- Réalisateur : Yance Ford
- Distributeur : Netflix
- Auteurs : Yance Ford, Ian Olds
- Nationalité : Américaine
- Date de sortie : 17 mai 2024
- Durée : 1h29min
Inscrivez-vous ou connectez-vous pour pouvoir participer au Club !
l'a vu/lu
Veut la voir/lire
Résumé :
L’histoire méconnue de la police américaine dans ce documentaire qui tente de répondre à la question : "Qui a le plus de pouvoir, la population ou la police ?"
Disponible sur Netflix depuis le 17 mai 2024, ce documentaire particulièrement didactique mêle le passé et le présent pour comprendre comment les forces de police américaines sont devenues une puissance qui, trop souvent, échappe au contrôle des pouvoirs politiques, mettant en cause le principe même de la démocratie, au nom d’une préséance de l’idée d’obéissance qui, lorsqu’elle est contestée, engendre un recours à la violence.
Comment en est-on arrivé là ? La question irrigue ce film, au-delà des images contemporaines abondamment relayées par les médias du monde entier pour documenter le maintien de l’ordre au pays de l’oncle Sam.
La partie historique, illustrée par des images édifiantes, est certainement la plus substantielle, car elle permet de comprendre les deux fondements sur lesquels s’est établie la police aux USA : le racisme et la lutte contre les mouvements ouvriers. Il y a d’abord ces milices esclavagistes qui, dès le XVIIIe siècle, patrouillaient pour s’assurer que les êtres asservis au nom de la ségrégation raciale n’aient pas la possibilité de remettre en cause leur destin. Puis, quelques décennies plus tard, c’est au mouvement prolétaire que se sont attaquées des forces plus attachées au maintien de l’ordre qu’aux principes démocratiques de la Constitution américaine. Lorsque les grands mouvements de migration ont commencé à engendrer l’afflux d’une population cosmopolite à la fin du XIXe siècle, c’est aussi à ces nouveaux entrants qu’on s’en est pris, parce que leur identité n’était pas celle qu’on acceptait au nom d’un essentialisme dont on connaît les conséquences. Les Irlandais ou les Italiens peuvent en témoigner : ils avaient pourtant rejoint, pleins d’espoir, une terre qui ne les a pas favorablement accueillis.
Mais on aurait tort de croire que l’influence européenne n’a pas joué pas un rôle dans la constitution d’une pensée raciste qui a longtemps nourri les lois les plus scandaleuses. Des philosophes comme David Hume ou Emmanuel Kant ont contribué à façonner un imaginaire fondamentalement discriminant, qui déniait aux Noirs la moindre intelligence. Leurs écrits ont traversé l’océan...
Toute cette histoire états-unienne s’est sédimentée dans un imaginaire policier qui n’a cessé de réfléchir aux moyens de réprimer les mouvements contestataires, incarnant concrètement le monopole de la violence légitime que documentent des images choquantes. Elles montrent, sur plus d’un siècle, de multiples Afro-américains menacés par des armes, des paroles, dont la brutalité devrait insupporter n’importe quelle conscience humaine. Une longue séquence consacrée au mouvement des droits civiques permet de comprendre que, pour lutter contre cette convergence des luttes, anti-racistes, anti-coloniales et anti-capitalistes, la police états-unienne synthétise un seul ennemi à abattre, manipulé selon elle par les régimes socialistes. Nous sommes en pleine période de guerre froide. Les braises de la paranoïa maccarthyste ne sont pas encore éteintes.
Mais, plus globalement, la succession des gouvernements démocrates et républicains n’a pas modifié la préséance du contrôle policier sur la lutte pour l’égalité sociale. De Johnson à Biden, en passant par Nixon ou Obama, tous les présidents ont défendu un renforcement des moyens attribués pour assurer la surveillance des populations. Parallèlement, l’impunité globale dont bénéficient les forces de l’ordre, en dépit des scandales provoqués par les interpellations violentes de plusieurs citoyens noirs, est un signe alarmant, en même temps que le symptôme d’un échec à résoudre les problèmes sociaux par d’autres moyens. C’est ce que disent un certain nombre d’universitaires sollicités dans le cadre de ce documentaire. Leurs propos convergent pour dénoncer les dérives d’une surveillance policière toujours plus substantielle, conforme aux réflexes des États totalitaires, surtout attaché à la préservation des intérêts de classes.
Et l’on aurait tort de croire que les USA sont le seul pays concerné par ce fléau...