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Le monde n’existe pas : que vaut ce thriller baroque et ténébreux ?

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Série atypique diffusée par Arte, "Le monde n’existe pas" plonge dans un cauchemar où le familier vire au fantastique, révélant la noirceur d’une communauté rongée par ses secrets. Un polar psychologique étrange à l’esthétique remarquable.

Quand Adam Vollmann, journaliste d’un grand quotidien parisien, revient sous une fausse identité dans le village de Guerches pour couvrir le meurtre d’un homme, il s’engage dans une enquête vertigineuse où s’entrelacent culpabilité, traumas et souvenirs refoulés. Ce thriller rural ne s’arrête pas au simple fait divers : il dissèque les ombres d’une petite communauté en apparence sans histoire, révélant une société minée par des tensions enfouies. Entre paranoïa collective et ruptures temporelles, "Le monde n’existe pas" explore un univers trouble et captivant, où la frontière entre réalité et hallucination s’effrite à chaque scène.

Un thriller entre fable et cauchemar

La mini-série "Le monde n’existe pas" ne se contente pas d’une intrigue classique. Au contraire, elle creuse la trame du thriller en la tordant jusqu’à l’ineffable, jusqu’à l’absurde, transformant l’histoire en une fable noire, marquée par un déséquilibre permanent. Dès les premiers épisodes, la série frappe par sa rupture de ton, par son refus de donner au spectateur un terrain stable. Il y a là quelque chose de subtilement lynchien, une atmosphère d’étrangeté calme et inquiétante, où l’irrationnel contamine le quotidien. Se révèle alors une banalité en proie au basculement.

Au cœur de ce labyrinthe mental, la mise en scène multiplie les effets de rupture, les fondus enchaînés, les ellipses temporelles, semant des bribes d’images et de sons dans un montage fragmenté. Cette construction décousue épouse l’esprit des personnages, chacun englué dans son propre enfer intérieur, chacun mu par des obsessions indicibles. La paranoïa s’insinue insidieusement, jusqu’à métamorphoser ce coin de campagne en une terre de tourment où l’angoisse affleure.

Une plongée rurale dans la folie collective

Dans "Le monde n’existe pas", la ruralité dépasse sa dimension de décor : elle devient un lieu d’aliénation, une zone grise où les identités se déforment. Loin des clichés bucoliques, ce village de Guerches s’avère un espace d’ombres, rongé par des tensions sociales et des antagonismes refoulés. L’opposition entre citadins et ruraux, loin d’être un simple conflit de classes, renvoie à un fossé existentiel : les citadins semblent ici comme des intrus, des étrangers dont l’équilibre mental vacille au contact d’une nature qui échappe à toute domestication.

La série déploie des décors en marge de cette ruralité classique, introduisant par touches des images fantomatiques de friches industrielles, de terrils abandonnés, de zones périurbaines grises et délabrées. Ces paysages miniers, terres mortes en périphérie, posent comme une toile de fond apocalyptique, rappelant parfois les atmosphères désolées de "L’Invasion des profanateurs de sépulture" (Don Siegel, 1956) ou des premières saisons de "Twin Peaks" (David Lynch, 1990-1991). La tension qui émane de ces lieux, de ces ruines, semble hanter les personnages eux-mêmes, obsédés par leurs propres ruines intérieures.

Les personnages secondaires, quant à eux, révèlent une écriture bigarrée et décalée, évoquant par moments l’univers rural et grotesque de "P’tit Quinquin" (Bruno Dumont, 2014), où le trivial et le fantastique s’emmêlent sans cesse. Autour d’Adam gravitent ainsi des figures délirantes, des âmes en peine en proie à des névroses toxiques qui se répercutent d’un personnage à l’autre, créant une paranoïa collective, une contagion émotionnelle où chacun reflète la folie des autres.

Une musique aux accents opératiques, une esthétique du vertige

L’ambiance sonore joue un rôle central dans cette symphonie dérangée. La musique opératique, presque théâtrale, envahit les scènes de façon inattendue, ajoutant une touche baroque à l’ensemble. En contrepoint à la simplicité des lieux et à la rugosité des personnages, cette bande-son intensifie la folie ambiante, la mène jusqu’au vertige. Les accords semblent parfois même supplanter la réalité visuelle, comme une présence omnipotente qui enserre l’univers de "Le monde n’existe pas" dans un carcan de tension.

L’esthétique de la série apparaît elle aussi marquée par cette ambivalence. Les couleurs sont délavées, les lumières sourdes, à peine quelques éclats dans l’obscurité. Le réalisme et le surnaturel se confondent dans un kaléidoscope de tons, où chaque scène se teinte d’un malaise diffus, d’un sentiment d’angoisse inavouée. "Le monde n’existe pas" réussit en cela une certaine prouesse esthétique : faire naître le trouble dans le familier, transformer le quotidien en un spectacle hanté, où chaque objet, chaque visage semble le réceptacle de secrets lourds et insoutenables.

Au-delà du thriller : une quête de sens et d’affranchissement

Si "Le monde n’existe pas" joue la carte du thriller psychologique, elle dépasse néanmoins les codes du genre en leur donnant une profondeur supplémentaire. À travers ses personnages désaxés, la série interroge la difficulté d’être ensemble, l’impossible affranchissement d’une vie d’échecs, de regrets, de choix étouffés. Adam, dans ce retour forcé vers son passé, se heurte à des fantômes, aux traces d’une jeunesse brisée. Cette confrontation devient une métaphore puissante de l’emprisonnement intérieur, une parabole sur l’évasion rêvée, et finalement sur la fatalité des liens sociaux.

Au centre de cette introspection, la performance de Niels Schneider est remarquable : son jeu, tout en retenue et en tension, capte la fragilité de son personnage. Son regard hanté et son charisme sombre confèrent à Adam une profondeur qui ajoute au malaise de la série. Schneider incarne avec justesse l’ambiguïté de ce protagoniste en quête de réponses, mais constamment prisonnier de ses propres ombres.

"Le monde n’existe pas" fascine donc par sa capacité à jouer des contrastes : la série n’offre pas seulement une intrigue, elle enchevêtre la réalité et l’irréel jusqu’à déborder les frontières du thriller. Une plongée qui s’impose comme une expérience hypnotique, un voyage au cœur des ténèbres humaines.

Adaptée du roman éponyme de Fabrice Humbert la série "Le monde n’existe pas" est disponible sur la plateforme d’Arte jusqu’au 19 janvier 2025.

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