N°17 au palmarès des meilleurs livres du crime organisé selon BePolar
Nous arrivons à mi-parcours de notre palmarès, l’occasion pour nous de mettre en avant un projet ambitieux : une quadrilogie alliant à chaque fois une ville emblématique, le jazz et la mafia. C’est l’objectif que s’est fixé le talentueux Ray Celestin. Nous avons choisi pour illustrer cette saga son 2ème opus, Mascarade, centré sur Chicago, ville réputée avoir fait grandir le jazz. Et que ça swingue !
L’histoire :
1928. Chicago est la cité de tous les contrastes. Du ghetto noir aux riches familles blanches, en passant par la mafia italienne tenue par Al Capone, la ville vit au rythme du jazz, de la prohibition et surtout du crime, que la police a du mal à endiguer. C’est dans ce contexte trouble qu’une femme appartenant à l’une des plus riches dynasties de la ville fait appel à l’agence Pinkerton. Sa fille et le fiancé de celle-ci ont mystérieusement disparu la veille de leur mariage. Les détectives Michael Talbot et Ida Davies, aidés par un jeune jazzman, Louis Armstrong, vont se charger des investigations.
Au même moment, le corps d’un homme blanc est retrouvé dans une ruelle du quartier noir. Le meurtre en rappelle un autre à Jacob Russo, photographe de scènes de crime, qui décide de mener son enquête. Quel est le lien entre ces deux affaires ? Y a-t-il un rapport avec le crime organisé ? Car la vieille école d’Al Capone et de la contrebande d’alcool est menacée par de jeunes loups aux dents longues qui, tels Lucky Luciano ou Meyer Lansky, n’hésitent pas à se lancer dans le trafic de drogue.
Pourquoi ce livre est important :
Ce livre mérite sa place dans ce palmarès car il s’inscrit dans un projet fascinant : retracer l’histoire du jazz et de la mafia sur un demi-siècle, selon un procédé inspiré de l’Oulipo (voir plus bas) : chacun des quatre romans prévus présentant, de l’aveu de l’auteur, une ville, une décennie, un thème musical, un morceau et des conditions météorologiques différents. Si Mascarade en est le 2ème volet, n’hésitez pas à découvrir le 1er roman intitulé Carnaval en français, centré sur La Nouvelle-Orléans. Soyez vigilant dans votre lecture car de nombreux détails suggèrent d’autres contraintes que l’auteur s’est imposé à lui-même. Un exemple ? Chaque personnage semble représenter un instrument… À vous de retrouver lesquels !
Ce roman est aussi une passionnante autopsie d’une des villes les plus emblématiques du crime organisée, Chicago : alcools frelatés produits pendant la Prohibition, témoins devenus macchabés sous l’effet des mitraillettes, essor du trafic de drogues au détriment des jeux clandestins et de la contrebande d’alcool, ségrégation et passion pour le jazz partagée par tous les « groupes ethniques »…
C’est aussi la ville du célèbre Al Capone, celui qui révolutionna la mafia chicagoanne (« l’Outfit ») en regroupant les gangs par la force et une violence sans bornes, leur faisant prendre une forme quasi-industrielle qui lui survivra. Le même Al Capone qui élargit les champs d’activité de la mafia mais qui finit par représenter la vieille école face à une nouvelle génération « ambitieuse », prête à se lancer dans le lucratif trafic de drogues.
Enfin, dernière trouvaille de génie de Ray Celestin, l’association judicieuse entre mafia et jazz : les deux entrent en effet en résonance sur de multiples points. Issus de l’immigration, de la pauvreté et de l’amertume, les deux connurent de brillants solistes, partagent certains lieux d’implantation iconiques, fascinèrent les foules, parurent tomber en désuétude pour mieux se réinventer sous de multiples formes. Reste que là où l’un créé, l’autre détruit….
"On disait parfois parmi les musiciens que le jazz était né à La Nouvelle-Orléans et qu’il avait grandi à Chicago", nous dit ce livre. On pourrait dire de même de la mafia, à la différence près que celle-ci est née en Sicile et non pas en Louisiane…
Ce qu’il faut retenir (pour briller en société) :
1. « L’Ouvroir de littérature potentielle » ou « Oulipo » est un mouvement qui fait de la contrainte, qu’elle soit littéraire, mathématique ou autre, une source de création. C’est la démarche adoptée par Ray Celestin pour sa quadrilogie.
2. L’agence Pinkerton est certainement la plus célèbre des agences de détectives privés et de sécurité au monde. Aux États-Unis elle joua notamment des rôles ambivalents et prépondérants durant la Guerre de Sécession, comme force de l’ordre dans l’Ouest sauvage (Far West) puis devint plus tard un puissant auxiliaire du patronat pour briser les grèves.
3. Louis Amstrong est l’un des génies et l’une des figures emblématiques du jazz. Trompettiste charismatique, il a contribué à l’essor de ce genre musical et est notamment le précurseur du scat, un style vocal qui a fait de l’onomatopée un nouvel instrument au service du rythme.
4. Troisième ville des États-Unis, Chicago, surnommée Windy City (« la ville des vents ») sans que l’on sache de manière assurée pourquoi, est une ville pleine de symboles : c’est la cité d’Al Capone et de l’Outfit, mais aussi de l’architecture moderne (suite au fameux grand incendie de 1871), des arts et de la culture ou encore d’Obama !
5. La chute d’Al Capone est mal connue : on prête souvent à l’agent du FBI Eliot Ness et son groupe d’agents « Incorruptibles » la fin du règne du parrain de l’Outfit de Chicago mais c’est en réalité l’agent de l’US Secret Service (service de renseignement du fisc) Franck Wilson qui fit condamner Capone grâce à une minutieuse et patiente enquête qui amena ce meurtrier multirécidiviste à son inculpation… pour évasion fiscale !