- Auteurs : Franck Thilliez, Jean-Christophe Grangé, Stephen King, Maxime Chattam, Karine Giebel
- Date de sortie : 0000
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Karine Giébel fait partie de ces auteurs à succès qui tracent leur route sans faire de bruit. Ou plutôt sans faire trop de bruits auprès des médias (bien qu’elle soit abondamment relayée, elle n’est pas encore starifiée, ce qui est peut-être une bonne nouvelle). Car côté lecteurs, le succès est bien là : la native du Var compte déjà plus d’1,7 millions d’ouvrages vendus en treize romans et un peu moins de nouvelles, présents dans des recueils ou des anthologies. Excusez du peu !
Treize, comme ce recueil caritatif auquel elle participe régulièrement, avec d’autres, 13 à table !, au bénéfice des Restos du Cœur (une belle initiative des éditions Pocket, son éditeur en format poche).
Côté « institutionnel », si elle a glané de nombreuses récompenses, notamment lors des prestigieux festivals du roman Noir de Frontignan et de Cognac, elle n’a pas encore reçu les honneurs des prix encore plus prescripteurs, à l’exception notable du prix SNCF du polar Français obtenu en 2009 pour Les Morsures de l’ombre.
Comment expliquer alors ce succès hors du commun ? Pourquoi ne déçoit-elle que fort peu ses fidèles lecteurs au gré de ses parutions ? A l’occasion de la parution ce mois-ci de Glen Affric (Plon), BePolar vous donne quelques pistes d’explications pour comprendre le phénomène Giebel.
Une description brillante des ressorts de la violence physique, mais aussi psychologique
À la voir, on pourrait presque lui donner le bon dieu sans confession, à Karine Giébel. Comme souvent, il ne faut pas se fier aux apparences. Car l’auteure est à la fois capable d’écrire des pages d’une violence hors du commun, de faire preuve d’une imagination débordante pour la torture et la violence, tout autant que d’être d’une redoutable ingéniosité dans les ressorts d’une intrigue, d’une subtilité terrifiante pour décrire les ressorts de la chute.
Ce n’est pas pour rien qu’elle est souvent comparée à des auteurs français comme Jean-Christophe Grangé (pour la violence et ses ambiances pleines de moiteurs malsaines), Maxime Chattam et Franck Thilliez (pour ses intrigues machiavéliques) ou encore à Stephen King (pour son exploration des ressorts psychologiques du mal).
Mais Karine Giébel y ajoute clairement une « patte spécifique » : non seulement ses personnages sont bien souvent ambivalents (les prédateurs pouvant se muer en proie, les mauvaises personnes avoir leur faille, et les situations se retourner), mais chez elle peu de traces de vrais héros récurrents. Chaque histoire explore d’autres portraits psychologiques, d’autres (sombres) parcours de chutes, prévues ou imprévues.
Un art consommé du huis clos
Comme Stephen King dans l’un de ses chefs-d’œuvre, Misery, Giébel brille par son art de mettre en scène un nombre limité de personnages dans un lieu clos et de donner à voir les mécanismes de la violence et des interactions d’individus poussés dans leur retranchement.
Il n’est pas étonnant que l’univers carcéral soit si présent dans ses œuvres (Meurtres pour rédemption, Les Morsures de l’ombre, Purgatoire des innocents, Toutes blessent la dernière tue…) que la prison soit officielle, « privative » ou mentale : cela semble son univers de prédilection pour décrire des personnages jamais innocents mais qui ne peuvent jamais se définir par ce seul qualificatif.
Comme en écho à cette fascination pour l’enfermement et l’ambivalence (avérée ou supposée) de ses personnages, il n’est guère surprenant que le mot « ombre » prenne une place si forte dans ses récits, notamment dans ces titres ; Karine Giébel aime à mettre en lumière la face cachée d’hommes et de femmes profondément abîmés par la vie et qui n’ont assurément pas fini de toucher le fond.
Des personnages inoubliables, un sens aigu du thriller.
Car c’est bien ce dernier point qu’on a envie de retenir des écrits de Giébel : qu’elle décrive une taularde laissé pour compte par la vie, une arriviste insupportable, un taulard qui tente un dernier coup, une justicière autoproclamée, une esclave des temps modernes, des figures d’autorité (flics, gardiens de prison) mis sur le grill, ses personnages sont souvent inoubliables. Qu’on entre en empathie, qu’on les déteste pour leurs qualités ou leur défaut, on passe comme eux d’un sentiment à l’autre, de pensées coupables en angélisme malsain.
Son sens consommé du thriller, au sens premier du terme, à savoir « faire frissonner », de peur, de dégoût ou d’empathie, cette « course poursuite » émotionnelle tout au long du récit font de la majorité de ses romans des œuvres marquantes, coup de poing, qui ne laissent pas ses lecteurs indemnes. Le genre de lectures qui amènent nécessairement un temps de « digestion » avant de passer à d’autres. Pour notre plus grand plaisir.