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#Mafia : la saga Malavita de Tonino Benacquista

N°8 au palmarès des meilleurs livres du crime organisé selon BePolar

Oui, on peut rire de la mafia. Et ce durant tout un livre : c’est ce que nous propose le talentueux Tonino Benacquista dans sa saga Malavita. Héritier des pionniers du polar humoristique (voir notre « Petite histoire du Polar » ci-dessous), l’auteur et scénariste nous emmène, sans y paraître, de l’autre côté du miroir du crime organisé, celui des repentis, des familles de mafieux, des honnêtes gens et des victimes. Et, sans malice, c’est une merveille.

L’histoire :

Malavita
Une famille d’Américains, les Blake, s’installe à Cholong-sur-Avre, en Normandie. Fred, le père, se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement. Maggie, la mère, est bénévole dans une association caritative et se surpasse dans la préparation des barbecues. Belle, la fille, fait honneur à son prénom. Warren enfin a su se rendre indispensable pour tout et auprès de tous. Une famille apparemment comme les autres, en somme. Une chose est sûre, s’ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner...

Malavita encore
On retrouve ici les quatre héros de Malavita, l’inénarrable famille Blake. Repenti de la mafia new-yorkaise, Blake, rebaptisé Wayne, a obtenu la protection du FBI, et s’est installé en France avec les siens sous la surveillance tatillonne d’un ange gardien légèrement dépressif. L’ancien gangster a trouvé dans l’inépuisable réservoir d’anecdotes de sa première vie la matière de quelques thrillers à succès. Tout se passerait pour le mieux si la cellule familiale n’était pas emportée dans la tourmente des remises en cause existentielles... Les enfants traversent une adolescence compliquée, l’épouse fidèle a décidé de s’émanciper, et l’auteur de best-sellers, soudain seul face à lui-même, est en proie aux affres de la création littéraire. Des problèmes ordinaires, somme toute, pour une famille qui ne l’est pas...

Pourquoi ce livre est important :

« On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » : cette citation célèbre (et sûrement mal utilisée) de Desproges s’applique en tout cas à ce beau roman, puisqu’on se gausse d’un être d’exception, un repenti de haut niveau de la mafia américaine réfugié dans un village perdu de Normandie. Le décalage culturel et la « chute » d’un homme habitué à la mauvaise vie génèrent en effet de nombreuses situations franchement comiques, habilement mis en forme par Benacquista.

Car Fred Blake, ex-mafieux, ne trouve rien de mieux pour tuer le temps et vivre sa nouvelle vie, que d’écrire. Problème : comment faire quand on est plus doué pour le maniement des armes que d’une machine à écrire ? Que l’on est quasi-analphabète, tout juste capable de rédiger une liste de courses ? Quand on est un homme qui s’exprime pour se faire comprendre, pas pour faire de jolies phrases ?

En résultent des situations jouissives où notre « héros » se perd dans son « style littéraire », se pose des questions métaphysiques sur le point-virgule. Sa famille n’est pas en reste, avec une mère qui essaie de se rattraper de ses années de mauvaise vie auprès d’un criminel, une fille qui se complait dans le rôle qui lui a été destiné par son nom (Belle) et un fils qui se rêve successeur de son père et cherche à devenir le parrain… de son collège.

Mais sous la couche de l’humour, Benacquista nous donne à voir, sous ses airs de ne pas y toucher, une autre réalité, le côté face de la pièce. On suit, vraie originalité, la nouvelle vie d’un repenti, côté fiction. On s’interroge avec Fred sur « la vie normale » : ne vaut-il pas mieux vivre une vie de seigneur ? Que ressent-on quand on passe de prédateur à proie ? Comment font pour vivre les gens simples sans pouvoirs ni protections ? Combien vaut la vie d’un homme ? Ne surestime-t-on pas toujours sa valeur ?

On comprend à la fois les ambitions de grandeur et on voit l’envers du décor : finalement, comme Fred et pour prendre une analogie cinématographique, on a souvent tendance à se croire Parrain et à être davantage un personnage des Affranchis, ce film où les mafieux sont « dépouillés de leur légende, [où] n’apparaissent plus que leur bêtise et leur cruauté ». Reste alors le rire et la dérision comme salut.

Ce qu’il faut retenir (pour briller en société) :

1. « La Malavita » (« la mauvaise vie ») est l’un des surnoms donnés à la Mafia en Italie. C’est aussi le nom de la chienne de la famille Blake ! Vous avez dit humour et dérision ?

2. Le roman a été adapté en 2013 par Luc Besson, le casting réunissant notamment Robert de Niro, Michelle Pfeiffer et Tommy Lee Jones. Un certain Martin Scorsese en est également producteur exécutif : cela donne lieu à un savoureux clin d’œil, puisque Fred Blake visionne le film Les Affranchis et semble s’identifier à un personnage faisant l’objet d’un programme de protection des témoins par le FBI.

3. Tonino Benacquista est un homme aux multiples talents : écrivain (littérature et polar), novelliste, scénariste de BD et de films, presque toutes ses œuvres ont été couronnées de succès et récompensées par des prix. En polar : trophée 813 du meilleur roman pour Trois carrés rouges sur fond noir, qu’il reçoit également pour La Commedia des ratés (en plus du Grand Prix de littérature policière et du prix Mystère de la critique). En littérature : Grand prix des lectrices de Elle pour Saga, Grand Prix RTL-Lire pour Quelqu’un d’autre ; un prix pour chacune de ses BD. Au cinéma : César du meilleur scénario pour Sur mes lèvres et de la meilleure adaptation pour le formidable De battre mon cœur s’est arrêté. Impressionnant !

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