- Acteurs : Arielle Kebbel, Michael Imperioli , Russell Hornsby
Pas aussi sombre qu’espérée, la série inspirée du film "Bone Collector" finit malgré tout par retenir l’attention. Plus simpliste et facile d’accès, elle est aussi plus axée « Sherlock Holmes » que son aîné. Voici quelques raisons de la voir.
Lincoln Rhyme, enquêteur émérite devenu handicapé moteur lorsqu’il traquait le serial killer « Bone Collector », est amené à reprendre du service car l’impitoyable tueur a refait surface. Bientôt, Lincoln fait équipe avec Amelia Sachs, jeune policière déjà distinguée pour ses compétences de profileuse. Elle sera sur le terrain, lui en soutien technique grâce à un dispositif vidéo installé dans son bureau…
Elles sont nombreuses les séries à suspense adaptées d’un film culte, de "Bates Motel" (tiré de "Psychose") à "Fargo" (tiré du film éponyme) en passant plus récemment par "Clarice" (suite du terrifiant "Silence des Agneaux") ou encore "Ratched" ("Vol au-dessus d’un nid de coucou"). Il faut dire que l’intrigue et l’atmosphère de départ, déjà structurées et reconnues du public, s’avèrent un terrain de jeu idéal pour les scénaristes et autres producteurs plus ou moins opportunistes. L’enjeu consiste alors à surfer sur la nostalgie tout en impulsant une dynamique formelle suffisamment novatrice pour accrocher le chaland n’entendant rien au matériau initial. À ce petit jeu, certains se prennent les pieds dans le tapis, comme "Clarice", tandis que d’autres emmènent le spectateur dans une direction tout à fait inattendue, comme l’excellent "Ratched".
Sans prétendre à une quelconque originalité, "Lincoln : A la poursuite du Bone Collector" – dont le titre à la « Dora, l’exploratrice » ne présage pas le meilleur – s’en sort contre toute attente avec les encouragements. Si le long-métrage "Bone Collector" (Philip Noyce) dont la série s’inspire, lui même tiré du roman « Le Désosseur » de Jeffery Deaver, ne bénéficie pas de la même aura qu’un film comme "Se7ven", il reste cependant bien ancré dans la mémoire des aficionados des thrillers horrifiques nineties et début 2000. Et même sans la virtuosité d’un Fincher, le contrat entre suspense, jeu de piste et crimes macabres mérite que l’on s’y attarde. Alors qu’en est-il ? Pour son passage au format série, "Lincoln : A la poursuite du Bone Collector" fait l’objet de la même normalisation que "Clarice" : exit l’atmosphère poisseuse, la tension et le suspense haletant et place à des scènes plus consensuelles et interchangeables. La lumière est vive, sans nuance ni clair-obscur : ne pas s’attendre à un brio quelconque. Aussi, l’intrigue avance tellement vite qu’il ne faut pas s’attendre à frémir outre mesure dans son canapé.
Mais alors pourquoi regarder "Lincoln : A la poursuite du Bone Collector" ? Simplement parce qu’en dépit de sa forme générique totalement calquée sur "New York, unité spéciale" (pas étonnant, elles proviennent chacune de NBC et en reprennent les codes) ou encore "Esprits criminels" (pour l’écriture des personnages, notamment), elle parvient malgré tout à divertir. Dépourvue de tout effet de mise en scène particulier (ce qui entache par exemple complètement "Clarice"), la série multiplie des cadrages ordinaires en limitant scrupuleusement les mouvements de caméra. Ce parti pris des plus classiques aurait pu plomber l’ensemble mais l’enchainement rapide des plans et séquences compensent cette pesanteur, et ce, avec un peu trop de vivacité sans doute. Car l’histoire avance si vite qu’on peine parfois à s’identifier aux personnages centraux ou à ressentir l’angoisse suscitée habituellement par ce type de séries de meurtres. À tel point qu’on se demande un instant si la série ne va pas boucler le film au bout de seulement deux épisodes.
Reste que "Lincoln : A la poursuite du Bone Collector" privilégie davantage la résolution des énigmes que l’effroi en lui-même. Or, au petit jeu des devinettes, les protagonistes (Lincoln, Kate…) – à croire qu’ils sont tous dotés d’une I.A. surpuissante à la Sherlock Holmes – font preuve d’une célérité défiant tous les possibles, capables qu’ils sont d’extraire la substantifique moelle d’un cheveu d’un battement de cils pour faire progresser la traque. Mention spéciale à ce titre pour Lincoln, à même de se figurer mentalement le moindre centimètre de la topographie de New York et de trouver le Graal dans une poignée de sable. Mais aussi prompts soient-ils dans leurs investigations, le véritable tueur (le fameux collecteur d’os du titre « Bone Collector ») a toujours un tour d’avance. Placé dans la confidence, le spectateur sait d’ailleurs très vite de qui il s’agit, contrairement aux enquêteurs manipulés à loisir par le psychopathe.
Au final, même avec ses clichés et ses rebondissements convenus, la série se regarde sur le mode pop-corn sans déplaisir, certes sans fascination absolue du fait de son manque de substance mais tout de même avec un certain engouement. Outre la présence de Russell Horsnby dans le rôle de Lincoln (succédant à Denzel Washington), le grand obsessionnel de la bande, et celle d’Arielle Kebbel en fliquette torturée dans la peau d’Amelia (se substituant à Angelina Jolie) - tous deux relativement efficaces -, on notera celle plus atypique de l’impeccable Michael Imperioli ("Les Affranchis", "Les Soprano"…).