- Réalisateurs : Amat Escalante - David Fincher - Martin Scorsese - David Yates
Pour certains, ils sont presque là !
Sorti peu avant la rentrée pour en devenir l’événement ciné-polar, "Anatomie d’une chute" de Justine Triet (Palme d’or 2023) n’est pas le seul thriller à se mettre sous la dent cette année en septembre-octobre. D’autres fictions palpitantes arrivent ces prochains jours et prochaines semaines, notamment du côté d’Amat Escalante, de David Fincher ou d’un certain Martin Scorsese…
Lost in the Night, d’Amat Escalante
Jusqu’ici, le réalisateur mexicain Amat Escalante, connu pour des œuvres radicales telles que "Los Bastardos" (2008), "Heli" (2013) ou encore "La Région sauvage" (2016), s’était souvent démarqué pour son recours à l’ultra-violence et son inspiration frénétique voire jusqu’au-boutiste. Si l’on reconnaît ici en creux quelques-unes de ces idées fixes dans "Lost in the Night" – bien que tempérées cette fois –, le long-métrage mise moins sur la provocation et l’emphase que sur une certaine justesse en proie au déséquilibre. L’intrigue de ce film noir se déroule dans l’arrière pays mexicain, à deux pas d’une rivière aux abords d’une opulente maison d’architecte. Alors que des militants tentent de bloquer l’exploitation d’une mine à proximité, certains d’entre eux, dont la mère du jeune Emiliano – protagoniste central du film – sont froidement assassinés par la police (la corruption toujours, sujet récurrent d’Escalante). Trois années plus tard, Emiliano continue de mener l’enquête pour lever le mystère sur la disparition de sa mère. Son investigation le mène chez les Aldama, riches propriétaires d’une demeure arty où il est engagé pour effectuer quelques travaux.
À mi-chemin entre la critique sociale, le thriller pur, le polar et les initiations de l’adolescence – mention spéciale pour les instants de sexualité ou d’intimité entre teenagers, aussi sensibles que soignés –, "Lost in the Night" emprunte de multiples chemins a priori inconciliables. Ce qui ne l’empêche pas néanmoins de retomber le plus souvent adroitement sur ses pattes. Labyrinthique et tortueuse à l’image de ses occupants les Aldama, la maison d’architecte du film – avec ses sortes de miradors et autres cavités célébrant le voyeurisme – symbolise à elle seule toutes les pulsions de "Lost in the Night". On pense par moment étrangement à la fois aux inquiétants "Les Chiens de paille" (Peckinpah, 1971) et "Le Locataire" (Polanski, 1976) qu’à certains drames de l’adolescence de Larry Clark (tel que "Wassup Rockers", de 2005). Au gré de ce balancement aussi inclassable que passionnant, "Lost in the Night" ne néglige par ailleurs pas totalement l’humour, à la limite du pastiche dans sa dimension psychanalytique et dans sa raillerie de l’art contemporain – les artistes du film, dont le père Aldama, apparaissent ainsi copieusement moqués. Aussi bigarré qu’attrayant, ce nouveau long-métrage d’Amat Escalante constitue l’un des principaux thrillers de la rentrée.
"Lost in the Night" sort en salle le 4 octobre 2023.
Le Procès Goldman, de Cédric Kahn
Plutôt que de réaliser un biopic romanesque autour de Pierre Goldman, personnage fascinant, écrivain autant que braqueur, figure légendaire du militantisme d’extrême gauche, Cédric Kahn s’en tient (presque exclusivement, car non sans s’accorder quelques pas de côté) au compte rendu de son procès. En résulte un portrait complexe, tant le personnage parvient à aller au devant de son jugement par autocritique.
Pierre Goldman est-il réellement innocent ? Le réalisateur Cédric Kahn, en plaçant le spectateur à la place du juré, nous laisse résolument dans l’expectative, soulignant en cela les limites de la justice et de ses règles, parfois incapables de traduire l’ineffable. Aussi saisissant, haletant que vertigineux (tel le parallèle avec la résistance en France des immigrés communistes ou encore avec la Shoah), "Le Procès Goldman" bénéficie d’un récit à tiroirs sensationnel. Ce dernier en dit aussi long par la même occasion sur le contemporain, le racisme, l’antisémitisme ou encore les exactions de la police. Mention spéciale pour les acteurs Arieh Worthalter et Arthur Harari, stupéfiants dans la peau de Pierre Goldman et de maître Kiejman.
"Le Procès Goldman" sort en salle le 27 septembre 2023.
The Killer, de David Fincher
Que peut bien encore proposer de neuf un cinéaste comme David Fincher en matière de thriller criminel, lui qui pendant trente ans déjà n’a pratiquement jamais cessé de passer le genre au crible ? Une rencontre avec Michael Fassbender ou encore Tilda Swinton certes, ce qui ne devrait évidemment pas laisser de marbre. Mais surtout un focus sur les nouvelles technologies, auxquelles le tueur en série du film recourt avec obsession.
Et si les outils et plateformes modernes devenaient l’un des protagonistes centraux de l’intrigue ? Ce dispositif, Steven Soderbergh l’avait récemment déjà mis en œuvre avec un certain brio dans son film "Kimi" (2022). Mais on attend sans doute encore plus de David Fincher, tant son œuvre s’avère précieuse et rare. Pour rappel, "The Killer" est adapté d’une bande-dessinée (« Le Tueur », de Matz et Luc Jacamon) suivant un assassin hanté par un cas de conscience et perdant peu à peu la raison.
"The Killer" sortira le 10 novembre exclusivement sur Netflix.
Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese
Pas un hasard si Martin Scorsese a choisi d’adapter l’excellent livre éponyme de David Grann sorti en 2017, lequel remet extraordinairement en perspective les meurtres des Indiens Osages. D’une part parce que le cinéaste n’aura cessé à travers sa filmographie d’illustrer l’histoire des Etats-Unis, celle que l’on refoule autant que celle que l’on idéalise. D’autre part parce que ce terreau entre enquête journalistique et pure littérature, hautement romanesque, donne fatalement libre cours au souffle épique dont le metteur en scène a le secret.
Cette fois, trois récits s’entrelacent pour illustrer les tenants et aboutissants du génocide des Amérindiens Osages. À noter qu’Eric Roth, génial scénariste notamment de "Munich" (Spielberg, 2005) ou encore "Forrest Gump" (Zemeckis, 1994), se trouve à la manœuvre côté écriture. Tandis que le montage est toujours signé par l’inégalable Thelma Schoonmaker, partenaire indissociable de Martin Scorsese depuis son tout premier long-métrage. De quoi laisser plus que fébrile en attendant la sortie de ce film de trois heures trente, déjà présenté hors-compétition à la Mostra de Venise.
La sortie en salle de "Killers of the Flower Moon" est attendue le 18 octobre 2023.
Marchands de douleur, de David Yates
Un réalisateur comme David Yates n’a vraisemblablement sur le papier ni l’envergure d’un David Fincher, ni celle bien sûr d’un Martin Scorsese. Pour autant, ce cinéaste derrière les quatre derniers volets d’Harry Potter et aux manettes de la saga "Les Animaux fantastiques" ne manque ni d’expérience ni de savoir-faire. Sans présager ici en "Marchands de Douleur" la finesse des plus grands metteurs en scène de thrillers paranoïaques (Pakula, Friedkin, Coppola, Fincher, Aronofsky…), l’efficacité pourrait bien être de mise.
Bien qu’a priori classique, le scénario signé Wells Tower, un passionné de Faulkner et d’Hemingway, centré autour d’une start-up pharmaceutique de Floride et mâtiné de conspiration, attire. Quant au casting composé d’Emily Blunt, Chris Evans ou encore Andy Garcia, celui-ci vise par son faste la dentelle. Rendez-vous fin octobre sur Netflix.
"Marchands de douleur" sort le 27 octobre, exclusivement sur Netflix.
Mais aussi…
Coup de chance, de Woody Allen (27 septembre 2023)
The Bikeriders, de Jeff Nichols
Reptile, de Grant Singer (6 octobre 2023)