Bepolar : D’abord comment avez-vous vécu cette période de confinement en tant qu’éditrice ? Est-ce que beaucoup de titres ont dû être décalés ? Quel a été l’impact sur la maison ?
Anne-Marie Metailie : A partir du 16 mars toute l’équipe est passée en télétravail, sans trop de difficultés et avec des réunions vidéos assez efficaces sur le moral et le travail. Nous avons continué à préparer les livres de la Rentrée et les modifications du programme. Ce sont les personnes qui s’occupent des relations extérieures de la maison qui ont eu le plus de difficultés avec la fermeture des librairies et l’absence des journaux. Nous avons maintenu notre présence sur les réseaux sociaux.
Il a fallu revoir le programme d’Avril et Mai, tout décaler soit vers l’automne et 2021, soit vers Juin où ne publions rien d’habitude.

Bepolar : Les livres de janvier et de février ont vu leur vie en librairie s’arrêter brutalement. Est-ce que vous pouvez nous parler de ces titres ?  
Anne-Marie Metailie : Les livres de janvier, février et surtout Mars, étaient destinés à sombrer dans l’oubli mais c’était sans compter sur les libraires qui dès la création des drives et la réouverture ont relancé les ventes d’Indridason, Les fantômes de Reykjavik et de Hannelore Cayre Richesse oblige, ainsi que, de façon étonnante, de textes moins grand public qui avaient eu de la presse en janvier et février. Ce sont surtout les textes de fin février et Mars qui ont souffert et qu’il sera difficile de remettre en évidence, comme Retour à Ithaque de Leonardo Padura et Dérive des ames et des continents de Shubangui Swarup, un extraordinaire premier roman cosmique indien, que certains libraires ont lu et aimé ainsi que le polar nigerian de Léyé Adenlé Feu contre feu. Pour l’instant les librairies ne les ont pas retournés, peut-être auront-ils leur chance.

Bepolar : Quels sont les livres qui sortent en ce moment ? Est-ce que eux aussi sont impactés par la crise ?
Anne-Marie Metailie : Les livres qui sortent actuellement ont été travaillés par les équipes commerciales à distance, les mises en place sont modestes, alors que je crois que ce sont des romans noirs exceptionnels. Pour l’Islande, Lilja Sigurdardottir, Trahison, dont l’héroïne entre en politique, avec de grandes illusions et beaucoup d’énergie mais, parce qu’elle est une femme, se heurte à la haine des réseaux sociaux et à la cruauté des hommes jaloux de leurs prérogatives. Une héroïne à la Borgen. Et le dernier roman noir de l’Ecossais, Chris Broomyre, Les ombres de la Toile écrit par un orfèvre du twist et des rebondissements, et un constructeur de personnages fabuleux qui mériterait de trouver en France autant de lecteurs qu’au Royaume Uni (60.000 ex) !

Bepolar : Un petit mot de la rentrée à venir. Quelles seront vos publications ?
Anne-Marie Metailie : En Août nous publions un premier roman tardif Patagonie, route 203 de Eduardo Varela, un road trip ébouriffant, à travers une Patagonie peuplée de personnages extravagants à la logique surprenante dans une géographie dévorante balayée par des vents de folie. Ce roman a reçu le prestigieux Prix Casa de las Américas en 2019. Puis le brésilien Samir Machado de Machado, Tupinilandia, un parc d’attraction au cœur de l’Amazonie, perdu puis retrouvé, de l’aventure au service de la littérature. Entre Orwell et Jurassic Park, un blockbuster littéraire. Et en septembre le deuxième roman attendu de Fiston Mwanza Mujila, La Danse du Vilain. On s’encanaille ! Une exploration de la débrouille, entre trafic de pierres précieuses et boites de nuits frénétiques à la frontière du Zaire au bord de l’explosion et toute la vitalité et le charme de la langue inimitable de l’auteur.