- R�alisateur : Alfred Hitchcock
- Auteurs : Agatha Christie, Daphné Du Maurier, Ken Follett, Dorothy Leigh Sayers, Robert Louis Stevenson
- Editeur : Le Livre de Poche
On continue notre voyage dans temps pour se pencher sur une autre figure clé du polar, la britannique Daphné du Maurier. Héritière de Jane Austen, on lui prête un grand rôle dans de ce qui est parfois appelé « le roman psychologique féminin ». Non sans un soupçon de dédain, la plupart du temps… A tort !
1936. Alors que les femmes sont encore largement cantonnées à un rôle de faire-valoir dans la vie de tous les jours, des auteures de polar connaissent déjà un grand succès. On pense notamment à Agatha Christie ou Dorothy L. Sayers que vous connaissez bien désormais. C’est pourtant un tout autre chemin que le roman à énigmes que va ouvrir du Maurier, l’une des plus talentueuses conteuses de son temps, celui de l’exploration subtile de la psyché, notamment (et pas seulement) féminine.
De lointaine ascendance française (comme l’indique son nom, mais pas son prénom, francisé dans les éditions francophones mais qui devrait s’écrire sans accent !) du Maurier est fortement influencée par son lieu de naissance, les Cornouailles, cette pointe sud-ouest de l’Angleterre qui se revendique comme l’une des six nations celtiques. Cette région autrefois mystérieuse, désormais très touristique, imprègne un grand nombre de ses romans.
Évoluant dans un environnement familial artistique et lettré (des parents acteurs, un grand-père écrivain ami d’Henry James), elle n’hésitera pas à prendre précocement la plume et sera publiée à tout juste 24 ans avec L’Amour dans l’âme (1931). Sa première excursion dans le polar date de 1936 avec L’Auberge de la Jamaïque (Jamaica Inn en VO, le titre francophone connut quelques péripéties, le film adapté par Hitchcock étant traduit La Taverne de la Jamaïque), comparé par la critique aux œuvres de Robert Louis Stevenson et qui connut un succès retentissant. Ce roman d’aventures mâtiné d’enquête et son adaptation vont désormais assurer à l’auteur une attention constante.
Mais c’est indéniablement avec Rebecca publié en 1938, qu’elle apporte un écot majeur au polar. Roman amoral, incandescent, il narre les aventures d’une jeune femme qui épouse un homme bien plus vieux qu’elle, récemment veuf, qui l’emmène dans son domaine de Manderley (on notera la proximité phonétique avec le Pemberley d’Austen), demeure qui semble comme hantée par l’ancienne maîtresse de maison. La tension psychologique, le doute, la violence sous-jacente habitent en permanence cette œuvre intemporelle, désormais considérée l’un des classiques de la littérature mondiale et l’un des meilleurs polars de tous les temps (classé n°6 par la Crime’s Writers Association). On y trouve les influences évidentes de Jane Austen ou de Charlotte Brontë, figures tutélaires des lettres britanniques.
Viendront ensuite d’autres œuvres explorant les arcanes du mal, empreintes de symbolisme et de fantastique, comme Ma cousine Rachel (1951), souvent sous-estimé mais diablement manipulateur, ou Le Bouc-émissaire (1957) qui interrogent l’identité, la confiance, où les liens et la passion sont toujours faits d’ombre et de lumière… Tous ces livres ont été plusieurs fois adaptés tout comme sa fameuse et terrifiante nouvelle, Les Oiseaux (1952), parabole de la guerre et de l’effroi qu’elle suscite.
Admirée et plusieurs fois adaptée par le maître du suspense au cinéma, le grand Alfred Hitchcock, du Maurier a également eu une empreinte durable et pérenne sur les auteurs de polar, comme par exemple Ken Follett qui lui rendit hommage dans son thriller Le Code Rebecca. Pas de doute, du Maurier peut revendiquer sans rougir son titre de « reine du suspense psychologique ».