- Réalisateur : Özgür Önürme
- Acteurs : Hazal Türesan, Mehmet Yılmaz Ak, Burcu Biricik
- Distributeur : Netflix
- Nationalité : Turque
- Durée : 6X45min
Cette série turque évoque, par certains aspects, le film Nikita. Au-delà d’un drame personnel, L’ombre de Fatma documente la situation d’une femme victime de la domination masculine.
Pas le temps de s’ennuyer. Au bout de cinq minutes, on dispose déjà de tous les éléments du drame : un interrogatoire de police où Fatma Yılmaz, une femme de ménage, est accusée de meurtre, et un mystérieux coup de fil, qui provient du téléphone de son mari Zafer, disparu après sa sortie de prison. Restent de mystérieuses analepses, disséminées comme des indices, qui documentent le passé de l’héroïne et celui de son futur époux. L’histoire joue sur la conjonction d’une attente fébrile et d’événements traumatiques qui remontent à l’enfance, créant rapidement une atmosphère trouble, tout en accélérant le temps lorsque les nécessités de l’histoire l’exigent. Petit à petit, les révélations s’accumulent, notamment sur l’enfant du couple...
Parallèlement, cette série est traversée par des enjeux politiques : Fatma est une femme méprisée à double titre, non seulement parce qu’elle vit les effets d’une domination sociale, mais aussi parce qu’elle est victime d’une société intrinsèquement patriarcale, qui fait litière de sa douleur. La surdité de ses différents interlocuteurs ou des réflexes de culpabilisation qui semble mû par une volonté d’assujettir cette héroïne discrète vont décupler un sentiment d’injustice, bientôt translaté en assassinats cathartiques.
Or, c’est bien parce que cette femme est invisibilisée, insoupçonnable, qu’elle va en tirer profit, dans sa quête à la recherche de celui qu’elle aime. Le premier meurtre qu’elle commet s’incarne dans une scène réussie, où la tension graduellement intense bénéficie d’un montage en champ-contrechamp très efficace. La violence d’une parole masculine engendre ce geste irréparable. A partir de là, l’héroïne se trouve pris dans les engrenages d’une machine infernale, à la fois traqueuse et traquée, irrépressiblement mue par le désir de répondre à toute velléité de brutalité masculine, en même temps hantée par les fantômes de son passé.
Le récit exploite ces différents statuts avec une certaine efficacité dramatique, malgré quelques effets de mise en scène attendus et un dernier épisode qui joue un peu trop sur le registre pathétique. Le jeu crédible de Burcu Biricik donne à l’itinéraire de Fatma la dimension d’un drame personnel qui en dit long sur le statut des femmes en Turquie. Cette héroïne inflexible, devenue une sorte d’ange exterminateur à qui l’on confie des missions, évoque par certains aspects le film Nikita de Luc Besson, jusqu’à certains ralentis en contre-plongée qui précède des climax. On s’y attache volontiers.