie depuis quelques semaines. Qu’est-ce que vous aimeriez que les lectrices et lecteurs retiennent de cette histoire une fois la dernière page tournée ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : On aimerait qu’ils se disent : « Ouah ! celle-là, je ne l’avais pas vu venir ! »
Et qu’ils en redemandent.
Plus sérieusement, ce roman parle de la responsabilité d’être un parent, de ce que deviendront nos enfants, s’ils nous ressembleront ou non, s’ils deviendront des étrangers, si c’est une fatalité qu’ils le deviennent. Finalement, lire un roman n’est qu’un début, une proposition de réflexion sur un sujet par un auteur. La suite se passe dans les esprits des lecteurs. Le voyage continue.
Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ?
Nathalie Hug et Jérôme Camut : Un nouveau roman ensemble.
Réussir à vivre heureux.
Laisser s’envoler nos enfants (qui sont grands maintenant, ce qu’une partie de nous se refuse à accepter).
Adopter un chat errant (qui vient maintenant chaque soir à sa gamelle, mais refuse de se laisser approcher. D’ailleurs, si quelqu’un connaît la méthode pour que ce matou accepte l’idée que nous sommes des humains gentils, nous sommes preneurs !).
Et puis un autre roman de Nathalie seule.
Et un roman de Jérôme seul (y a longtemps qu’il ne s’y est pas collé, et il commence à se rouiller).
Évidemment, pas tout en même temps. Nous travaillons par sessions plus ou moins longues sur chaque projet (sauf pour le chat, ça, c’est tous les soirs).
Cindymartin.13 1er février 2023
Nos âmes au Diable - L’interrogatoire de Nathalie Hug et Jérôme Camut
Un livre comme on dit écrit à quatre mains même si je doute que les deux auteurs soient ambidextres lol.
Sixtine dix ans disparaît d’une des plages d’Oléron. C’est le commencement de la descente aux enfers pour Jeanne la maman de Sixtine.
Tres occupée par son travail Jeanne était restée travaillé et n’était pas sur l’île par contre son père devais s’occuper d’elle au lieu d’aller batifoler avec une autre.
Un suspect arrêtait multirécidiviste connu pour viols et meurtres sur des jeunes filles se mure dans le silence. Le corps de Sixtine risque de ne jamais être retrouvé.
Une histoire qui débute doucement avec une disparition.
L’ambiance est confrontée à l’incertitude et l’angoisse. Pas de corps, toujours un espoir pour Jeanne.
Les jours, les semaines, les mois et maintenant les années font place à une absence terrible et difficile à supporter. L’espoir de Jeanne s’est envolé jusqu’au jour où....
Un thriller psychologique redoutable.
Les auteurs ont su prendre le temps pour nous tenir en haleine progressivement.
Les chapitres sont tellement bien dosés que le suspense y est présent à chaque page.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Plusieurs retournements de situations... espoir, doutes, nouvelles recherches et horreurs nous dévoilent au fur et à mesure la vérité. Une maîtrise incroyable.
Êtes-vous prêt à plonger au coeur de cette vérité ?
Pourquoi elle, pourquoi cette magnifique petite brune douce et appréciée de tous....
Wouah je n’ai absolument rien vu venir, comment pouvons-nous en arriver là...
J’en ai imaginé des choses, mais pas ça !
En tan que lectrice je me suis mise à la place de cette maman qui a perdu sa fille et qui imagine le calvaire et le pire que sa bien-aimée a dû subir.
La psychologie des personnages est parfaite.
La dernière partie du récit et magistral.
Au final est ce que j’aurai agi comme Jeanne ?
Une très belle découverte de ce duo d’auteurs.