
- Auteur : Cédric Cham
- Editeurs : Fleur sauvage éditions, Jigal
Le fruit de mes entrailles se dévoile dans une interview
Bepolar : Comme dans Du barbelé sur le coeur, vous mettez en scène un ancien prisonnier, un ancien bandit dans votre dernier roman Le fruit de mes entrailles. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la figure du malfrat, et notamment dans celle de celui qui en a normalement, presque, terminé avec la justice ?
Cédric Cham : Le choix de mettre en scène des personnages de délinquant ou de criminel est avant tout lier à une « déformation professionnelle ». Je travaille au sein de l’Administration pénitentiaire et forcément mon vécu professionnel rejaillit dans mes écrits.
Après, c’est aussi un choix conscient. La figure du « bandit » est un incontournable du polar et est en parfaite adéquation avec l’idée qui m’est chère : celle que nous finissons toujours par payer, d’une façon ou d’une autre, nos actes ou nos choix de vie. Que ce soit pour Dris dans Du barbelé sur le coeur ou Vrinks dans Le fruit de mes entrailles, leur passé leur revient en pleine tête. La rédemption est possible, mais c’est loin d’un un long fleuve tranquille.
Enfin, c’est aussi un parti-pris d’utiliser la figure du « malfrat » comme personnage principal parce que j’aime avant tout travailler sur des anti-héros. Pour traquer l’humanité là où l’on ne s’attend pas forcément à la rencontrer...
Bepolar : Vrinks est un père en rage après la mort de sa fille. Comment est-ce que vous pourriez nous le présenter ? Et les figures d’Amia et d’Alice ?
Cédric Cham : Simon Vrinks est un « beau mec ». Un truand à l’ancienne, avec un code moral, qui assume pleinement son choix de vie. Jusqu’à l’annonce de la mort de sa fille, Manon. A ce moment-là, il comprend qu’il n’a jamais été un véritable père pour Manon, voir même qu’il est plus ou moins la cause directe de sa mort. Il n’aura donc plus qu’une seule obsession : comprendre ce qui s’est passé pour sa fille. Pourquoi ? Parce que c’est pour lui la dernière occasion de se racheter vis-à-vis d’elle, la dernière occasion d’être enfin un père.
Amia est une survivante. Une jeune fille prisonnière d’un réseau de prostitution. Jusqu’au jour où elle découvre qu’elle est enceinte. Elle va alors décider de se réapproprier son corps et fuir ses tortionnaires. Elle ne veut plus être une victime. Juste une fille et une mère comme une autre.
Alice Krieg est une guerrière. Une capitaine au sein de la Brigade Nationale de Recherche des Fugitifs. Toute sa vie est centrée sur son travail, moyen pour combler un vide. Celui de ne jamais avoir connu son père. Mais, entre la grosseur qui est apparue sur son corps et l’enquête sur l’évasion de Vrinks, sa vie va commencer à voler en éclats.
Bepolar : Vos personnages souffrent ou ont souffert. Vous vouliez mettre en scène des gens abîmés par la vie ?
Cédric Cham : Tout à fait. J’ai une appétence toute particulière pour les personnages présentant des aspérités, avec des parcours de vie chaotiques. Des personnages qui ont du vécu et donc des choses à raconter. Pas que le bonheur ne mérite pas d’être raconté. Mais, à mon sens, c’est surtout dans l’adversité et la douleur que l’Homme se révèle dans ce qu’il a de meilleur mais aussi de pire.
J’aime aller dans ces zones d’ombres et de douleur, là où les masques tombent, où il n’est plus possible de tricher, où les personnages poussé dans leurs retranchements se retrouvent face à eux-même. Là où la réalité dépasse incontestablement la fiction.
Bepolar : C’est un polar qui happe tout de suite sur un rythme terrible. Comment avez-vous travaillé ?
Cédric Cham : Je n’ai pas vraiment de méthode ou de technique. L’écriture se fait surtout au feeling et pas forcément de façon chronologique.
Pour le fond, je travaille toujours en partant de deux éléments : les personnages et le point d’arrivée de l’histoire.
Il n’y a donc pas de plan défini à l’avance. Je laisse les personnages prendre vie, faire leur propre choix. Je me contente d’écouter ce qu’ils me chuchotent à l’oreille. Des images apparaissent alors, des dialogues résonnent... Je retranscris ensuite sur le papier le chemin qu’ils vont prendre pour arriver jusqu’à l’épilogue.
Pour la forme, j’aime que le récit soit « dégraissé jusqu’à l’os ". J’attache une importance toute particulière à aller directement à l’essentiel. Cela permet de maintenir une immédiateté et de ne pas diluer l’émotion.
Après, je suis un grand amateur de cinéma, et j’essaie d’écrire un peu comme un film tourné caméra à l’épaule. Où le récit est raconté à auteur d’homme et de femme, sans trucage, avec des gros plans sur les visages marqués. Où l’émotion affleure au détour d’un regard, d’un geste.
Bepolar : Vous parlez aussi de la justice en France. Vous aviez envie de parler de son fonctionnement et de ses dysfonctionnements ?
Cédric Cham : Étant toujours en exercice, je suis soumis au devoir de réserve. Donc, le parti-pris n’était pas d’apporter une critique du système judiciaire français, mais juste d’être le plus réaliste et honnête possible dans ce que je décris.
Je m’inspire donc de ce que je vis au quotidien et des personnes qui défilent dans mon bureau. Le réalisme passe forcément par des choses qui fonctionnent et d’autres qui dysfonctionnent clairement.
Bepolar : Quelles sont vos prochaines dates de dédicaces ?
Cédric Cham : Les prochaines dates sont : la Fête du livre de Saint-Étienne (le 13 et 14/10/18), l’Espace Culturel Leclerc à Riorges (le 20/10/18), le salon Les Boënnales (le 11/11/18), le salon Romans noirs & Magie blanche à France Loisir Part-Dieu Lyon (les 01 et 02/12/18), le salon Leclerc Obscur à l’Espace Culturel de Chaponnay (le 15/12/18) et le salon Sang pour Sang Polar à St Chef (les 02 et 03/03/19).
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quel sera votre prochain titre ?
Cédric Cham : La première version du manuscrit suivant (le n°4) est terminée. Je la laisse reposer un peu avant de faire de nouvelles corrections.
Cette fois, ce sera un polar avec deux histoires parallèles : celle de Christo qui lutte pour contenir la violence qui gronde en lui et celle de Mathias un adolescent enlevé et enfermé dans une cage.
Il s’agit d’un récit sur fond de violence. L’homme est-il un animal domestiqué, instinctivement violent ? Ou l’homme est-il conditionné par son entourage, son parcours de vie à devenir violent ?
Le manuscrit suivant (le n°5) est en cours de rédaction. Il sera dans la veine Du barbelé sur le coeur, mais cette fois du côté de la détention. Le récit suivra Lukas, primo-délinquant, qui découvre l’incarcération et les conséquences que cela va avoir sur sa vie.
Bepolar : Enfin la question rituelle : pour vous, qu’est-ce qu’un bon polar ?
Cédric Cham : Un bon polar c’est un polar qui marque. Qui une fois la dernière page tournée reste dans la tête, que ce soit à travers l’émotion dégagée, le thème, la puissance de l’écriture...
Autrement dit, c’est un polar qui fait réagir, où les personnages deviennent comme des intimes.
Et pour conclure, esprit de corps oblige, je dirai qu’un bon polar, c’est un polar JIGAL.