- Réalisateur : Gérald Hustache-Mathieu
- Acteurs : Guillaume Gouix, Jean-Paul Rouve, India Hair
Aux frontières du suspense haletant et de la comédie désopilante, la mini-série "Polar Park" suit les enquêtes d’un duo génialement dissonant porté par Jean-Paul Rouve et Guillaume Gouix. Pour Gérald Hustache-Mathieu, son créateur, le pari est-il réussi ?
Polar Park
De : Gérald Hustache-Mathieu
Avec : Jean-Paul Rouve, Guillaume Gouix, India Hair
Genre : comédie, thriller, polar
Pays : France
Année : 2023
De retour à Mouthe, son village natal, un illustre auteur de polars, David Rousseau, se retrouve à traquer un tueur en série tortueux aux côtés d’un gendarme maladroit se rêvant agent du FBI. Une expérience qui tombe à pic pour cet écrivain en mal d’inspiration…
Pétrie de références savamment distillées, la série "Polar Park" n’est pas du genre à faire mystère de ses influences. Exit ici les symboles cryptiques que seuls quelques exégètes seraient à même de décoder. Le ton est donné dès les premiers instants avec une oreille coupée très "Blue Velvet" (David Lynch, 1986), que découvre dans la neige une petite fille. Les accointances de "Polar Park" avec l’univers lynchien n’en restent d’ailleurs pas là puisque peu après, le panneau de la localité où se déroule l’intrigue (Mouthe, village dit « le plus froid de France ») se présente comme la copie conforme de celui de la mythique "Twin Peaks" – série qui affectionne elle aussi le motif de la bûche. Pour autant, la série de Gérald Hustache-Mathieu n’a clairement pas la prétention de se hisser à la hauteur de ses modèles ou de simplement les imiter, mais plutôt d’accumuler les clins d’œil dans une veine simili parodique. Ainsi en va-t-il des policiers dont l’allure et les méthodes semblent tout droit sorties de "Fargo" (Joel Coen, 1996). Ou encore du monastère, dont les arcanes et potentielles sournoiseries de ses étranges occupants renvoient en creux au "Nom de la Rose" (Jean-Jacques Annaud, 1986). Du reste, "Polar Park" – outre ses citations directes de tableaux de Van Gogh, Warhol, Michel-Ange, de Vinci ou Hopper – jouent sans cesse la carte de la cinéphilie. En témoignent quelques scènes renvoyant notamment à "American Psycho" (Mary Harron, 2000) et "Shining" (Stanley Kubrick, 1980).
Reste pourtant derrière le maniérisme second degré de "Polar Park" - résolument à l’image du film "Poupoupidou" (également signé Gérald Hustache-Mathieu, 2011), dont il est tiré - une dimension mélancolique sinon tragique. Car c’est précisément dans l’indétermination, en cultivant l’ambiguïté entre facétie et gravité, que s’épanouit "Polar Park". Comme chez Lynch - l’absolu et l’horreur larvée en moins -, réside toujours une volonté de cristalliser le doute entre le grotesque et le drame, peut-être aussi au fond à la manière du cinéma des frères Larrieu ("L’amour est un crime parfait", 2013). Pas un hasard si les ressorts des principaux rôles de la série – incarnés par les géniaux Jean-Paul Rouve, Guillaume Gouix et surtout India Hair -, relèvent précisément de l’équivoque, gravitant presque toujours au croisement de la farce et du malaise. Cette sensation bizarre, la série la procure par sa vraisemblance. Aussi absurde s’avère "Polar Park", ses personnages délivrent à chaque fois une certaine justesse. Toute la profondeur et la multiplicité d’India Hair, par exemple, débordent de sincérité. Comme si tous ces protagonistes à côté de la plaque, entre ridicule et authenticité à la Jacques Tati, c’était aussi un peu (beaucoup) nous.
L’autre versant passionnant de "Polar Park", celui à rechercher derrière la comédie noire grinçante, s’apparente à une métaphore de l’écriture. Que cela soit à travers ses méandres ou ses fausses pistes, la série donne en effet souvent le sentiment de mettre en abyme l’acte-même de création littéraire. Les personnages, les situations, les décors, l’enquête… tous oscillent entre cocasserie et netteté. Un peu comme si toutes les intrigues et péripéties de "Polar Park" n’étaient jamais que la projection mentale d’un écrivain en train de murir et de modeler son roman, brouillons compris. Or, c’est sur cette essence mal dégrossie que la série ne cesse de mettre en scène, que repose justement tout l’intérêt du feuilleton. Espace méta où le spectateur se trouve aussi convié à la réflexion et au spectacle.
En cela, grâce aussi à ses décors, à son atmosphère, à son intrigue barrée et à ses personnages foutraques, "Polar Park" se révèle un très bon divertissement, polar sous acide façon "P’tit Quinquin" à ne pas sous-estimer. Car derrière les innombrables friandises mimétiques de la série, sourd une fantaisie douce-amère irrésistible et d’une grande intensité.
La mini-série "Polar Park" est disponible sur la plateforme d’Arte jusqu’au 24 avril 2024.