- Auteurs : Jerome Charyn, Jean-Patrick Manchette, Andrée A. Michaud, Maurizio De Giovanni, Alan Parks
On poursuit notre tournée des éditeurs de polars. Aujourd’hui Jeanne Guyon et Valentin Baillehache nous répondent pour Rivages à nos questions sur la crise de la Covid.
Bepolar : D’abord comment avez-vous vécu cette période de confinement en tant qu’éditeurs ? Est-ce que beaucoup de titres ont dû être décalés ? Quel a été l’impact sur la maison ?
Jeanne Guyon et Valentin Baillehache : Pendant la période de confinement les éditions Payot & Rivages ont vécu au rythme d’une activité partielle (mise au chômage partiel des salariés de l’entreprise). Nous nous sommes donc concentrés sur les parutions prévues au mois de juin, date à laquelle nous pouvions espérer un redémarrage de la librairie, en l’occurrence pour Rivages/noir la sortie en grand format du nouveau roman de James Lee Burke New Iberia Blues. Nous avons de plus, en liaison avec notre service commercial, travaillé à une reprogrammation allégée et dynamique des titres prévus afin de pouvoir proposer aux libraires des ouvrages bien identifiés et faciles à vendre : le nouveau polar d’Eric Halphen, James Lee Burke donc (auteur iconique de la collection Rivages/noir), puis à la rentrée Jerome Charyn, grand nom de la littérature américaine qui fait son retour au roman noir, et Maurizio de Giovanni, auteur d’une série napolitaine bien identifiée par les libraires.
Nous avons choisi de mettre en valeur un seul nouvel auteur à l’automne : le Japonais Matsuura avec son très original roman Le Calligraphe qui s’inscrit dans le goût du public pour des découvertes asiatiques (nous l’avions vu avec le succès de Le Jardin, de la Coréenne Hye-young Pyun, en octobre dernier).
D’une manière générale nous avons réduit notre production d’environ 40%. afin de ne pas submerger les librairies.
Bepolar : Les livres de janvier et de février ont vu leur vie en librairie s’arrêter brutalement. Est-ce que vous pouvez nous parler de ces titres ?
Jeanne Guyon et Valentin Baillehache : La bonne nouvelle pour nous est que nos titres de janvier et février ne sont pas morts avec le Covid ! Andrée Michaud, auteure très remarquée de Bondrée, avait sorti Tempêtes en janvier, et le livre avait déjà eu le temps de trouver son public ; le coup d’arrêt du confinement n’a pas signifié un arrêt des ventes d’Andrée Michaud après la réouverture des librairies ; nous vendons régulièrement des exemplaires de Tempêtes et surtout de Bondrée en poche qui est dans nos meilleures ventes. De même Alan Parks, auteur de la série écossaise de l’inspecteur Harry McCoy (Janvier noir en poche et L’Enfant de février en grand format) a vu sa vie se poursuivre, particulièrement Janvier noir en poche. C’est aussi le cas de Thomas Mullen, auteur qui met en scène des policiers noirs à Atlanta dans les années 1950, qui a vu ses ventes repartir avec solidité, aidé aussi par la triste actualité autour du meurtre de George Floyd. On craignait que Les Lumières de Tel-Aviv d’Alexandra Schwartzbrod ne souffre vraiment du confinement car l’ouvrage avait à peine commencé sa carrière dans les librairies que celles-ci fermaient. Heureusement la superbe couverture presse obtenue l’a immédiatement relancé et l’auteure étant de surcroît invitée dans de nombreuses manifestations, nous sommes très optimistes sur la durée de vie de ce titre.
Bepolar : Quels sont les livres qui sortent en ce moment ? Est-ce que eux aussi sont impactés par la crise ?
Jeanne Guyon et Valentin Baillehache : Pour ce qui est des sorties du moment, il y a donc La Faiblesse du maillon d’Eric Halphen qui, par son sujet très politique, et bien soutenu par la presse va certainement trouver de nombreux lecteurs. Cela reste une excellente lecture d’été. De même que La Fille aux papillons de l’Américaine Rene Denfeld qui a elle aussi bénéficié d’articles élogieux et qui avait déjà été remarquée pour son premier roman Trouver l’enfant, qui marche très bien en poche. Attentifs ensemble de Pierre Brasseur, un nouveau venu dans la collection, s’est trouvé décalé vers le mois de mai alors que nous l’avions prévu tout début avril, mais il se trouve que la sortie du roman coïncide avec la salve de parutions autour de Jean-Patrick Manchette, coïncidence heureuse car le roman de Brasseur a des résonances très « manchettiennes » et l’auteur revendique Manchette comme une de ses sources d’inspiration. Quant à James Lee Burke et son New Iberia Blues (une aventure de Dave Robicheaux), nous l’avons dit, l’auteur est suivi par un public fidèle, nous n’étions donc pas inquiets et il n’y a pas eu d’impact de l’épidémie sur les mises en place, ni sur les ventes à ce jour.
Bepolar : Un petit mot de la rentrée à venir. Quelles seront vos publications ?
Jeanne Guyon et Valentin Baillehache : Nous avons déjà un peu répondu sur nos parutions du second semestre, mais à la rentrée proprement dite nous sortons donc Avis de grand froid de Jerome Charyn. C’est l’ultime aventure de son héros mythique Isaac Sidel. Dans ce livre, très politique décidément lui aussi sous des dehors burlesques, Isaac (ancien flic et ancien maire de New York) accède à la présidence des Etats-Unis par un concours de circonstances (le président élu est aussitôt déchu pour corruption aggravée). Il n’est pas fait du tout pour le job (comme peut-être l’actuel occupant de la Maison-Blanche) mais c’est tout l’inverse de Trump. Isaac a un agenda social, ce qui ne fait pas du tout l’affaire des financiers. Des banquiers suisses ont mis sa tête à prix… Politique, aventure, humour délirant à la Marx Brothers et mélancolie à la Woody Allen sont au rendez-vous.