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Petite histoire du polar, épisode 4 - Le hard-boiled américain : Hammett, le père fondateur

Retour aux États-Unis. Si les origines du polar semblent se jouer entre trois pays, l’Angleterre, la France et les États-Unis, il faut sur ce sujet (comme pour d’autres) se méfier des simplifications : de grands écrivains sont originaires d’autres nations, et le critère de la nationalité n’est pas souvent opportun pour expliquer la spécificité et le talent des auteurs, le pouvoir « culturel  » et la taille du « marché national » étant des critères, parmi d’autres, non négligeables de succès.

« hard-boiled » est utilisée initialement pour qualifier des œufs durs

Néanmoins, on peut dire que des époques et des pays cristallisent et façonnent l’histoire, culturelle et artistique, au point de devenir des archétypes universels. C’est le cas du hard-boiled américain. L’expression «  hard-boiled » est utilisée initialement pour qualifier des œufs durs, et dont le sens, associé au polar, peut se rapprocher de l’expression francophone « dur à cuire ». C’est une forme de roman noir spécifique devenue symbolique d’une époque, une façon de voir et d’analyser le monde.

Schématiquement, le roman noir se distingue du roman policier de fiction par une recherche plus approfondie de la réalité objective, c’est un héritier (notamment) du roman social des Balzac et Zola, qui cherche le romanesque dans le quotidien et semble avoir des ambitions analytiques et philosophiques. Ça c’est pour la théorie. Dans la pratique, le hard-boiled répond aux problématiques d’une époque et ouvre d’autres horizons au polar.

Machine à voyager dans le temps, retour dans les années 20 : après l’euphorie économique et intellectuelle post-Guerre de Sécession, l’Amérique triomphante devient la première puissance mondiale peu avant la Première Guerre mondiale, qui ne fera que conforter cette tendance. C’est pourtant ce conflit qui fait perdre quelques illusions et la foi envers le genre humain à quelques esprits avisés, qui pressentent peut-être la crise économique et morale de 1929.

Coup sur coup, trois œuvres emblématiques

Parmi eux, quelques auteurs américains dont ceux de la « Génération Perdue » (Fitzgerald, Hemingway, ou Steinbeck, parmi d’autres)… mais aussi un maître méconnu de la littérature, qui fraie un nouveau chemin pour le polar, Dashiell Hammett. Vous connaissez peut-être son nom, mais son influence et son importance littéraire sont encore largement méconnues.

1928, Moisson rouge, 1929, Le Faucon maltais, 1931, La Clé de verre : coup sur coup, trois œuvres emblématiques, des romans marquants qui vont influencer notamment des géants comme Simenon Kurosawa ou Hemingway. Et bien d’autres. Hammett, c’est une écriture limpide et une ambiance brumeuse, un désabusement qui confine au cynisme et la naissance d’une nouvelle échelle morale, des intrigues et des personnages familiers, et pourtant novateurs.

Ecriture sèche, visuelle (lui aussi sera de nombreuses fois adapté), morale incertaine, enquêteur à la vie personnelle instable, blessé et blasé par la vie… Ce qui pourrait désormais nous sembler du ressort du cliché est chez Hammett d’une incroyable audace ; la violence, la corruption, le désir, l’injustice y sont décrits de manière vraie et sincère. Peut-être parce que cela fait écho à la vie mouvementée d’Hammett ?

Deux voies pour le polar, absolument pas incompatibles.

Issu d’une famille pauvre, fils d’un escroc devenu juge, le jeune Dashiel quitte le foyer paternel dès 14 ans pour vivre une vie de bohème. Passé par de nombreux petits boulots qui donneront une profondeur inédite à certains de ses portraits, il devient détective de la célèbre agence Pinkerton et côtoie corruption, affaires sordides et sensationnelles. Il démissionnera quand l’agence commencera à s’engager pour briser les grèves. Scénariste à Hollywood, liaison passionnée avec une femme d’exception, accusation de communisme dans l’Amérique maccarthyste, problèmes d’alcools, sa vie s’écrira comme un roman.

Hammett, c’est la photographie de l’empire américain qui doute de sa moralité, tout comme Agatha Christie est l’archétype de l’Empire britannique à son apogée. Deux maîtres du polar, contemporains, deux visions que l’on qualifierait à tort de progressiste et de conservateur, car tissées de subtiles variations. Deux voies pour le polar, absolument pas incompatibles.

Et le début d’une filiation riche, aux multiples trames.

Voir aussi : L’agence Pinkerton, les détectives privés qui ont changé le visage de l’Amérique

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