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Les violents de l’automne - Philippe Georget

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Résumé :

À Perpignan, l’automne est une saison tumultueuse. Le vent violent le dispute à la pluie diluvienne. Un temps à ne pas mettre un flic dehors. Pourtant un retraité pied-noir est retrouvé dans son appartement, assassiné d’une balle dans la tête. Le sigle OAS laissé près du cadavre, la destruction quelques jours plus tard d’une stèle controversée et la découverte d’un autre ancien Français d’Algérie abattu au volant de sa voiture sèment la panique dans la communauté. Le lieutenant Sebag, qui a par ailleurs promis à sa fille de faire toute la lumière sur l’accident mortel survenu à un de ses amis, est officiellement chargé de l’enquête. Flic réputé et intuitif, il va, en traquant le tueur avec son équipe, faire ressurgir du passé un mystérieux commando ayant sévi, il y a bien longtemps, du côté d’Alger. C’est dans ce contexte que les derniers mois de poudre et de sang de la guerre d’Algérie, ses horreurs, ses espoirs, ses trahisons et ses errances vont remonter à la surface jusqu’à la nausée. Cinquante ans plus tard, il est temps de régler l’addition.

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  • universpolars 18 septembre 2024
    Les violents de l’automne - Philippe Georget

    Une étonnante sensation me gagne au terme de cette lecture. Une sorte de bouleversement, de chamboulement dans les tripes, un désordre dérangeant et douloureux. La cause de ce séisme intérieur est tout ce qu’il y a de plus clair ; Philippe Georget, dans ce roman chargé d’amertume mélangé à une bonne part de vengeance, réveille un bout de l’Histoire, une période que beaucoup de personnes auraient souhaité enterrer à jamais.

    Mais voilà, on ne peut pas enfouir une telle honte sous un tas de feuilles mortes, car le vent emportant la souffrance et l’incompréhension du passé sera toujours là pour déblayer cette couverture totalement inutile et illusoire.

    En parlant de vent justement, Philippe Georget nous en envoie quelques bonnes rafales au visage, celles de la Tramontane. Nous sommes à Perpignan, Pyrénées-Orientales, dans la région du Languedoc-Roussillon. Le mois d’octobre déploie toute sa force de persuasion pour déranger et réveiller quelques éléments naturels propres à cette saison d’automne ; des pluies incessantes et un vent à décorner les boeufs ; peut-être même ici un vent provenant du passé à achever les vieux, vous comprendrez...

    Le lieutenant Gilles Sebag revient juste de vacances et se retrouve déjà rapidement confronter à la réalité de son métier. Une personne âgée a été retrouvée morte dans son appartement du quartier Moulin-à-Vent, mains menottées dans le dos, une balle dans la nuque. Sur la porte du salon sont grossièrement écrites ces quelques lettres, OAS.

    Le commissaire Castello et son équipe de la police de Perpignan sont évidemment chargées de cette affaire qui prend rapidement une tournure sensible. Ce sigle inscrit par l’auteur du meurtre sur la porte du salon de la victime les renvoie irrémédiablement vers une période trouble, douloureuse et dérangeante du passé, celle de la guerre d’Algérie. Quel est le lien entre cet assassinat et cette guerre datant de 50 ans ? OAS, trois lettres très révélatrices oui, mais comment les intégrer dans cet évènement troublant ?

    Lorsqu’un second vieillard sera retrouvé quelques jours plus tard, assassiné dans sa voiture, avec le sigle OAS inscrit sur le plafond de son véhicule, la pression va monter d’un cran dans les rangs de la police de Perpignan, mais également dans les associations de Pieds-Noirs de la région, soit ces français d’Algérie qui ont été contraints d’abandonner leur terre natale pour "revenir" en France. La presse s’empare évidemment de ces cas d’homicides et Perpignan devient le théâtre d’une incompréhension totale suivi de sentiments bien partagés.

    Pour le lieutenant Gilles Sebag et ses hommes (et une femme), il s’agira d’oeuvrer avec des pincettes mais également avec une forte détermination pour éviter que cette situation déjà bien fumante s’enflamme et détruise tout sur son passage. La guerre d’Algérie, dans le coeur, dans l’âme et dans la conscience de certaines personnes, est loin d’être finie et la douleur demeure intacte.

    Vous aurez l’occasion de suivre dans ce roman une enquête se déroulant tout en finesse, avec une certaine lenteur, un rythme totalement contrôlée ; une intrigue prenante, déconcertante, exposée aux lectrices et aux lecteurs avec une grande intelligence. Philippe Georget, par les propos et les ressentiments de ses personnages - beaucoup de rancune !-, nous plonge intégralement dans la partie la plus abjecte de la guerre d’Algérie, celle qui opposa membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), ses commandos, le Front de libération nationale (FLN), barbouzes, armée française et j’en passe.

    Une guerre qui était censée défendre une cause, un territoire, des origines, mais qui prit une tournure anarchique - si j’ose me permettre - et qui devint du n’importe quoi. Philippe Georget, avec son écriture sensible, fine et sans aucune retenue, donne la parole à celle et ceux qui ont été bafoués par ce passé pas si simple, et cela nous permet d’avoir une approche très intime, très personnelle de cette sale guerre, ses conséquences mais aussi ses nombreux amalgames. L’auteur donne généreusement la parole aux Pieds-Noirs, ces français d’Algérie qui ont été chassés de chez eux et qui sont désormais souvent considérés comme des criminels.

    Pour beaucoup de monde encore aujourd’hui, Pieds-Noirs = OAS et OAS = tueurs d’arabes, tueurs d’enfants, de femmes et de gens sans défense, tueurs finalement de tout ceux qui ont contribué à favoriser l’indépendance de l’Algérie. Philippe Georget, toujours par la voix ferme et profonde de ses personnages forts et attachants, nous explique ce que peut être la perte d’une identité, la perte de ses origines ou de ses repères, voir peut-être la perte de son âme ? L’auteur, qui ne prend aucune position dans ce combat perdu, nous donne une sacré leçon d’histoire, d’une manière très poignante, percutante et saisissante.

    Nous avons l’occasion de côtoyer ses hommes et ses femmes, à présent âgés, des vieillards qui nous racontent tout, avec les tripes et avec beaucoup d’honneur, comment s’est réellement déroulé les choses. Nous comprenons et en même temps nous n’approuvons pas, ou plutôt nous ne cautionnons pas tout, mais en tout les cas on écoute et on respecte. Sentiments partagés ; paradoxal tout ceci, je sais... Quoiqu’il en soit, cela valait la peine de rester un moment en leur compagnie rien que pour humer les effluves et le parfum du couscous !

    Quelques flash-backs nous plongent dans une Algérie déchirée par la haine et la détermination des mouvements clandestins, l’incompréhension de la population et la mort de nombreux innocents qui ne savent même pas, pour certains, ce qu’il se passe vraiment. Nous sommes au début des années 1960, nous suivons un commando de l’OAS, quelques hommes qui ont décidé d’obéir à des ordres très clairs ; frapper fort, frapper juste et semer la peur et la mort partout. "L’OAS frappe quand elle veut, où elle veut." Vous l’aurez compris, l’Algérie doit rester française, et ceci par tous les moyens.

    Bien entendu, au cours de cette intrigue, les pièces de ce puzzle dévoilant une image désolante vont s’assembler petit à petit ; certains actes commis dans le passé vont ressurgir violemment et frapper dans la gueule de personnes qui, d’une certaine manière, devaient peut-être s’y attendre. Il y a certaines choses dans la vie qui ne s’oublient jamais et qui restent accrocher à nous ; une douleur permanente et irréductible.

    Une personne n’a justement rien oublié et va le démontrer.

    Philippe Georget nous livre une intrigue puissante, constante et pertinente, une enquête subtile et délicate, menée par une équipe de flics qui ne sont pas des super héros, mais des hommes et des femmes vrais et authentiques ! Le personnage principal, Gilles Sebag, est impressionnant par sa présence, son tempérament et sa personnalité. Un homme qui s’acharne au travail comme un malade, mais aussi un homme qui porte une vision très juste, bien que pessimiste, voir fataliste sur son environnement - et je sais de quoi je parle -...

    "Depuis quelques années, son travail lui était devenu pénible. La routine, la violence, le manque de reconnaissance en interne et le mépris des citoyens. Il fallait encaisser tout cela et pour quel résultat ? En s’engageant dans la police, il s’était imaginé médecin d’une société malade. Il avait mis du temps à comprendre qu’il n’était qu’un petit infirmier condamné à panser des plaies purulentes avec des pommades aux dates de péremption dépassées. La criminalité ne cesserait jamais, elle ne pouvait cesser, elle était dans la nature de l’homme. Tout juste pouvait-on espérer faire baisser un peu la fièvre. Mais on n’avait pas encore réussi à inventer un thermomètre fiable."

    Un homme que nous aurons l’occasion de suivre également dans sa vie privée, hors du boulot, avec une vie de famille pas toujours facile, une relation avec sa femme tout à fait correct mais tout de même ponctuée d’interrogations, de doutes, de petites douleurs passagères ; une relation finalement normale ! Un homme qui va également faire une promesse à sa fille, une enquête importante qui semble parallèle à la principale, mais finalement, peut-être pas...

    Une écriture habile et adroite, ponctuée d’humour et de jolis jeux de mots très raffinés sortant de la bouche du lieutenant Gilles Sebag - certains un peu nuls quand-même ! -. Une écriture maîtrisée, fluide, des dialogues franchement captivants et bien amenés. Cela va avec les personnages d’ailleurs...

    Beaucoup de valeurs sur la nature humaine sont mises à contribution dans ce roman ; on n’en ressort pas indemne, mais on assimile un peu plus les choses sur une partie de l’Histoire, sur une période qui nous a souvent été transmise d’une façon biaisée, faussée ou encore légèrement arrangée. Et pour cause... La honte n’est jamais un sentiment facile à admettre. Et cette période-là restera encore longtemps, je pense, un opprobre à la nation française. Un opprobre ? Ne cherchez pas ; un déshonneur.

    Au terme du roman, lorsque que tout est dévoilé, on ne peut s’empêcher de se dire : "cela ne pouvait pas être autrement...".

    Bonne lecture.

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