- Acteurs : Laura Linney, Jason Bateman, Julia Garner, Sofia Hublitz, Skylar Gaertner
- Séries : Ozark
Les Byrde arriveront-ils à sauver leur famille ?
Sans parvenir à réitérer ou renouveler totalement le suspense de ses deux premières saisons, "Ozark" retrouve un vrai souffle avec ce chapitre 4. Une nouvelle impulsion qui prend racine en dézinguant et déstructurant un peu plus encore les fondements de la famille américaine…
À la fois drame familial et série de mafia teintée de thriller haute tension sur les deux premières saisons, "Ozark" avait pris une trajectoire plus convenue dans son troisième chapitre. En dépit d’un casting toujours aussi efficace (Jason Bateman, mais surtout Laura Linney et Julia Garner en tête), les péripéties avaient fini par s’étioler. En lieu et place du mystère implacable, la série avait laissé place à un affrontement de protagonistes trop résolument shakespeariens. Un tableau qui semblait parfois à la limite de la caricature ou du trop-plein. Forces de l’ordre, puissants sans foi ni loi, avocate corrompue… l’échiquier menaçait de ployer sous les excès et rebondissements. Ce fut chose faite dans un final sanglant somme toute assez bancal et poseur. Pour donner un nouveau souffle à la série, ses scénaristes Bill Dubuque et Mark Williams optent donc cette fois pour une épure salutaire. L’angoisse ne découle plus des périls extérieurs mais plus ou moins strictement des relations intrafamiliales.
Les enjeux s’avèrent certes toujours aussi excessifs : prise au piège, une famille bourgeoise américaine se retrouve malgré elle au service d’un cartel de la drogue, prise entre les règlements de compte de la pègre et les dangereux calculs du FBI. Pour faire fructifier le business de leurs patrons narcotrafiquants et ainsi espérer survivre, Marty et Wendy Byrde multiplient les sacerdoces. Gestion de casino, mise en œuvre d’un système complexe de blanchiment d’argent, recherches de soutiens politiques, négociations auprès du FBI pour réhabiliter un baron de la pègre… leur quotidien diabolique ressemble à celui de Sisyphe ou Tantale. Seulement, l’intrigue résolument policière et stratégique passe ici finalement au second plan. Le couperet infernal menace toujours de s’abattre sur les Byrde, leurs hégémonie et fragile survivance. Mais l’important s’inscrit ailleurs et avant tout à travers les arcanes pourrissantes de la famille Byrde. Devenue une sorte de monstre incapable de distinguer le Bien du Mal, Wendy ne tente plus vraiment de garder sauves les apparences. Sa relation conflictuelle avec ses enfants, et en premier lieu avec son fils Jonah, apparaît comme le symbole le plus prégnant de ce renversement.
Impitoyable, féroce et effroyablement talentueuse, Wendy échappe à sa conscience morale en allant toujours plus loin dans le cynisme. Responsable du décès d’un proche, le personnage reporte son propre délit et sa culpabilité en écrasant les autres. La regarder, elle comme son époux, feindre de perpétuer une relation familiale (mère-fils, ou mère-fille, ou encore entre époux), avec ce que cela implique de discussions ou de leçons de morale asymétriques, s’avère jouissif. Jubilatoire car hypocrite au plus haut point. Prête à tout décimer sur son passage, Wendy ne recherche plus la survie mais le pouvoir absolu et sans concession. Quitte en chemin à trahir ou entredéchirer les siens. Trop longtemps résignée et réduite au seul rang de mère et d’épouse, la protagoniste rebat les cartes et édicte ses règles. Par-delà toute morale, le dispositif illustre ainsi la trajectoire d’un être qui, enfin, se réalise de lui-même, prend son indépendance et se libère. Comme si Skyler de "Breaking Bad" vrillait brusquement comme son époux Walter White. Cette dynamique paradoxalement féministe émerge de la même manière avec de nombreux personnages féminins de premier plan dans cette saison 4 : Ruth, Darlene, Maya, et dans une moindre mesure Charlotte. Reste que la quête de pouvoir de Wendy dérègle en chemin les comportements des siens – à commencer par Jonah. Ce qui distille scénaristiquement des ambiguïtés salvatrices.
Toujours aussi politique à sa façon, "Ozark" n’en oublie pas du reste de déconstruire un peu plus l’Amérique contemporaine et ses contradictions inextricables. Sans retrouver l’ampleur des premières péripéties de la famille Byrde, cette première partie de saison 4 échappe en tout cas avec un certain brio aux mécanismes trop figés de la saison 3. Sans relief mais précises, la mise en scène et la réalisation fonctionnent quant à elles également plutôt agréablement. À savoir ce que le final de la saison réserve cette fois au spectateur.
Et pour aller plus loin, Netflix vient de dévoiler la bande-annonce de la 2nde partie de cette 4ème saison, qui devrait être disponible le 29 avril prochain sur la plateforme.