- Réalisateur : Romuald Boulanger
- Acteurs : Mel Gibson, William Moseley, Kevin Dillon, Nadia Fares
Si ce n’était la présence remarquable de Mel Gibson, le château de cartes "On the Line" s’effondrerait-il dès la première brise ? Notre avis sur ce thriller claustro sous tension dans un studio de radio.
On the Line
De : Romuald Boulanger
Avec : Mel Gibson, William Moseley, Alia Seror-O’Neill, Kevin Dillon, Nadia Farès
Genre : thriller
Année : 2022
Pays : Etats-Unis, France, Belgique
Elvis Cooney est un animateur radio connu pour son franc-parler, sa subversion et sa répartie, notamment à travers l’émission nocturne « On the Line » qu’il présente sur la radio KLAT. Un soir, un étrange auditeur nommé Gary contacte le standard de l’émission. Il affirme qu’il se trouve au domicile d’Elvis et qu’il s’apprête à assassiner sa femme Olivia et sa fille Adria…
À l’instar d’Elvis Cooney, l’antihéros incarné par Mel Gibson, le réalisateur d’"On the Line" Romuald Boulanger fut lui aussi un homme de radio (pour NRJ – les clins d’œil à la station ne manquent d’ailleurs pas dans le film, à commencer par le « FM 100.3 »). Pas un hasard, donc, si le metteur en scène, qui se rappelle au souvenir d’un auditeur inquiétant, recherche à ce point la mise en abyme. Et comme toute l’intrigue (ou presque) d’"On the Line" se déroule en huis-clos dans une station de radio, nul doute que l’expérience du réalisateur en la matière peut valoir son pesant d’or du côté de l’immersion. Or, si la mise en scène du long-métrage ne se distingue ni par son originalité ni par sa maîtrise technique, le rythme et la plausibilité de l’ensemble demeurent un temps épargnés. L’arrivée au studio d’enregistrement et le début de l’émission, par exemple, fonctionnent. Dans sa première partie, "On the Line" apparaît même assez divertissant malgré ses faiblesses, surtout grâce à Mel Gibson dont l’intensité légendaire se vérifie séquence après séquence. Néanmoins, il faut pour poursuivre l’aventure cesser toute comparaison avec les quelques grands noms qui viennent à l’esprit quand on pense à l’acteur et au genre du thriller, comme M. Night Shyamalan ("Signes"), Ron Howard ("La Rançon") et plus récemment S. Craig Zahler ("Traîné sur le bitume").
Car au-delà de son concept relativement habile mais déjà vu, "On the Line" ne dépasse jamais tout à fait les poncifs. Un coup de fil et toute l’atmosphère flegmatique du film tourne au cauchemar : les habitués tout comme les amateurs reconnaîtront immédiatement ce dispositif classico-classique. D’"Une Journée en Enfer" (John McTiernan, 1995) à "The Guilty" (Gustav Möller, 2018) en passant par "Phone Game" (Joel Schumacher, 2003), le refrain du téléphone maudit s’avère certes imparable. Mais la référence apparaît ici beaucoup trop bien huilée pour convaincre pleinement. Si bien que plus le piège se referme sur le personnage central et ses collègues, et plus la pantomime semble fragile. Pour tromper l’ennui, le récit convoque des figures à l’image du Joker afin d’esquisser le déséquilibre de l’antagoniste. Puis la sédentarité du film, jamais déjouée par un semblant de sens de la mise en scène comme Fincher sait si bien le faire même dans un trou de souris, finit par peser. Les petits tours de passe-passe entre Elvis et Gary s’accumulent avec mollesse pour maintenir la tension. Mais rien à faire, cela ne suffit pas : la consistance d’"On the Line" ne repose finalement que sur les épaules de Mel Gibson, et dans une certaine mesure sur quelques seconds rôles comme William Moseley qui incarne Dylan le nouvel assistant de l’émission.
Même les quelques twists d’"On the Line", beaucoup trop prévisibles et beaucoup trop littérales dans leurs emprunts (T.G. de David Fincher, comme souvent), n’étonnent pas. Le cinéaste Romuald Boulanger ne s’est à ce niveau vraiment pas cassé la tête, puisant ici et là ses références sans apporter de réelle personnalité. Plus regrettable encore, le final de son film perd sciemment toute sa substance au gré de son dernier rebondissement. Comme si ni l’ambiguïté de son personnage principal (chantre de la masculinité toxique par excellence) ni l’équivoque des péripéties passées (quid de la morale ?) n’avaient davantage d’implication et de conséquence qu’un burger avalé dans un fast-food. Une scène, pourtant, permettait d’envisager ce dénuement potentiellement d’une autre manière, quelque part dans le sillage caustique du film "Network" de Sidney Lumet : la discussion orageuse entre Elvis et la directrice de la station, avec en contrepoint une légère critique des médias. Sauf qu’"On the Line" n’en fait rien et se contente du minimum, c’est-à-dire de copier-coller quelques films cultes, et ce tout en se délestant de tout ce qui constituait leur essence et leur complexité. C’est trop peu d’une part pour ériger Romuald Boulanger en authentique metteur en scène, d’autre part pour faire de son film "On the Line" autre chose qu’une coquille vide. Reste donc une direction d’acteurs honorable, rien de plus.
Tiré du court-métrage "Talk" (2019) avec William Baldwin, "On the Line" est disponible en VOD sur Canal +.