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L’interrogatoire de Nathalie Sauvagnac pour les Yeux Fumés

Bepolar : Comment est né ce roman ? Quelle était l’idée de départ ?
Nathalie Sauvagnac : Il n’y avait pas d’idée au départ. J’ai emménagé quand j’avais environ 20 ans dans une ville nouvelle (on ne parlait pas de banlieue alors) et j’ai commencé à écrire l’histoire de Philippe à ce moment-là, il vivait dans mon environnement, ce personnage m’a accompagnée pendant de nombreuses années. Comme lui, j’habitais dans un immeuble, dans un petit appartement qui donnait sur une maternelle. J’ai rencontré beaucoup des personnes qui sont dans ce roman, je les ai romancées bien sûr, mais presque toutes ont traversé ma vie d’une façon ou d’une autre. Et puis quand j’ai accepté de grandir un peu, j’ai laissé Philippe un peu de côté. Lui ne voulait pas grandir. Puis je suis revenue vers lui parce qu’il restait dans ma tête comme une rengaine dont on n’arrive pas à se sortir et je l’ai terminé. Ce ne fut pas facile, je vous l’avoue, d’y ajouter le mot « fin ». J’avais l’impression de l’abandonner, ce petit gamin, cet ado fragile qui devient dur parce qu’il a trop mal. Je l’ai achevé…

Bepolar : Pourquoi avoir choisi la "France périphérique" comme lieu de votre action ? Qu’aviez-vous envie de faire ?
Nathalie Sauvagnac : Pardon, mais je n’aime pas du tout l’expression « la France périphérique ». Comme si la France tout court n’était représentée que par les capitales ou les villes. J’ai choisi des lieux que je connais, où j’ai vécu, je n’avais pas de message à faire passer sur les cités de banlieues, aucune démonstration ou apitoiement. On vit ici comme ailleurs, les murs des immeubles y sont sans doute plus hauts. Mais beaucoup de personnes y vivent et ne sont pas méprisables ou caricaturales, il y a des cons comme partout, des gens bien aussi. Je n’ai de condescendance pour aucun de mes personnages. Les yeux fumés raconte une histoire, l’histoire d’un personnage qui vit ici. Les bars d’immeuble, le béton sont un décor, reste le mal être du passage à l’âge adulte, quand on se rend compte que tout ça est une vaste escroquerie. Que si tu ne sais pas voler, tu vas t’écraser. Je pense que c’est une grande épreuve : on réussit ou on se plante. Philippe se plante. Il aurait pu se planter en vivant à la campagne ou dans un quartier de Paris… peut-être moins au bord de la mer…

Bepolar : C’est un peu une réponse à Ô Pulchérie qui se déroulait plutôt dans la campagne ?
Nathalie Sauvagnac :J’ai écrit Ô Pulchérie après Les Yeux fumés. Pulchérie est l’adaptation d’une pièce de théâtre : « Stripteases  » que j’avais écrite et montée avec ma compagnie de théâtre. Je ne voulais pas abandonner les personnages, je leur ai inventé une enfance, ce qui a donné : Ô Pulchérie ! Donc aucun lien entre Les yeux fumés et Ô Pulchérie. Je n’avais pas pensé à ce que vous me dites, c’est intéressant, mais inconscient de ma part.

Bepolar : Vous avez une jolie galerie de personnages. Comment l’avez-vous composée ?
Nathalie Sauvagnac :Merci de me dire ça. J’aime regarder les gens. Je suis metteur en scène, dramaturge et comédienne aussi, j’aime décortiquer le monde qui m’entoure pour restituer les petites choses. Il faut être un peu voleur pour être auteure. Les gens que je rencontre, les instants fragiles, les cassures des gens, les petits gestes me fascinent. Je me les garde dans un coin du cerveau et ils réapparaissent sur les touches de mon clavier. Je ne compose rien, j’écris sans plan, sans savoir comment ça finira, sans jamais connaître à l’avance quel personnage viendra, je me laisse surprendre. Parfois un personnage accessoire devient essentiel, c’est le hasard. Si j’écrivais en sachant d’avance tout ce qui va se passer ; où serait ma surprise, mon plaisir et mon envie de continuer, de retrouver mon roman chaque nuit ? Je ne compose rien, j’improvise. Je suis sur un fil au-dessus du vide, sans harnais.

Bepolar : Parmi eux, il y a Philippe. Comment pourriez-vous nous le présenter ?
Quel lien avez-vous avec lui ?

Nathalie Sauvagnac : J’ai un lien presque animal avec mes personnages. Comme je vous le disais, Philippe vit dans une ville nouvelle. Comme moi je l’ai fait. Il traine comme j’ai trainé, il aime qu’on lui raconte des histoires, comme moi encore maintenant, il a un regard sur le monde sans jugement, assez naïf au fond. Comme moi. C’est un adolescent et cet âge est un âge qui me fascine. Je pense qu’on garde tous un souvenir fort de son adolescence, c’est d’ailleurs étonnant comme les adultes, très souvent ont peur des adolescents. Je travaille le théâtre avec des adolescents, entre autre, et souvent on me dit : « Ouhhh ! des adolescents, tu dois en baver, ils ne sont pas faciles à cet âge ! ». Les gros clichés. Je crois que si on aimait plus les adolescents, si on les écoutait plus, le monde tournerait mieux. On est un oiseau sur le bout de la branche, on sait qu’on doit s’envoler. Philippe n’arrive pas à ouvrir ses ailes, il plonge quand même et il tombe parce qu’il a les ailes plombées. Retenu à peine un moment par une personne ou une autre tout aussi fragile que lui. Philippe est mon double au masculin (j’aimais beaucoup m’imaginer qu’un garçon puisse ressentir les mêmes choses que moi). Je n’ai pas vécu ce qu’il vit, tout ça reste de la fiction bien sûr.

Bepolar : Le livre vient tout juste de sortir, comment vivez-vous cette période ?
Nathalie Sauvagnac :Mon éditrice et toute l’équipe de J-C Lattès-Le Masque portent Les yeux fumés d’une façon impressionnante. Elles y ont cru dès la première lecture. C’est une rencontre incroyable. Mon roman vient de sortir et il plait ! C’est surtout ça qui est dingue. Il plait en tout cas à des personnes qui me le disent. Je suppose que ceux à qui il ne plait pas, ne me le disent pas (et je les remercie de ça, parce que ça fait très mal quand quelqu’un vous dit que ce que vous écrivez c’est tout pourri). J’ai des retours très positifs, des cadeaux infiniment précieux pour moi, des articles dans des journaux que je pensais réservés aux gens très connus et très intelligents (Paris-Match, Lire, Le Soir, Libération, Rolling Stone, Marianne, une chronique sur France Inter, une interview sur Bepolar…). Je vous avoue que je n’y crois pas vraiment, j’applaudis chaque fois en me disant : « Ooooohhhh ! » ou « Ouahhhh ! « et ça me fait du miel sur le cœur. Je ne pensais pas que c’était envisageable d’être aimée comme ça. Alors je le vis bien, mais en même temps je me dis qu’il doit y avoir une arnaque et que quelqu’un va s’en rendre compte à un moment. Qu’on va me demander de rembourser le trop perçu.

Bepolar : Quand pourrons-nous vous voir en dédicace ?
Nathalie Sauvagnac :Je suis assez mal à l’aise avec cet exercice, comme tous les auteur( e) s je suppose, mais je serai en dédicace à la librairie : les Mots en Lire à Courbevoie le 27 septembre et dans ma ville Orsay le 12 octobre. Après je suis très prise ailleurs parce que je travaille presque tous les jours sur le prochain spectacle de ma compagnie qui se jouera pour dix représentations à la fin de l’année. A partir de janvier je serai plus disponible, on verra alors si on veut encore de moi.

Bepolar : Avez-vous déjà entamé un nouveau roman ?
Nathalie Sauvagnac : Oui :). Je me réjouis chaque nuit de le retrouver. J’apprivoise mes personnages…

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Pour aller plus loin

  • Anne Liebmann 29 décembre 2019
    L’interrogatoire de Nathalie Sauvagnac pour les Yeux Fumés

    Les yeux fumés de Sauvagnac , littérature ? Roman de gare, aucun style, si l’on compare aux publications de Izzo (Chourmo) sur une thématique proche ou il y a réellement une intrigue policière.
    La on reste sur sa faim, le personnage est enfermé entre 4 murs sans option d’évolution : un dialogue par exemple avec un éducateur de rue, des services de protection de la jeunesse aurait été intéressant ...Pas de meurtre au sens réel du terme , histoire d’un type sans avenir qui aurait été plus intéressant sous forme de nouvelles..peut être que l’auteur aurait imaginée une trajectoire différente.
    Livre à emprunter en bibliothèque.

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