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L’interrogatoire de François Bugeon pour Le chant de Nausicaa, polar sensible...

Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman ? Qu’aviez-vous envie de faire ?
François Bugeon :« Le chant de Nausicaa » est né du personnage de Flavio qui existait déjà dans mon roman « Le monde entier ». J’y avais décrit un homme si heureux, si agréable, que j’avais voulu tempérer cette image trop parfaite en annonçant qu’un de ses enfants se ferait assassiner dans un vallon solitaire et froid, et que sa femme le quitterait après cela.

D’un autre côté, ce que j’essaye d’écrire, ce sont des histoires très simples qui se déroulent dans un petit village qui n’a pas de nom parce que je refuse le provincialisme facile. Il appartient à la France rurale oubliée, celle des Gilets Jaunes. Ce pourrait être n’importe quel village en France, dans les Vosges, la Lozère, le Perche ou le Berry de mon enfance. Ils se ressemblent tous un peu puisqu’on y vit à peu près de la même manière. Il n’empêche que dans ces trous paumés on vit des histoires incroyables. Mais allez savoir pourquoi, les histoires qui sont à la mode se déroulent majoritairement dans les milieux plutôt citadin, aisés financièrement et culturellement.

Et puisqu’il faut parler d’envie, mon envie serait de parler des gens de peu, des pas riches, des pas glorieux, et de secouer le lecteur avec leur humanité.

Bepolar : Cela part d’un drame, la mort de la fille du héros, pour une histoire en forme de renaissance. Pourquoi avez-vous voulu explorer cette thématique ?
François Bugeon :J’ai prévu d’écrire au moins trois histoires qui parlent de ce village anonyme et je me suis fixé comme contrainte de reprendre à chaque fois un des protagonistes du roman précédent. En ayant annoncé le drame dans mon premier roman, je n’avais donc pas à choisir le thème : je devais parler de Flavio et de la mort de son enfant. Je pouvais seulement choisir le moment : avant, pendant ou après. J’ai choisi après.

Je n’ai pas voulu parler du meurtre ni de ses circonstances ni du meurtrier. En général, on parle beaucoup des morts, des enquêtes et des deuils. C’est plein de sentiments et de suspens, c’est vendeur... Mais on ne raconte jamais trop ce qui se passe ensuite parce qu’il s’agit d’un retour à une certaine normalité qui ne fait rêver personne.

Il y avait pour moi une sorte de défi à raconter comment ce quotidien de Flavio le force à vivre avec sa tristesse jusqu’à ce qu’elle cesse d’être la maîtresse de sa vie. Un autre défi était d’éviter le côté larmoyant, le genre tragique, l’étalage des sentiments. Je voulais garder une distance par rapport aux faits, juste décrire comme ça se passe à l’intérieur quand on essaye de survivre après un drame pareil.

Bepolar : Pourriez-vous nous présenter votre héros, Flavio ?
François Bugeon :Il y a deux Flavio. Le premier est celui que j’ai décrit dans « Le monde entier » mon premier roman. C’est un bel homme, heureux, intelligent, attachant. Il a été pompier jusqu’à ce qu’un accident le cloue dans le magasin de pièces détachées de l’usine du coin

Le second Flavio, celui du « Chant de Nausicaa », a perdu sa fille de vingt ans. Il est quasi mutique. Sa femme l’a quitté et il s’est réfugié dans une ancienne remorque frigorifique au bord du trou d’eau d’une ancienne sablière. Il ne veut plus voir personne, s’efface dans une forme de suicide social, lui qui n’envisage pas le suicide physique. C’est un homme infiniment triste, perclus de douleurs, peu à peu envahi par des troubles obsessionnels compulsifs.

Ce qui relie les deux Flavio, c’est une forme d’intégrité face au destin. Une capacité à admettre les choses comme elles sont et à faire avec. Une tournure d’esprit de militaire, de pompier. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il finit par se lier à un gendarme.

Bepolar : Nausicaa est comme un fantôme, parlez-nous d’elle... Son nom bien entendu n’est pas anodin...
François Bugeon :Dans l’Odyssée, Nausicaa est la fille du roi de Phéacie qui recueille Ulysse à l’issue de son ultime naufrage et lui permet de revenir à Ithaque en intervenant auprès de son père. Beau personnage. Je pourrais dire qu’elle a quelque chose à voir avec le roman, mais il n’en est rien. C’est un hasard qui me m’a fait choisir ce prénom.

Lorsqu’elle vivait, la Nausicaa de mon roman était soucieuse des autres, athlétique comme son père l’avait été. Des enfants de Flavio, elle était celle qui était le plus proche de son père. Peut-être parce qu’elle partageait avec lui une différence essentielle.

Flavio la voit après sa mort. Mais est-ce un fantôme ? Elle peut très bien être une hallucination. Il le sait. Il accepte les deux possibilités. Il est doué pour accepter ces choses-là.

Bepolar : Flavio est broyé par la vie, par des accidents. Aviez-vous envie d’un roman presque social ?
François Bugeon :Je suis content que vous ayez perçu le côté social dans la vie de Flavio. En fait, je le mettrais plutôt dans la description de ce qui l’entoure. Mais vous avez mis le doigt dessus. On est d’abord ce que les autres nous font être, et dans les autres je mets le paysage aussi, les villes et les villages, les rivières et les trous d’eau. C’est grâce à tout cela que Flavio peut reprendre une vie.

Ce qui est social aussi, c’est la ville d’à côté, qui dépérit comme beaucoup de petites villes provinciales. Et la grosse ville qui grossit, qui bouffe tout autour d’elle.

Bepolar : Avez-vous des dédicaces prévues à la rentrée ?
François Bugeon :Je n’en ai pas assez à mon goût. Je n’en ai fait qu’une pour l’instant au Jardin Thierry librairie des Ulis où j’habite (Ulis ? Nausicaa ?). J’aime beaucoup cette librairie courageuse qui avait déjà soutenu mon premier roman. Le prochain est prévu le 5 octobre à la librairie Les beaux papiers d’Orsay qui m’a fait un bel accueil. Enfin, je serai présent au salon du livre de Vierzon qui aura lieu le 16 Novembre prochain.

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