- Auteur : Michel Moatti
- Editeur : Hervé Chopin
Avec Lancaster, Michel Moatti nous plonge dans un faits divers sanglants au coeur de la société Amish aux Etats Unis...
Bepolar : Votre nouveau roman part d’un fait divers qui a horrifié les Etats Unis, une ado qui tue une camarade de classe. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire un roman ?
Michel Moatti Au tout début, une simple photo. Celle de la meurtrière véritable, dont j’ai changé l’identité dans Lancaster. Une petite fille mi-terrifiée, mi-étonnée, en manteau rouge sang, debout dans une décharge, entourée de pneus brûlés, de débris de toute sorte. Elle allait devenir cette meurtrière sans remords ni états d’âme, capable de torturer et d’achever sa camarade de classe, dans un terrain vague identique à celui où elle posait sur cette photo. J’ai vu cette photo, j’ai lu ensuite l’exposé judiciaire du déroulé du meurtre, et le roman a pris sa place, presque d’un seul coup.
Bepolar : On plonge avec vous dans la communauté Amish, communauté plutôt
secrète. Comment avez-vous travaillé pour y placer votre intrigue ? J’imagine qu’il y a eu une grosse part de documentation.
Michel Moatti J’avais croisé, en traversant la Pennsylvanie en voiture, ces étranges silhouettes d’Amish. Leurs buggys tirés par des chevaux, leur apparence plutôt hostile. En transposant le récit qui allait devenir Lancaster, j’ai compris que cette ambiance serait la meilleure pour faire avancer l’histoire. Je me suis documenté plusieurs mois sur les communautés Amish, autour de Lancaster, et j’ai découvert qu’ils avaient non seulement leurs mystères, mais aussi leurs secrets. Et parfois, des secrets criminels.
Bepolar : On suit particulièrement Connie et Tarabont, les deux ados meurtriers, aux parcours cabossés. Comment vous nous les présenteriez ?
Michel Moatti Ce sont deux adolescents américains, pris dans un double tourbillon qui les dépasse et les emporte : celui de la marginalisation sociale extrême de la mère de Connie, en proie à l’alcool, à l’ultra-violence des hommes qui évoluent dans ces milieux des addictions multiples, des boulots précaires, de la prostitution domestique. Et celui des radicalités religieuses, voire sectaires, qui veulent contraindre leurs membres, mais créent aussi des rebelles, qui s’en évadent parfois en devenant des loups solitaires et des meurtriers.
Bepolar : Vous avez passé du temps avec eux pour raconter leur histoire. Quel
rapport avez-vous avec ces deux personnages ?
Michel Moatti Les deux, aussi terribles, désespérant et indécents soient-ils, ont fini par m’émouvoir. Pas seulement parce qu’au-delà de l’horreur de leur crime, ils sont peut-être eux-mêmes des victimes d’un univers sans pitié, mais parce qu’ils expriment aussi une certaine forme de liberté absolue, évidemment imprégnée de violence et de mépris de la vie. Y compris de leur propre vie…
Bepolar : Il y a pas mal d’aller retour au sein de la société Amish et en dehors, des flashback, des auditions de justice... Comment avez-vous construit votre roman ?
Michel Moatti En chapitres alternés, comme vous l’évoquez, parce que je crois que l’action se nourrit de cause et de faits antérieurs. Et que les moments judiciaires, les auditions, les témoignages, ne sont pas simplement des éléments de procédure, mais des fenêtres grandes ouvertes sur la construction intime de Connie Stotter et de Tarabont Kheler. Ils sont un immense mystère dans la nuit américaine ! Et il faut creuser, dans l’histoire, les archives policières et judiciaires, pour les affronter de face.
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quels sont vos projets ?
Michel Moatti J’ai commencé depuis plus d’un an un gros travail de documentation historique sur un événement réel du XIXème siècle. C’est un épisode très connu, mais qui pourrait cacher une dimension criminelle singulière. J’achève ce travail préparatoire. J’ai plus de deux cents cinquante pages de notes. Je commence cet été la rédaction. Voilà. Je pense pouvoir présenter un premier texte cet hiver à mon éditrice, et il est prévu que ce roman soit publié à l’automne 2024.
Photo : MICHEL MOATTI © AtelierGallienStudio