Bepolar : Comment est né ce roman ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’écrire ?
André Jacques : Ce roman est né d’un personnage : Pavie. Elle apparaissait déjà très brièvement dans un roman précédent La tendresse du serpent. J’ai eu soudain l’idée et l’envie de la ramener et de la mettre cette fois au cœur d’une nouvelle intrigue. C’est un personnage riche, intrigant et fascinant par sa beauté et par sa violence, un personnage que j’ai retrouvé avec plaisir. Il y a comme ça des personnages qu’on a laissé dormir et qui s’avisent un jour de réveiller leur auteur.
Bepolar : Un mot pour commencer sur Alexandre Jobin. Il est antiquaire, et le diagnostic du médecin n’est pas très réjouissant. Il sait que la mort le guette. Qui est-il ? Et pourquoi le mettre aux portes de la mort ? Vous aviez prévu qu’il y ait en plus de l’intrigue une sorte de compte à rebours personnel pour votre héros ?
André Jacques : La bataille de Pavie est le 2e roman paru en France mettant en scène Alexandre, antiquaire, mais aussi retraité des services du renseignement de l’armée canadienne. Mais c’est le 5e paru au Québec. Dans les précédents, Alexandre avait un côté dilettante. Sympathique, certes, mais un peu léger. Le héros sans peur et sans reproche. Une sorte d’Arsène Lupin. Dans La bataille de Pavie, j’ai voulu le fragiliser pour lui donner une certaine profondeur. Sans le « mettre aux portes de la mort », je voulais faire ressortir chez lui une plus forte densité psychologique. Le rendre inquiet pour sa santé et son avenir m’a semblé un bon moyen d’y arriver. De plus, cette fragilisation du héros, cette présence de la mort, ajoute un élément de suspense à l’intrigue. Alexandre va-t-il s’en sortir ? C’est ce que nous saurons en tournant la page…
Bepolar : Il va devoir se rendre à Palerme pour retrouver une jeune fille, Pavie. Pourquoi ce choix de Palerme ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de situer votre intrigue dans cette ville ?
André Jacques : La Sicile et Palerme ont toujours été au centre du grand mythe de la mafia italienne. Au cinéma comme en littérature. Ici, au Québec, plusieurs des grandes familles de la mafia viennent de Sicile. Alors, Palerme m’attirait comme un aimant. Pour son histoire riche et stratifiée, pour sa culture, mais aussi parce le personnage de Pavie est rattaché aux milieux mafieux. Comme elle est en fuite, j’ai cru bon lui faire chercher asile à Palerme. Cette ville est d’ailleurs absolument fascinante. Le court séjour que j’y ai fait en 2014 m’a convaincu que c’était un lieu central du roman et que Pavie s’y plairait.
Bepolar : On y trouve évidemment les fameux catacombes. Pourquoi le lieu vous a intéressé ?
André Jacques : Lors de mon passage à Palerme, j’ai visité ce lieu étrange. Rien à voir avec d’autres catacombes que j’avais visitées à Rome ou à Paris. Leur aspect lugubre, ces spectres debout qui vous regardent de leurs orbites vides, tout cela m’a ébloui. Alors, quand Alexandre apprend, lors de ses recherches pour retrouver Pavie, que celle-ci s’y rendait souvent, qu’elle était fascinée par la mort (on sait qu’elle n’est pas un ange), il devenait essentiel que celui-ci s’y rende lui-même. Je n’ai pu m’empêcher non plus de tenter de transmettre à mes lecteurs le petit frisson que ce lieu procure.
Bepolar : Ce roman, vous l’avez écrit il y a quelques temps désormais. Quel regard portez-vous dessus ?
André Jacques : Le roman a été publié au Québec en 2015 et il a été en 2016 lauréat du prix de Saint-Pacôme qui couronne chaque année le meilleur polar québécois. Je ne l’avais pas relu depuis sa parution. Mais, lors des relectures et des corrections d’épreuves que j’ai faites pour l’édition française, je l’ai trouvé toujours aussi actuel et passionnant qu’au moment où je l’ai écrit. Les thèmes de la mort et du sang (dans tous les sens du terme) sont éternels dans l’univers du polar.
Bepolar : Est-ce que vous travaillez à un nouveau polar ? Quels sont vos projets ?
André Jacques : Depuis la parution québécoise de La bataille de Pavie en 2015, deux autres romans mettant en scène Alexandre Jobin ont été publiés ici au Québec aux Éditions Druide. En 2018, Ces femmes aux yeux cernés, roman qui devrait paraître en France aux éditions Le mot et le reste l’an prochain et Les gouffres du Karst qui est paru en septembre dernier (toujours chez Druide). Je travaille en ce moment à un 8e Alexandre qui avance bien.