- Réalisateur : Claude Chabrol
- Acteurs : Michel Bouquet, Stéphane Audran, François Périer
- Distributeur : Columbia Pictures
- Genre : Drame, Policier
- Nationalité : Français, Italien
- Date de sortie : 31 mars 1971
- Durée : 1h46min
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Résumé :
Charles Masson, un père de famille et chef d’entreprise, trompe sa femme Hélène avec Laura... qui est la femme de son meilleur ami François. Les deux amants se retrouvent dans un hôtel parisien, où Laura pousse Charles à des jeux pervers. Un jour, alors qu’elle lui demande de faire semblant de la tuer, il l’étrangle pour de bon. François ne tarde pas à découvrir que sa femme le trompait...
On comprend que L’étau, roman de l’écrivain anglo-libanais Edward Atiyah, ait intéressé Claude Chabrol : le récit, publié dans sa traduction française en 1963, raconte le sentiment de culpabilité éprouvé par un homme auteur d’un meurtre sur son amante, après un jeu sexuel qui a mal tourné. Une première fois adapté par le réalisateur Mikio Naruse, sous le titre L’Étranger à l’intérieur d’une femme (1966), le texte est, dans sa relecture chabrolienne, à la fois une métaphore du malaise bourgeois (une vieille affaire chez le réalisateur) et, au-delà, une réflexion métaphysique qui a une dimension véritablement kafkaïenne. Celle-ci peut se résumer en une question à la fois simple et complexe : qu’est-ce qu’un coupable ? Le principe, ici, n’est pas de découvrir l’identité du tueur, les premières minutes incriminent le héros, Charles Masson.
Non, la perturbation qui arrive très tôt suscite deux interrogations dont le film tire toute sa substance : le personnage a-t-il volontairement tué son amante ? L’enquête va-t-elle le confondre ? De la première question s’infèrent les remords du protagoniste, qui illustre, chez Chabrol, une vision de l’existence toute dostoïevskienne : la culpabilité n’est pas le fruit d’un incident, elle est immanente à la vie humaine. Reste à délimiter le périmètre d’une responsabilité individuelle qui semble d’abord réduite à la puissance du hasard : le personnage n’a pas voulu son crime, le jeu a simplement mal tourné.
Et puis, l’affaire se corse, la réminiscence des faits acquiert une opacité redoutable, qui densifie les doutes de Masson, tandis que la deuxième question - celle de l’enquête - ne sera jamais un problème, ce qui profile peut-être le pire des châtiments : hors de toute perspective de peine, l’homme se retrouve avec la responsabilité d’un drame à assumer, d’autant plus insupportable que le protagoniste est un kantien qui vit la nécessité de l’impératif catégorique, quand son milieu bourgeois ne résonne qu’en terme de stratégies individuelles (en premier lieu, sa femme).
Porté par un formidable trio d’acteurs - Bouquet, Périer, Audran -, Juste avant la nuit est un grand polar, à la lisière du fantastique, qu’on aurait tort de réduire à sa seule dimension anti-bourgeoise. L’homme simenonien de ce long métrage achoppe sur des hésitations angoissantes qui ont une dimension universelle.
Jérémy Gallet