- Auteur : Olivier Bal
- Editeur : XO Éditions
Une forêt sombre et inquiétante... Bienvenu dans le nouveau polar d’Olivier Bal.
" Dans cette forêt, tu peux toujours y entrer, mais tu n’en sortiras jamais… "
Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman La Forêt des disparus ? Qu’aviez-vous envie de faire ?
Olivier Bal : Au départ, j’avais vraiment l’envie de plonger le lecteur au cœur d’une communauté isolée du monde. J’avais une idée très précise en tête, je cherchais une petite ville qui soit enchâssée entre d’un côté un océan déchaîné et, de l’autre, une forêt séculaire. Je suis donc parti en quête de cette ville. J’ai cru d’abord trouver le lieu idéal avec une ville existante : Crescent City, tout au nord de la Californie, à la frontière de l’Oregon. Mais en commençant à développer le récit, j’ai vite réalisé que j’allais me trouver un peu piégé par le besoin de coller à la réalité des lieux. Du coup, j’ai décidé d’inventer ma propre ville fictive. C’est ainsi que Redwoods est née. Derrière cette communauté, il y avait une envie, celle d’aborder un sujet qui me tient à cœur. Parler de la société de la peur et combien, chacun à notre manière, nous vivons de plus en plus terrés, enfermés sur nous-mêmes.
Bepolar : Vous nous emmenez dans les bois de Redwoods, au bord du Pacifique, dans l’Oregon. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire une histoire dans cette région ?
Olivier Bal : Je cherchais un état qui soit encore sauvage et isolé. L’Oregon coche toutes les cartes. Avec seulement 17 habitants au kilomètre carré, on peut y rouler pendant des kilomètres sans croiser âme qui vive. Et puis, il y avait cette ambiance à nulle autre pareille. Cette côte, avec ces criques escarpées, ces pythons rocheux au milieu de l’eau, ces phares comme accrochés aux falaises. Et la forêt, évidemment, immense, omniprésente. De plus, historiquement, cet état m’intéressait. Au 19ème siècle, on l’appelait Le Bout du monde, car après avoir traversé le pays d’est en ouest, les Pionniers ont mis du temps avant de conquérir ces terres sauvages, escarpées, au bout de tout. Au travers de mon récit, je voulais également revenir sur l’histoire de ces pionniers, sur cette vie d’austérité et d’espoirs déçus. Revenir enfin sur l’un des mythes fondateurs de l’Amérique, celui de la Destinée Manifeste, une idéologie selon laquelle le peuple américain avait pour « mission divine » l’expansion de la civilisation vers l’Ouest, et qui encourageait les pionniers à conquérir toujours plus, à aller de l’avant. Les ramifications de cette idéologie se retrouvent encore aujourd’hui dans l’état d’esprit américain, son impérialisme et son ultra-libéralisme. Mais cette conquête s’est faite au prix de terribles sacrifices.
Bepolar : Comment d’ailleurs le décor a-t-il influencé votre récit ?
Olivier Bal : Dans mon roman, la forêt a un rôle essentiel. Je me suis inspiré des forêts de séquoias géants du nord de la Californie et du sud de l’Oregon. Ici, tout est un spectacle naturel démesuré. Ces troncs d’arbres centenaires qui montent à plus de 80 mètres, cette végétation omniprésente, qui dévore tout, ces canyons végétaux au cœur desquels serpentent des petits ruisseaux, ces mines abandonnées… J’ai abordé la forêt comme un personnage à part entière. Redwoods, la ville où se passe l’action détient un sinistre record. De tous les États-Unis, c’est la ville avec le plus grand nombre de disparitions. Chaque année, plusieurs randonneurs disparaissent sans laisser de trace. Pour les habitants du coin, c’est un état de fait, ça a toujours été comme ça. Depuis qu’ils sont gamins, on leur chante des chansons, on leur raconte des histoires sur cette forêt qui ne laisse personne s’échapper. Du coup, elle représente pour eux autant une protection contre le monde extérieur, qu’une prison qui les enserre. Je voulais que plus on avance dans le récit, plus on ait l’impression que cette forêt resserre son emprise, nous étouffe.
Bepolar : On y suit Charlie et Paul. Comment pourriez-vous nous présenter ces deux personnages ?
Olivier Bal : A Redwoods, Paul est celui que’ l’on surnomme l’Étranger. Un type mystérieux, qui vit comme un ermite avec son chien, dans sa cabane perdue au fond des bois. Paul fait tout pour s’isoler au maximum des hommes. Il s’est ainsi convaincu qu’il en était mieux ainsi. Car, selon lui, à chaque fois, qu’il a essayé de venir en aide aux autres, de tenter de changer quelque chose, il a laissé derrière plus de blessures, de drames qu’autre chose. Bref, il vit sa petite vie, en marge, au ralenti. Jusqu’au jour où une gamine, Charlie, une jeune ado mal dans sa peau, vient frapper à sa porte pour lui demander son aide. Au départ, on croit que tout oppose Paul et Charlie. D’un côté, un cinquantenaire taciturne et râleur, de l’autre une ado au tempérament bien trempé. En réalité, une belle amitié va naître entre eux deux. Chacun va aider l’autre à sa manière. Paul va tenter de protéger Charlie, l’aider dans sa quête de vérité. Charlie, elle, aidera Paul, peut-être, à revenir parmi les vivants.
Bepolar : On a déjà croisé Paul Green dans L’Affaire Clara Miller. Quels liens avez-vous avec ce personnage ?
Olivier Bal : Palu Green est évidemment un personnage que j’aime particulièrement. Habituellement, quand je me lance dans un récit, j’aime à créer des personnages qui soient éloignés de moi. C’est une des choses qui me fascine dans l’écriture, tenter de me mettre dans la peau, de donner chair à des personnages qui sont à mille lieues de moi. Ça me stimule, car ça me force à m’interroger, à me remettre sans cesse en question. Mais Paul, lui, est un peu différent. C’est un des rares personnages qui soit indirectement inspiré de ma propre expérience. Avant de me consacrer à l’écriture, j’ai été journaliste pendant une quinzaine d’années. Et l’une de mes premières expériences, a été de travailler dans un magazine people, un tabloïd pendant deux ans. J’y ai débarqué pétri d’idéaux, de beaux principes, et j’ai vite déchanté. Chaque matin, j’allais au boulot avec la boule au ventre, je me retrouvais à faire des planques pour suivre des starlettes de la TV. Je me demandais ce que je foutais là. Plusieurs fois, j’ai failli en venir aux mains avec mon rédacteur en chef car je ne supportais pas son absence totale d’éthique, sa manière de parler aux autres journalistes, jusqu’à les humilier, le rythme de travail frénétique qu’il nous imposait… Finalement, j’ai décidé de partir. Je n’en pouvais plus. Paul, dans L’Affaire Clara Miller, c’est un peu moi si je n’avais jamais quitté ce magazine. Un type désillusionné, qui se dégoûte un peu, qui sait qu’il a raté la plupart des embranchements qui auraient pu changer sa vie. Un bonhomme qui a toujours le regard rivé sur le rétroviseur, sur ce qui aurait pu être, plutôt qu’aller de l’avant. Et quand on le retrouve dans La Forêt des disparus, il ne va pas vraiment mieux. Plus largement, ce qui me touche avec Paul, c’est ce que c’est un type déglingué, complexe. Ce n’est pas un super flic, qui a réponse à tout. Il a peur, il doute, il peut être lâche. Sa seule force, c’est qu’il ne lâche jamais, il a une pugnacité limite dangereuse. C’est peut-être pour ça que Paul touche autant les lecteurs. Parce qu’il leur parle, qu’il est proche d’eux.
Bepolar : Il y a une ambiance particulière, une tension qui s’installe et monte crescendo. Comment avez-vous travaillé l’écriture de ce roman pour nous tenir en haleine ?
Olivier Bal : J’ai vraiment abordé ce roman comme un pur thriller, je voulais vous entraîner dans une lecture addictive, oppressante, que vous ne pourriez plus lâcher. Donc, évidemment, j’ai tout fait pour créer une mécanique précise, une narration rapide, tendue. C’est vraiment, pour moi, du travail d’horlogerie. Chaque chapitre est une nouvel engrenage qui doit s’emboîter parfaitement dans le mécanisme global. Chaque mot, chaque phrase a son importance. Il faut surprendre, bousculer. Ce que j’aime aussi, c’est l’alternance de points de vue. En passant d’un personnage à l’autre, on découvre qu’il n’existe jamais qu’une seule vérité. Enfin, j’aime raconter mes romans à la première personne. Ainsi, j’ai l’impression qu’on est aux premières loges avec eux. On découvre, on a peur, on tremble, et on pleure avec eux. Car, finalement, encore plus que de bonnes mécaniques de thriller, qu’un bon sens du suspense, il n’y a pas de bon bouquin sans de bons personnages. Si on reste extérieurs aux destins des personnages, qu’on ne ressent aucune empathie pour eux, on se moque bien des divers événements qui surviennent. Bref, pour faire un bon thriller, il faut lui donner du cœur.
Bepolar : Vous situez votre action en 2011 et non en 2021. Pour quelles raisons ?
Olivier Bal : Tout d’abord parce que le roman est une suite indirecte à L’Affaire Clara Miller qui se terminait en 2006. Plus largement, j’avais envie d’un livre qui n’aborde pas de manière frontale les problème et la crise que nous vivons actuellement. Pas envie de parler des masques, de l’épidémie, des confinements… Je souhaitais offrir une parenthèse, un peu d’évasion à mes lecteurs en les emmenant loin, en Oregon, à une époque moins marquée par l’actualité. Pourtant, en creux, j’essaie de parler de certaines thématiques dans l’air du temps…
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quels sont vos projets ?
Olivier Bal : J’attaque mon prochain roman. Je suis en plein dans l’écriture. J’ai eu un énorme travail de documentation et de défrichage en amont. Car je m’attaque à un gros sujet ! Mais je ne peux en dire plus pour le moment !