N°12 au palmarès des meilleurs livres du crime organisé selon BePolar
- R�alisateurs : Gilles Grangier - Georges Lautner - Jacques Becker
- Acteurs : Jean Gabin, Jeanne Moreau, Lino Ventura, Francis Blanche
- Auteur : Albert Simonin
- Editeurs : Folio, Gallimard / La Série noire
Albert Simonin, c’est le père fondateur du « roman de truands à la française », celui de la langue imagée, de la gouaille et de l’argot, qu’il maîtrise à merveille. On n’y parle pas de « mafia » mais de la pègre, du « mitan », du Milieu parisien. La trilogie de Max le menteur est composée de Touchez pas au grisbi !, Le cave se rebiffe et Grisbi or not grisbi, des romans noirs en grande partie éclipsés par les adaptations à grand succès qui en furent faites, auquel Simonin participa. Ils sont donc admis à double titre à ce palmarès comme romans noirs précurseurs et comme « inspirations scénaristiques » à des chefs-d’œuvre du 7ème art.
L’histoire :
Touchez pas au grisbi !
Max-le-Menteur pensait se classer parmi les hommes de poids du milieu des malfrats parisiens. Il ne lui manquait pas grand chose. Mais l’assassinat de Fredo vient tout remettre en cause. Qui a tué ce chef de bande ? Riton, son ennemi héréditaire, et meilleur ami de Max ? En son absence, c’est ce que tout le monde croit. Et pour les lieutenants de Fredo, la vengeance va être simple : tuer Max. Entre la police qui cherche Riton et les tueurs fous à ses trousses, Max n’aura pas une minute à lui.
Le cave se rebiffe (épuisé)
Il est bien connu que s’il existe des caves, c’est pour qu’on les charrie, qu’on les embrouille et qu’on les soulage de leur morlingue ou de leurs illusions. Mais il y a des caves pas comme les autres. Des vicieux qui s’ignoraient ? Des mutants ? Ou alors un virus particulièrement costaud ? Toujours est-il qu’un beau jour ils en ont marre qu’on les mette en caisse, ils se rebiffent, et ça fait encore plus mal que si c’étaient des « hommes ».
Grisbi or not grisbi (épuisé)
Max, dit « le menteur » se la coulait douce sur la côte, mais le voici rappelé d’urgence par son vieux copain Pierrot, dit « le gros » : Fernand le mexicain n’en a plus pour longtemps, et il s’inquiète. Il demande à Max et Pierrot de devenir leurs exécuteurs testamentaires, ce qui revient à veiller sur ses affaires et assurer une rente décente à sa femme. Oui, mais voilà, les Volfoni veillent…
Pourquoi ces livres sont importants :
Années 50. Albert Simonin révolutionne polar français avec ses œuvres centrées sur les truands du milieu, remplies de métaphores imagées et d’argot populaire, ce qui humanise profondément ses personnages. Si l’humour est bien présent et le ton enjoué, il s’agit bien de romans noirs : la vie y est difficile -quand on ne se fait pas simplement « dessouder » (abattre)-, on y rêve de lendemains qui chantent et de gros coups.Père fondateur du roman de truands à la française, Simonin fut surnommé "le Chateaubriand de la pègre" par un autre « parrain » du polar français, Léo Malet, et influença des auteurs majeurs comme Frédéric Dard.
Ces romans sont aussi de formidables plongées dans le Paris populaire, celui des gens de peu et du Milieu, à une époque où des quartiers comme Pigalle, Clichy-Batignolles, Notre-Dame-de-Lorette sont des repères du vice et de gangsters, de coups fumeux, des titis parisiens, de la débrouille et des rêves de grandeur. L’argot y est massivement employé, bien éloigné du français des beaux quartiers, et il est parfois difficile de s’y retrouver, beaucoup de termes étant tombés en désuétude.
Côté sombre, la violence y est omniprésente, les susceptibilités sont exacerbées, le racisme et la misogynie la norme parmi les gangsters. C’est un milieu d’hommes qui ne s’en laissent pas compter, qui aiment les belles pépées (femmes) et qui règle ses différents à coups de bastos ou de pruneaux (balles). Le reflet d’une certaine époque et d’un certain milieu, même s’il faut se rappeler qu’il s’agit de fictions.
Enfin, ces romans au succès immédiat ont profondément et durablement influencé la culture populaire via plusieurs adaptations plus ou moins fidèles auxquelles participa Simonin. Touchez pas au grisbi ! est adapté par Jacques Becker un an après sa parution (1953) : Gabin y renoue avec le succès, on y découvre un jeune acteur plein de potentiel, Lino Ventura, et une belle actrice qui débute, Jeanne Moreau. Ce film reste dans la veine noire de l’auteur.
Les deux suivants, Le Cave se rebiffe (1961), réalisé par Gilles Grangier, et le mythique Les Tontons flingueurs de Georges Lautner (1963) ne sont pas aussi fidèles à la trame et l’esprit noir de Simonin mais le feront néanmoins passer définitivement à la postérité. C’est qu’à l’argot et la gouaille de l’auteur s’ajoute à merveille le génie du dialogue et le sens comique d’un certain Michel Audiard. Des bons mots, des personnages charismatiques (Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Claude Rich…), des répliques cultes font de cette « comédie noire » un classique du cinéma français.
Ce qu’il faut retenir (pour briller en société) :
1. L’édition originale de Touchez pas au grisbi ! comprend, en fin de volume, un glossaire de l’argot annoncé de la sorte : « Les non affranchis sont invités à consulter le Glossaire Argotique en fin de volume ». Simonin en connaissait un rayon puisqu’il a écrit un dictionnaire d’argot intitulé Le Petit Simonin illustré (disponible aux éditions Sillage).
2. Albert Simonin quitte l’école communale pour exercer, dès 12 ans, de nombreux métiers pittoresques : calicot (vendeur de nouveautés pour dames), électricien, fumiste (ouvrier qui installe et répare des conduits de cheminée), négociant en perles, journaliste de la rubrique sportive, taxi. Mais n’allez pas dire à cet enfileur de perles que c’était un fumiste !
3. On ne résiste pas à vous offrir un petit extrait : « Max-le-Menteur, c’est pas mon blaze. J’étais devenu truand uniquement pour éviter le surmenage. J’aime l’air frais du matin à Montmartre, le pittoresque de la banlieue. Pourtant, je ne peux pratiquement pas mettre le nez à la fenêtre sans me faire porter en triomphe à la grande salle des assises. Les clichés de mézigue à la Une des journaux ; elles sortent pas de chez Harcourt, mais du studio anthropométrique, avec droguet, matricule, barbouse fil de fer et tout ; une vraie bouille de fagot. Je ne me déplace jamais sans mon Smith et Wesson pour la grosse canonnade et le P38 pour le fignole main. »