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Petite histoire du polar, épisode 3 - Les trois grandes dames du crime

1926. Coup de tonnerre dans le monde ce qui n’est pas encore le polar ! Six ans après sa première œuvre publiée (La mystérieuse affaire de Styles), la « Duchesse de la mort », alias Mary Westmacott, plus connue sous le nom d’Agatha Christie connait son premier succès d’ampleur avec le génial Meurtre de Roger Ackroyd, première incursion dans une exploration quasi-systématique des possibilités du roman policier.

On connaît Christie pour ses personnages iconiques (Poirot, Marple), ses whodunit insolubles, pour ses ventes qui en font, selon plusieurs sources, l’un des écrivains anglophones les plus lus au monde (après Shakespeare), pour ses adaptations, sa fameuse et mystérieuse disparition, mais on oublie souvent qu’elle a construit une œuvre complète, complexe, où presque rien n’aura été épargné à ses personnages, ses lecteurs, mais aussi ceux qui veulent lire entre les lignes de cette architecte et archéologue du crime.

Son œuvre totale, fondatrice, ouvre et clos (partiellement) le champ des possibles. Ses écrits fraient le chemin du roman policier vers la littérature policière autant que vers le roman de gare, au plaisir de lecture tout comme à l’exigence scénaristique. Le polar connait son premier souverain, et c’est une reine qui a pris le pouvoir.

On pense un peu moins à Daphné du Maurier quand il s’agit d’évoquer les figures tutélaires du polar. Et pourtant… Peut-être parce que ses romans les plus connus, L’Auberge de la Jamaïque (1936) Rebecca (1938) ou Ma cousine Rachel (1951) ont été également associés au roman d’aventure, à la littérature ou au roman gothique. C’est pourtant l’une des figures de proue du suspense psychologique, explorant les arcanes de l’âme criminelle, empreinte de symbolisme et de fantastique, entretenant des liens longtemps soutenus avec des genres cousins.
C’est le grand cinéaste britannique Alfred Hitchcock qui donna une notoriété encore plus importante à celle qui devint dame commandant de l’Empire britannique (sans jamais utiliser son titre), éclipsant partiellement son œuvre, avec laquelle il prit de nombreuses libertés.

Tantôt admirée des Britanniques, qui voit en elle une héritière des sœurs Brontë et de Jane Austen, tantôt méprisée par les critiques pour ses romans parfois qualifiés d’eau de rose, elle est récemment revenue sur le devant de la scène littéraire francophone grâce à... Tatiana de Rosnay qui lui a consacré une enquête biographique, Manderley for ever, à l’impressionnant succès public.

Patricia Highsmith], ou l’envol du polar psychologique. Nominée mais jamais lauréate aux « Edgars », elle ne fut pas non plus la première femme lauréate du Grand Prix de Littérature policière (devancée par Martha Albrand et Patricia McGerr pour les romans étrangers et Odette Sorensen et Germaine Decrest pour les romans français), mais Patricia Highsmith possède pourtant une place à part dans le panthéon du polar.
Et pourtant elle-même ne revendiquait pas une appétence particulière pour ce genre, apportant le rythme et la modernité du thriller dans une trame de suspense psychologique. Son ami l’écrivain Graham Greene qualifiait assez justement son univers littéraire : « Elle a créé un monde original, un monde clos, irrationnel, oppressant où nous ne pénétrons qu’avec un sentiment personnel de danger et presque malgré nous. Car nous allons au-devant d’un plaisir mêlé d’effroi. »

C’est cette dimension effrayante, oppressante, l’irruption de la trivialité et de l’horreur ordinaire qui fascineront de nombreux réalisateurs : L’inconnu du Nord-Express (1950), Carol (1952), Mr Ripley (1955), Eaux Profondes (1957), Le Cri du hibou (1962) ou Les deux visages de Janvier (1964) seront notamment adaptés, occultant ici encore partiellement les œuvres originales.

Ouverture à l’altérité, complexité et minutie apportée à la trame psychologique des personnages sont les apports de ces trois grandes dames du polar, qui vont par leurs œuvres et les adaptations cinématographiques qu’elles vont générer ouvrir le polar à d’autres horizons.
Et générer de nombreuses vocations : même s’il serait limitatif de les contraindre à leurs successeurs féminines et à la finesse psychologique de leurs personnages, des écrivains comme PD James (1962), Ruth Rendell (1964), Mary Higgins Clark (1975), Patricia McDonald (1981), Elizabeth George (1988), Lisa Gardner (1998), Gillian Flynn (2007), Camilla Läckberg (2008), sont à certains égards des héritières de ces trois pionnières.

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