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De si bonnes mères - L’interrogatoire de Céline de Roany

Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman De si bonnes mères ?

Céline de Roany : Après l’enquête plutôt intimiste des Beaux Mensonges, j’ai souhaité confronter mon héroïne récurrente, Céleste Ibar, à des crimes sériels. Le tueur en série, monstrueux, ressemble à tout le monde. Il se fond dans son environnement, il est parfois, même, charmant, complètement insoupçonnable.

Je n’ai pas voulu m’arrêter à l’explication un peu facile de la folie. Je crois que tous les tueurs sont malheureux, ce qui n’excuse rien, mais explique parfois, au moins en partie, leur geste. Il fallait que ces meurtres aient un sens, qu’ils ne soient pas simplement l’œuvre d’un fou.

J’avais une idée du thème principal, et j’ai commencé mes recherches sur ce thème : documentaires, articles de journaux, c’est comme détricoter un pull : on trouve un fil, on tire dessus et on voit ce qui vient. Parfois, on ne trouve rien d’intéressant et parfois, on aboutit sur des thèmes auxquels on n’avait pas pensé à l’origine. Pour ne rien divulgacher, je me contenterai de citer l’odorologie.

Bepolar : Le premier élément qui marque quand on ouvre votre roman, c’est le portrait de votre héroïne, Céleste Ibarbengoetxea, capitaine à la PJ de Nantes, mère de famille mais aussi femme marqué par la violence et qui en garde un visage balafré. Comment la voyez-vous ? Comment l’avez-vous construite ?

Céline de Roany : Céleste Ibarbengoetxea, qu’on appelle Céleste Ibar, est une femme qui s’est battue pour arriver là où elle est. Rien ne lui a été donné, elle a du tout aller chercher avec les dents... y compris sa survie. Elle est à la fois extraordinaire, une sorte de Lara Croft, ou un haricot vert blindé comme la décrit un des personnages au début des Beaux Mensonges, mais aussi profondément humaine. Un événement fortuit a fait basculer sa vie, elle doit se réinventer, vivre avec le trauma du passé qu’elle essaie d’affronter comme elle a toujours fait : en l’attaquant bille en tête. Elle force l’admiration, parce qu’elle est pleine de doutes et de blessures sous sa carapace, parce qu’elle se relève toujours, quels que soient les coups du sort. On peut aussi facilement s’identifier : personne n’a eu une vie linéaire, nous avons tous eu à composer, à un moment ou un autre de notre vie, avec un événement, une maladie.

Je l’ai construite pour l’adapter au thème de sa première enquête. Elle était la reine blanche là où la victime est la reine noire, les deux personnages principaux sont construits en miroir, bien qu’elles partagent de nombreuses similitudes. J’ai aussi voulu lui donner suffisamment de densité pour en faire un personnage romanesque qui intéressera les lecteurs pendant plusieurs enquêtes, à l’instar de Barbara Havers et Thomas Lynley, ou bien Harry Bosch.

Bepolar : Elle a vécu le pire, mais c’est tout de même une femme au caractère bien trempé. Malgré tout ce qu’elle a vécu, vous la vouliez forte, debout face à l’enquête qui l’attend ?

Céline de Roany : Vous remarquerez tout au long du livre qu’elle se relève toujours. C’est important, pour cette enquête, de montrer qu’on peut surmonter les coups du sort, qu’on peut reprendre pied dans la vie, même si c’est difficile, et ne pas céder à la facilité des excuses. Après coup, je peux peut-être relier ce trait particulier à mon expérience personnelle. J’ai écrit le texte de De Si Bonnes Mères pendant que je me remettais des traitements d’un cancer du sein. Écrire sur une héroïne qui va de l’avant malgré ce qu’elle subit a peut être été ma façon de m’auto-inspirer, de m’empêcher de m’apitoyer sur mon sort, de m’inciter à me relever, moi-aussi.

Bepolar : Elle a été touchée au visage. Est-ce que c’est pour vous comme un symbole extérieur de la violence qu’elle a subi ?

Céline de Roany : Le visage, c’est nous, ce qui nous distingue immédiatement les uns des autres. Balafrer un visage, c’est aussi essayer d’effacer une personnalité, nier la personne. Plus prosaïquement, d’un point de vue d’auteur, c’est effectivement la marque extérieure d’une agression mais également le rappel permanent que les policiers sont humains, et donc, mortels.

Bepolar : Ce n’est pas votre premier roman avec elle. Quels liens avez vous avec ce personnage ?

Céline de Roany : C’est mon deuxième roman avec Céleste. Elle est un peu comme une amie, je suis parfois profondément touchée par sa résilience et parfois, elle m’agace, parce qu’elle n’est pas très sympa avec les autres. J’ai envie de lui dire : ouvre toi, brise ta carapace, ta vie sera meilleure ! Et comme je l’ai créée, je sais que ce n’est pas qu’elle ne veut pas, mais qu’elle ne peut pas.
C’est un peu encombrant parfois, d’avoir un personnage qui existe déjà, parce que cela crée des contraintes. D’un autre côté, la contrainte est un excellent moyen de décupler la créativité, je me rassure avec cette assertion.

Bepolar : Un petit mot sur son fidèle lieutenant, Ithri Maksen. Qui est-il ?

Céline de Roany : Ithri, c’est un peu le rayon de soleil des enquêtes de Céleste. Il comble certaines de ses lacunes : il est cool, flegmatique, empathique, chaleureux. Il n’a pas du tout confiance dans ses qualités athlétiques (ce qui est un signe de son intelligence). Il est là pour montrer que Céleste, en réalité, n’est pas un monstre froid, mais une femme qui s’est forgé une carapace dont elle ne parvient pas à s’extraire. Il vient illuminer l’humanité de Céleste, qui ne perce que par les fissures de cette carapace.

Bepolar : Votre roman nous emmène dans le Parc naturel régional de Brière. Un endroit superbe pas très loin de Nantes. Qu’est-ce qui vous a donné dans ces lieux l’envie d’y raconter une histoire ?

Céline de Roany : Je souhaitais sortir Céleste de son terrain d’action habituel (l’urbain) . Le Parc Naturel Régional de Brière est une pépite méconnue, située entre Nantes et La Baule. C’est une zone humide, un marais avec ses îles dont certaines n’ont été reliées à "la terre ferme" qu’au début du XXème siècle. Les Briérons portent une culture très forte, avec des traditions, des savoir-faire locaux très importants (je pense aux toits de chaume, par exemple, écologique, isolants et beaux) et une certaine méfiance vis-à-vis de l’extérieur. De nombreux briérons sont venus me voir après la lecture de De Si Bonnes Mères, en me disant qu’ils s’étaient vraiment retrouvés dans le roman.
La France est incroyablement diverse ; il n’y a pas "Paris et la Province", mais une mosaïque territoriale et culturelle, très riche humainement parlant, mais aussi incomparable pour l’auteur. Mes histoires entrent toujours en résonance avec les lieux où elles se déroulent. Je crois que les paysages et nos cultures nous façonnent, non pas que cela nous retire notre libre-arbitre, mais plutôt en ce sens qu’ils reflètent sur nos actions. Comme je vis en Australie depuis plusieurs années, j’ai un regard double : je connais intimement ces lieux où j’ai vécu, et je peux les mettre en perspective avec d’autres endroits, d’autres modes de vie, d’autres cultures. Je suis peut-être plus sensible, plus attentive à ces spécificités locales et à leur diversité.

Bepolar : On plonge dans une communauté au lourd secret. Parlez nous de ces lieux et des ses habitants ?

Céline de Roany : Il en va des habitants comme des lieux. Loin de la vision monolithique des habitants de villages dits reculés, au mode de vie plus archaïque et moins sophistiqué que dans les grandes villes, mes personnages sont fidèles à la réalité, à la diversité des véritables habitants. Il y a les locaux, les locaux qui ne ressemblent pas à des locaux, les nouveaux venus, ceux qui sont de passage, ceux qui s’y sont installés.... Tous les personnages ont leurs petits secrets, leurs particularités. Céleste devra composer avec un gendarme qu’on lui met dans les pattes, elle qui déteste la gendarmerie par principe. Un des thèmes sous-jacents est l’appartenance, que ce soit à une famille ou à un territoire et j’ai essayé de l’illustrer de différentes façons avec mes personnages.

Bepolar : C’est une deuxième version de votre roman. Comment l’avez-vous retravaillé suite à sa première publication ?

Céline de Roany : Autant la révision de mon premier texte avait surtout consisté à le nettoyer de scories (tics d’écriture, répétitions, etc.), autant le travail sur ce deuxième texte a été considérable. Pour les raisons évoquées plus haut, la première version était certainement moins aboutie. Travailler avec une professionnelle de l’édition m’a apporté un éclairage complètement nouveau. Nous avons remis à plat le déroulé de la narration, j’ai supprimé ou fusionné des personnages, approfondi le conflit dans certaines scènes pour donner du rythme. Nous n’avons pas touché à l’histoire, mais plutôt à la manière de la raconter, pour s’assurer que le lecteur ne s’endorme pas en cours de route et qu’il ait toujours envie de savoir ce qu’il va se passer.
Je voudrais en profiter pour souligner le travail considérable fourni par les professionnels du livre. Je ne renie pas mon expérience d’auto-édition, qui a été très intéressante à bien des égards, mais rejoindre les équipes des Presses de la Cité me hisse à un niveau supérieur que je n’aurais pas atteint seule. On me laisse une totale liberté, tout en attirant mon attention ça et là. J’ai le sentiment d’avoir énormément progressé grâce à cette collaboration.

Bepolar : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous désormais ?

Céline de Roany : Je travaille actuellement sur la troisième enquête de Céleste, qui devrait paraître au cours du premier trimestre 2023. On restera dans des thématiques assez sombres, avec une explorations des milieux féministes et masculinistes Nous revenons à Nantes. Les enquêtes de Céleste Ibar devraient continuer par la suite, j’ai au moins deux ou trois histoires dans mes tiroirs. Je compte également débuter une série qui se déroulerait en Australie, le pays où je vis aujourd’hui. Beaucoup de clichés sont la réalité (les plages, la gentillesse des habitants, les kangourous partout, les koalas, etc.) mais comme tous les pays, l’Australie a quelques problèmes soigneusement cachés sous le tapis, des problèmes qu’on s’efforce de ne pas regarder et qui mériteraient pourtant qu’on les saisisse à bras le corps.

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