- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : Alex Frost, John Robinson (IV), Elias McConnell
- Distributeur : MK2 Diffusion
- Genre : Drame
- Nationalité : Américaine
- Date de sortie : 22 octobre 2003
- Durée : 1h21min
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Résumé :
En ce jour d’automne, les lycéens, comme à leur habitude, partagent leur temps entre cours, football, photographie, potins, etc. Pour chacun des élèves, le lycée représente une expérience différente, enrichissante ou amicale pour les uns, traumatisante, solitaire ou difficile pour les autres. Cette journée semble ordinaire, et pourtant le drame couve...
Il faudrait définir Elephant, Palme d’or du Festival de Cannes 2003, par ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire la mise en images ostentatoire d’un drame terrible, la spectacularisation d’un fait divers meurtrier. Tout annonce la tragédie, mais Gus Van Sant donne au malaise qui précède les dimensions d’une géométrie implacable, dont le cercle est la figure récurrente : les élèves du lycée ne cessent de tourner en rond dans des couloirs interminables, la caméra dilate la profondeur de champ jusqu’à l’anxiété, parcourt un espace suffisamment grand pour créer une attente fébrile, la musique de Beethoven devient elle-même une boucle dont l’évidence émerge par-delà les notes.
Dans le cerveau des tueurs
Les plans séquences, qui seuls sont capables d’étirer le moment comme un immense point d’interrogation, disséminent les indices en même temps que se juxtaposent les focalisations, avec des effets de reprise. Ce que ce dispositif implacable donne à voir, c’est la représentation symbolique d’une pensée prisonnière, ressassant l’obsession avant l’acte, la mise en scène calquant son mouvement sur celui des tueurs, le spectateur se trouvant formellement projeté dans le cerveau des deux adolescents, avant que ceux-ci ne prolongent, par les gestes, tout en continuant de tourner, leurs macabres intentions.
A travers Shining, Kubrick avait déjà matérialisé la toponymie mentale de la psychopathie, organisant l’égarement des personnages dans deux labyrinthes implacables, d’abord les couloirs de l’Overlook Hotel où chemine le petit Danny sur sa voiture à roulettes, puis le vrai dédale où se pétrifie la pulsion ardente et meurtrière de Jack.
Abstraction effrayante
Van Sant prolonge en quelque sorte l’idée, s’appuie sur cette évocation abstraite d’un cerveau devenu fou, en l’incarnant par une géographie où abondent les lignes de fuite. Chacun des personnages semble ricocher entre les murs d’un lycée dont personne ne sortira, en même temps que foisonnent les hypothèses à l’origine du drame, sans que le réalisateur n’en privilégie aucune.
Thriller abstrait, tiré d’une réalité factuellement effroyable, Elephant est la vertigineuse mise en abyme d’un fatum, à la fois irrigué par mille causes, tout en suscitant, de bout en bout, la sensation d’une insupportable absurdité.