- Réalisateurs : Arthur Jones - Giorgio Angelini
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Américaine
- Plateforme : Netflix
- Date de sortie : 5 avril 2024
- Durée : 1h24min
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Résumé :
Du "rickroll" aux théories du complot devenues virales, ce documentaire explore comment un site Internet d’échanges anonymes a fini par semer le chaos dans le monde réel.
4Chan, c’était au mitan des années 2000 l’anti-Facebook, d’où le titre de ce documentaire instructif, qui se réfère évidemment au célèbre film de David Fincher, parle aussi d’une bande de geeks trublions, borderline dans leurs blagues, adeptes de l’humour subversif. Ces internautes ont profité de l’anonymat pour se livrer à toutes sortes de potacheries, via des imageboards.
C’étaient les premières années du World Wide Web et il est étrange de voir que le temps numérique compte deux fois plus que le temps traditionnellement mesuré par nos montres. Les anciens membres de la communauté virtuelle ne sont pas si vieux, mais leurs témoignages parfois nostalgiques semblent peser des siècles. Et puis, l’horizontalité foutraque des relations a fait émerger des figures, comme s’il était acquis qu’un certain nombre de rapports humains ne pouvaient se passer de leaders, qui ont tenté de reprendre le contrôle d’un réseau devenu ingérable, comme l’inventeur du site web, Christopher Poole, alias moot, accusé de censure par plusieurs internautes.
4Chan s’est surtout scindé en deux mouvements, complètement distincts dans leurs opinions : de l’anonymat est né Anonymous, collectif vindicatif popularisé par son identité visuelle (le masque du conspirateur Guy Fawkes) et des actions spectaculaires qui débutent par une attaque contre l’église de Scientologie, nommée Chanology, en 2008 ; bien loin des velléités environnementales, anti-autoritaires, avant-gardistes des "hacktivistes", un autre groupe s’est formé, bientôt agrégé sur un nouveau site 8chan, suprémaciste, viriliste, animé par une haine de l’égalité, à l’origine du Gamergate, une campagne de harcèlement à caractère sexiste menée contre des femmes journalistes ou programmeuses.
C’est un tournant : une horde de radicaux se déchaîne, acquise à la cause de Donald Trump, cet individu que les médias ont pris pour une plaisanterie de mauvais goût, lorsqu’il a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2016... jusqu’à ce que le puissant homme des médias accède à la Maison-Blanche. L’ improbable victoire du tycoon a été précédée d’une campagne agressive à laquelle ont participé les utilisateurs du site 8Chan, à coups de mèmes spectaculaires, comme un négatif des actions menées par Anonymous, mais avec des idées totalement antagonistes, n’hésitant pas à diffuser des propos totalement paranoïaques. De cette dérive émerge QAnon, cette mouvance d’extrême-droite, dont les intentions complotistes s’accommodent des mèmes empruntés aux premiers utilisateurs blagueurs de 4Chan, en les détournant, pour soutenir le président des USA qui, selon ces illuminés, se bat contre un réseau pédo-sataniste à grande échelle.
S’il fallait tirer une leçon de cette histoire, c’est que la confusion qui règne sur certains sites ou réseaux saturés de paroles et d’images finit par profiter aux trolls, ceux-là mêmes qui ont pris d’assaut le Capitole en janvier 2021, chacun s’inventant son propre fantasme né de la fréquentation compulsive de groupes conspirationnistes sur Internet et finissant par participer à une hystérie collective, complètement désorganisée, intrinsèquement grotesque, finalement pétrifiée par la dimension concrète, matérielle d’un lieu à investir. Le documentaire le montre très bien. Mais il ne dit pas assez que l’excitation engendrée par l’usage frénétique des réseaux sociaux ou des forums, qu’on sent chez tous les intervenants interrogés, serait en soi un sujet à explorer.