- Acteurs : Manolo Cardona, Carolina Miranda, Gines Garcia Millan, Claudia Ramirez
Outrancière et cependant addictive, la série mexicaine "Qui a tué Sara ?" navigue entre polar et telenovela. Une deuxième saison est attendue en mai sur Netflix.
Voilà une série mexicaine en forme de « whodunnit », d’énigme et de complot criminel qui n’est pas sans rappeler, en forçant un peu le trait, un dispositif à la « Cluedo ». Dix-huit années se sont écoulées depuis la mort, en apparence accidentelle mais en réalité délibérée, de Sara. Alors qu’elle se trouvait suspendue dans les airs en parachute ascensionnel, la jeune femme chute mortellement dans l’eau après qu’une lanière endommagée se soit rompue. Accusé à tort de son meurtre, son frère Alex doit purger une peine de 18 ans. À sa sortie, il n’a qu’un seul désir : se venger de la famille Lazcano, dynastie de mafieux l’ayant fait passer pour coupable afin de préserver sa renommée. Chacun des dix épisodes rebat les cartes quant au véritable coupable du crime, à la manière des séries "The Killing" ou encore "Bron". Tous à double-fond, les personnages cachent quelque chose dans leur intimité ou dans leur vie passée susceptible d’avoir une influence sur la résolution de l’investigation d’Alex, devenu détective malgré lui au sortir de sa cellule. Mais les choses se révèlent plus complexes et tortueuses : il convient de déjouer les masques que porte chacun pour avancer vers la vérité.
La recette proposée par "Qui a tué Sara" n’est pas nouvelle et ne le prétend en aucun cas. Le dispositif s’imbrique autour d’un présent entrelacé de flash-back venant étayer ou infirmer une hypothèse. Pas complètement banale même si largement sujette aux stéréotypes (représentations physiques un brin caricaturales, même si très loin en la matière par exemple de "Sky Rojo") et aux effets déjà vus (mise en scène, réalisation…), la série dresse un portrait plutôt ample et plus touffu qu’attendu des différents personnages (frères à la Caïn et Abel, parrain (César) en forme de grand méchant loup, petite sœur charmeuse et insidieuse…). D’un épisode à l’autre, les vrais rebondissements ne sont pas rares et rebattent les cartes avec un certain brio. Le personnage central, Alex, donne parfois le sentiment d’avoir à faire au Elliott de Mr. Robot tant il fait montre d’aptitudes inattendues (notamment informatiques) pour mettre en évidence le complot l’ayant mis hors jeu. Un bémol cependant qui rejoint celui inhérent à l’artificialité générale du programme : le fait que "Qui a tué Sara ?" rallonge un peu trop arbitrairement le déroulé de l’intrigue – une deuxième saison est déjà prévue en mai, ceci explique cela.
Pourtant, même avec ses histoires à rallonge et son côté racoleur où l’on ne sait délier le polar de la telenovela (déballages familiaux et sentimentalité poussés à l’extrême), "Qui a tué Sara ?" réussit étrangement à garder son spectateur captif. Eh non, malgré son mauvais goût et sa dimension hautement baroque, on ne se lasse pas vraiment et c’est plutôt une bonne chose. L’outrance devient alors le moteur de la série, rajoutant à chaque épisode une couche supplémentaire de bassesse et d’infamie par-dessus l’ignominie initialement présentée sans détour de César et ses sbires. Mais que fait donc la police ? Encore un peu et tout ce canevas d’invraisemblances nous ramènerait à l’âge d’or de l’extravagance, aux films nineties où l’improbable demeurait la norme. Reste un point qui ancre bel et bien "Qui a tué Sara ?" dans notre époque : en creux, son militantisme bienvenu pour l’homosexualité, qui met en évidence les nombreux préjugés encore prégnants au sein de la société mexicaine traditionnelle. Gageons que la saison 2 de "Qui a tué Sara ?" se montrera plus prolixe quant à l’identité du tueur…