Bepolar : D’abord comment avez-vous vécu cette période de confinement en tant qu’éditeur ? Est-ce que beaucoup de titres ont dû être décalés ? Quel a été l’impact sur la maison ?
Nathalie Démoulin : Nous avons dû décaler des titres mais, pour ce qui concerne les polars, tout notre programme 2020 reste en place sur cette année, alors que pour la littérature générale par exemple j’ai dû reporter des titres à début 2021. Quant à l’impact de la fermeture des librairies, il est bien sûr énorme. Huit semaines sans pratiquement vendre de livres, c’est un véritable cauchemar, pour la maison d’édition, pour les auteurs. Mais je suis optimiste depuis la réouverture des librairies car nos nouveautés sont bien accueillies et nous avons fait plusieurs réimpressions depuis la mi-mai (d’autant plus que les offices restent mesurés en raison des problèmes de trésorerie des libraires). Le roman de Peter May, Rendez-vous à Gibraltar, a notamment très bien démarré. Mais c’est aussi le cas pour le page-turner de Christian Grenier, Le Code et la Diva. Il est aussi encourageant de constater qu’un premier roman comme celui de Claire Raphaël, Les Militantes, paru tout début mars, fait l’objet de bons réassorts. Au moment présent, nous sommes surtout ralentis par les problèmes de logistique et de temps de réimpression !

Bepolar : Les livres de janvier et de février ont vu leur vie en librairie s’arrêter brutalement. Est-ce que vous pouvez nous parler de ces polars ?
Nathalie Démoulin : En réalité, l’objectif à la réouverture des librairies a été de justement leur permettre d’exister. C’est pourquoi, à la demande des libraires, nous avons décalé et retardé les offices des nouveautés. Nos deux nouveautés du premier trimestre : Feu le royaume de Gilles Sebhan et Les Militantes de Claire Raphaël restent donc disponibles dans de nombreuses librairies. Le dommage le plus difficilement réparable, c’est l’annulation des festivals et des rencontres en librairie. Des moyens de diffusion importants, tout particulièrement dans le domaine du polar. Il n’empêche que ces livres n’ont pas fini leur carrière. Les Militantes fait notamment partie de la sélection du Grand Prix de littérature policière, et on peut espérer que cela lui donne une visibilité supplémentaire. Les auteurs seront également présents sur des festivals d’automne.

Bepolar : Quels sont les livres qui sortent en ce moment ? Est-ce qu’eux aussi sont impactés par la crise ?
Nathalie Démoulin : Nous avons trois romans qui paraissent entre mai et juin (initialement ils étaient programmés entre avril et mai) : Rendez-vous à Gibraltar de Peter May, Des lendemains qui hantent d’Alain Van Der Eecken, Le Code et la Diva de Christian Grenier. S’y ajoutent deux publications en format poche : Rade amère de Ronan Gouézec et L’Affaire du cuisinier chinois de Pascal Vatinel. Les offices sont modestes mais les réassorts soutenus et nous avons déjà dû réimprimer les romans de Peter May et de Christian Grenier. Notre problème actuel est d’éviter la rupture de stock car nous avons fait des tirages prudents qui s’avèrent insuffisants. Le public est au rendez-vous en librairie, particulièrement dans les librairies de premier et de deuxième niveaux qui sont notre écosystème.

Bepolar : Un petit mot de la rentrée à venir. Quelles seront vos publications polar ?
Nathalie Démoulin : Nous avons deux superbes textes à la rentrée. Tout d’abord le nouveau roman, très attendu, de Colin Niel. Entre fauves répond pleinement à toutes les attentes que peut susciter un auteur qui fait désormais partie des grandes voix de la littérature noire d’aujourd’hui. Entre France et Namibie, c’est un thriller sur le thème de la chasse. Colin Niel s’y confirme comme un de ces auteurs qui savent non seulement construire une intrigue redoutable mais faire vivre des personnages absolument inoubliables. Il sera en librairie le 2 septembre et Colin Niel sera présent dans de nombreux festivals, de nombreuses librairies cet automne à la rencontre de ses lecteurs.
Et puis nous avons un premier roman étourdissant de maîtrise de Frédéric L’Homme, qui a travaillé dans le cinéma avant de devenir scénariste de bandes dessinées et nous donne là ce qui devrait être le premier volume d’une série. Les Boiteux se passe en France, dans les années 1980, dans une réalité qui s’écarte légèrement de celle que nous connaissons. Les boiteux sont les hommes de la police de sûreté et de surveillance dont l’action, centrée sur la lutte antiterroriste, échappe au contrôle des juges. On va suivre une jeune inspectrice rompue aux missions d’infiltration, Louise, chargée d’enquêter sur une série de meurtres et de surveiller un vieux flic. C’est un roman qu’on ne peut pas lâcher, d’une précision melvillienne, remarquablement écrit et construit. Un auteur à suivre dans les années qui viennent, sans aucun doute ! En librairie le 7 octobre.